Aujourd’hui, Elizabeth se sentait d’humeur joyeuse. Et pour cause, elle allait au théâtre. Depuis toute petite, elle aimait le théâtre, comédienne dans l’âme, elle aimait s’inspirer des personnages qu’elle rencontrait au détour d’une pièce de théâtre. C’était bien la première fois que son oncle lui proposait d’y aller. Elle avait hâte d’être ce soir. Mais pour l’heure, elle se devait de tuer le temps et ce dernier ne l’aidait pas beaucoup. Quelle lenteur ! Elle avait l’impression d’observer les secondes, ni même son livre ne l’intéressait aujourd’hui. Ni une, ni deux, elle décida de sortir et de profiter du soleil. Un peu de soleil ne faisait jamais de mal.

Et la voilà parti pour le grand tour. Elle arriva sur la place centrale de Meryton et demanda à un passant où elle trouverait le théâtre, ce dernier lui indiqua gentiment le chemin. Après quoi, il eut l’air étonné qu’Elizabeth se fût montrée douce avec lui. Ben quoi, elle aussi, elle pouvait être gentille. Elle n’était pas méchante à temps complet, tout de même ! Elle se dirigea alors vers le théâtre. Une fois devant les portes, elle hésita à entrer. Etait-ce fermé ? Comment s’était à l’intérieur ? Est-ce qu’il ressemblait à celui ou sa mère l’emmenait à Paris ? Tant de question ! Mais la curiosité était bien plus forte que la volonté qu’elle poussa la porte. Elle fut tout d’abord surprise que cette dernière s’ouvre, mais peut être était-ce fait exprès. Elle passa sa tête dans l’entrebâillement de la porte. Malheureusement, elle ne put distinguer grand-chose, tellement il faisait sombre. N’ayant aucune crainte, elle entra définitivement et referma la porte derrière elle. Elle chercha à tâtons une autre porte devant elle. Quelques instants plus tard, sa main découvrit une poignée, qu’elle actionna aussitôt. De l’autre côté de la pièce, il y a avait de la lumière. Curieuse, elle franchit le seuil de la porte. Ainsi, elle se retrouvait dans la salle où aurait lieu le spectacle de ce soir. Elle examina la pièce. Un peu plus petite que celle qu’elle connaissait, mais d’une merveilleuse beauté. Si Elizabeth aimait tant le théâtre, ce n’était pas par hasard. Femme instruite et rêveuse, elle désirait ardemment voyager à travers mers et océans. Ainsi les pièces de théâtres l’aidaient à se transporter dans un autre monde. Elle avança petit à petit dans l’allée vers la scène. Une envie folle lui prit de monter sur la scène. Une fois devant, elle regarda autour d’elle que personne ne la regardait et monta sur la scène. Elle se retourna vers les sièges. D’ici, la vue de la salle était tout autre. Complètement différente. Soudain, elle se mit à imaginer qu’elle était elle aussi une célèbre actrice. Jouant Juliette dans Roméo et Juliette ou encore une reine des contrées lointaines. Elle se mit à tournoyer toute seule sur scène, riant aux éclats. Cela faisait bien longtemps qu’elle n’avait pas rit ainsi. Heureusement, personne ne l’observait. Quoique….

Ce soir-là, la troupe d'Edgard Theater jouait justement Roméo et Juliette. Après que les garçons ait installé les éléments principaux sur scène, tels que le balcon dans un coin, ou un mur sur la droite. Sophia avait été chargée de fixer la rosière. Ce n'était pas la première fois qu'ils jouaient cette pièce, aussi, la petite décoratrice n'avait elle pas eu beaucoup de travail cette fois-ci. Elle avait simplement reçu les roses en tissu qu'elle avait confectionnées pour la rosière et les tentures pour le fond. Elle était extrêmement fière de ces roses. Elles étaient fines et délicates, dans des teintes rouges et orangées. En les contemplant, Sophia comprit pourquoi elle aimait autant le métier de décoratrice que de costumière. Avec ses créations, elle rendait le monde plus beau. La vie devenait plus colorée, plus douce, moins cruelle. Elle pouvait presque croire au bonheur dans ce monde qu'elle créait.

Et pourtant, lorsque Sophia allait mettre en place ses sublimes roses, elle appréhendait de monter sur scène, même quand la salle était vide. La première fois, il avait fallu qu'Aidan la pousse pour que ose poser le pied sur le plancher céleste. Petit à petit, elle allait plus vite et oubliait où elle évoluait. Mais quand elle en prenait conscience, cela la mettait extraordinairement mal à l'aise. Aussi, ce jour-là, lorsque Sophia qui arrangeait sa scène entendit quelqu'un entrer dans le théâtre, elle s'échappa vivement en coulisses. Elle observa discrètement la scène, cachée derrière un lourd rideau de velours cramoisi. Elle vit cette Lady Elizabeth Forbes, une jeune femme qu'elle n'appréciait pas. Tout simplement parce qu'elle était exubérante et sans gêne, et qu'elle cherchait toujours à séduite, quand, elle, Sophia restait résolument invisible. Et surtout, Lady Elizabeth cherchait sans cesse la jeune femme, la questionnait sans arrêt.

La regardant jouer sur scène, Sophia sentit son coeur battre plus fort, hanté par une légère jalousie. Elle se força à avancer sur la scène, et interrompit l'exhalation de la belle jeune femme en l'interpellant d'une voix douce et effacée :

"Lady Elizabeth ?"

[justify ] Elizabeth se croyait seule, mais vraiment seule. Jamais, elle aurait pensé que quelqu'un l'observait. Elle dansait, chantait, riait sur scène. Elle s'imaginait être une actrice, être une comédienne. Cette vie semblait facile, jamais elle n'aurait alors de souci. Jouer au jour le jour la comédie. Mais voilà que ses pensées furent interrompues.

"Lady Elizabeth ?"

Ces seuls deux mots l'avaient fait sursauter. De peur, et de surprise, elle avait sursauté et poussait un petit cri strident. Quelqu'un l'avait reconnu ! Mais qui donc ? Lentement mais sûrement, Elizabeth se retourna pour découvrir son interlocuteur. Sophia !

Un soulagement ! Oui un réel soulagement, quand elle découvrit que c'était Sophia qui l'avait reconnu. Cette femme, elle en avait fait la connaissance quelques jours plutôt, alors qu'elle se promenait avec Edme. En effet, Sophia semblait l'apprécier beaucoup et Elizabeth la comprenait parfaitement, Edme était un jeune homme tout à fait charmeur et admirable. A y penser, ce n'était pas une grande surprise de la retrouver ici. Sophia était couturière au sein de la troupe de théâtre.

"Bonjour Sophia. Excuse-moi d'avoir sursauté et quelque peu crier. Je me croyais seule sur scène. Tu m'as fait un peu peur en arrivant ainsi"

Elizabeth lui sourit. Elle ne voulait pas non plus la faire fuir, alors qu'elle avait réagi de la sorte. Non bien au contraire, elle s'adressa à elle avec une voix douce, sans aucune arrière pensée. Malgré que cette femme intriguait la jeune Forbes, Elizabeth essayait de lui être sympathique. Mais apparemment, il y avait de la réticence chez elle. Pourquoi ? Aucune idée ! Elizabeth avait beau chercher, elle en savait rien du tout. Bon d'accord, Elizabeth était curieuse, mais tout de même, elle ne lui posait pas autant de question. SI ? Non, Elizabeth pensait qu'elle restait toujours raisonnable. Elizabeth observa que Sophia tenait dans ses mais de sublimes roses.

"Ces roses sont pour la scène de ce soir ? Elles sont magnifiques !"

Lentement et doucement, Elizabeth s'avança vers Sophia. Elle y allait prudemment, ne savant rien de la réaction de cette jeune fille. Elle n'avait que l'intention de regarder de plus près les roses qu'elle tenait. Sublimes, tout simplement. Alors qu'elle était à deux pas d'elle, elle avança son bras envers des roses. Mais...[/justify]

Lady Elizabeth Forbes avait poussé un petit cri alors qu'elle sursautait. Sophia posa sur elle des yeux étonnés : ainsi elle lui avait fait peur ? Ah bon... Non, la petite couturière avait peur, continuellement peur, mais elle ne faisait jamais peur. Et d'ailleurs cela ne lui plaisait pas. Elle aurait aimé qu'on l'aime, pas qu'on la craigne. Cette simple réflexion de la jeune Lady avait plongé Sophia dans ses pensées. Elle ne sourit pas en retour à Elizabeth, elle se contentait simplement de la regarder de ses grands yeux clairs. Elle n'aimait pas qu'on pénètre dans son domaine, qu'on lui vole cette place sur scène qu'elle avait mis tant de temps à trouver, cette petite place, limitée en temps, où il était permis de tout faire, ou presque. Ce qui l'ennuyait d'autant plus, c'est que cette place, Elizabeth semblait l'occuper mieux qu'elle. Elle était plus belle que Sophia, plus grande, plus étincelante. Sophia se sentit bêtement exclue.

Cependant, lorsque Lady Elizabeth complimenta ses roses, Sophia rougit légèrement et couva celles-ci d'un regard tendre. Voilà quelque chose que personne ne pourrait lui prendre ou lui enlever. Elle admira les roses dans ses bras avec un mélange de fierté et d'étonnement. Cela lui faisait toujours cet effet : se rendre compte qu'elle était capable de créer de telles merveilles lui faisaient chaud au coeur, et en même temps, bizarrement, elle n'y croyait pas (méga schizophrène quoi). Elle leva la tête et se rendit compte que Lady Forbes s'approchait d'elle. Un reflet de panique brilla dans ses yeux. Elizabeth tendit la main vers les roses, mais ce ne furent pas les roses qu'elle toucha en premier. Elle effleura d'abord le bras de Sophia.

Et Sophia avait une sainte horreur qu'on la touche. Même lorsque c'était une femme. Cela lui rappelait sa mère : des marques de tendresse qui n'étaient qu'imposture. Et cela lui rappelait à quel point le contact avec autrui pouvait faire mal. Elle s'écarta brutalement et laissa tomber toutes les roses au sol. Son coeur battait dans ses tempes et elle se sentit devenir cramoisie. Elle fixa les planches en chêne du parquet où les roses étaient éparpillées. Elle savait que ce qu'elle venait de faire était inadmissible. S'écarter devant une Lady, l'empêcher de faire ce qu'elle voulait était extrêmement mal venu de sa part. Mais elle avait horreur qu'on la touche. Point.

Elle plia les jambes pour se mettre accroupie et ramasser toutes les fleurs. Elle balbutia quelques excuses et tendit une des fleurs à la jeune et belle Lady. Mais ce fut d'un ton relativement froid bien que doux, qu'elle lui dit :

"V-veuillez m'excuser Lady Forbes, prenez cette rose, il me semble que vous vouliez en toucher une..."

Sophia semblait absente. Elizabeth lui souriait et au lieu de ça, elle avait de sa part le droit à un regard des plus équivoques. Sophia l’a dévisagé. Mais, une chose était sûre, Elizabeth réussit à la faire rougir, lorsqu’elle la complimenta sur les roses. Il fallait dire ce qui était vrai. Ces roses étaient tout simplement sublimes. Alors qu’elle s’approchait doucement des roses, pour pouvoir en attraper une, Sophia eut une drôle de réaction. Elizabeth ne comprit rien du tout sur le coup. Certes, elle avait effleuré le bras de Sophia, mais la réaction lui semblait excessive. Sophia s’écarta brusquement et fit tomber toutes les roses par terre. Croyant l’avoir effrayée, Elizabeth s’en excusa.

« Je m’excuse si je vous ai effrayée en m’approchant de vous. Ce n’était pas la mon but, je voulais simplement contempler ses roses. »

Une question brûlait les lèvres d’Elizabeth. Pourquoi Sophia avait-elle reculée au moment précis où elle avait effleuré le bras de cette dernière ? Curieuse réaction. Elizabeth la regarda ramasser les fleurs, se mordant la lèvre afin de ne pas lui poser la question. C’était là une tentation bien trop grande. Quand Sophia eut fini de ramasser les roses, elle en tendit une à Elizabeth, qu’elle accepta volontiers.

« Je vous en remercie, Sophia. Vos roses sont vraiment magnifiques et ont un parfum exquis. »

Elizabeth porta sa rose à proximité de son nez pour sentir le parfum dégagé par cette belle rose. Mais très vite, la tentation la reprit. La tentation de savoir pourquoi Sophia avait reculé. D’après Elizabeth, ce n’était pas une frayeur. Dans le cadre d’une frayeur, elle aurait du sursauter, comme tout autre personne. Non il y avait quelque chose d’étrange, quelque chose qu’Elizabeth aimerait savoir. Apparemment sa mère ne lui avait jamais dit que la curiosité était un vilain défaut. Ou alors Elizabeth avait déjà oublié toutes les leçons qu’on lui avait inculquées. C’était sûrement ça. Allez hop, ni une, ni deux, Elizabeth posa sa question. Cette question qui lui brûlait ardemment les lèvres.

« Sophia, pourquoi avoir reculé aussi brusquement, lorsque je me suis approchée. Je n’ai pas réellement eu l’impression de vous avoir effrayé. Si c’est le cas, vous avez là une bien drôle de façon de réagir. A votre place, j’aurais sûrement sursauté, comme je l’ai fait il y a quelques instants, lorsque vous avez surgi sur la scène, alors que je m’y croyais seule. »

Il ne manquait plus qu’à attendre que cette jeune femme lui apporte une réponse. Mais une chose était sûre, elle ne partirait pas sans avoir de réponse. Il fallait bien qu’elle comprenne, cette femme l’intriguait au plus haut point. Son comportement, ses manies, tout en elle ne reflétait que mystère. Qu’est ce qui n’allait pas chez cette femme ? Que cachait-elle ? C’était une mission pour Lady Elizabeth.

[justify]Sophia murmura quelques remerciements à l'intention d'Elizabeth, remerciements qu'elle entendit à peine. Mais, elle n'y prêta guère attention, tout ce qu'elle attendait c'était des explications. Savoir, comprendre, mais également alimenter sa curiosité intarissable. Seulement, les explications étaient quelques peu fades au goût d'Elizabeth. Sophia lui parlait d'une crainte, d'une peur que seuls les personnes du monde de la couturière connaissait. A croire qu'Elizabeth n'avait jamais connu la peur. Quoique oui, elle n'avait jamais connu la peur, ni même ressenti. Jamais, elle n'avait eu peur qu'on la touche. Non, quelque chose clochait dans les explications de Sophia, oui mais quoi? Voilà le mystère du jour ! Elle devait à tout prix le perçait et le connaitre. Elizabeth avait l'horreur de ne pas savoir quelque chose, surtout quand elle était tout près de la réponse. Elle allait donc continuer à l'interroger.

Elizabeth observa Sophia arrangeait ses roses, les disposer et les contempler. En effet, l'ouvrage qu'elle venait d'accomplir était magnifique et la lumière ne leur rendait leur beauté qu'au double de ce qu'elles étaient déjà. Elle laissa encore quelques minutes de répit à Sophia avant de ne lui reposer une question. Qui ne tarda pas de tomber ...

"Sophia, vous me parlez de crainte, et de peur. Mais je dois dire que vos explications me laissent perplexe. Vous avancez que je n'ai rien à craindre, alors que vous, vous êtes, en quelque sorte, en droit de craindre quelque chose venant de moi. Alors que je n'ai même pas levée la main sur vous, je me suis seulement rapprochée."

Elle fit une pause, le temps de planter son regard dans celui de Sophia. En effet, elle s'était déplacée en même temps qu'elle lui parlait. Désormais, elle lui faisait de nouveau face. Ainsi devant elle, se dressait une femme craintive, une femme qui avait peur, de qui ou de quoi ? D'Elizabeth ? Elle était peut être effrayante sous certaines coutures, mais pour le moment rien ne justifiait une telle réaction.

"Vous pouvez me dire la vérité, tout ceci restera entre ces murs et nous deux. J'ai plutôt l'impression que vous me cachez quelque chose Sophia ..."

Un pas, puis deux, Elizabeth s'approchait d'elle, créant une certaine atmosphère entre ces deux femmes. Elizabeth attendait, Sophia l'avait écouté, maintenant à elle de choisir.