Quinze heures. Alice avait pris place sur la petite mais confortable banquette du salon que l'on avait placée de sorte à ce qu'elle serve de bordure à l'une des grandes fenêtres de la pièce, à cette heure-ci baignée d'une lumière vive. Se tenant droite, la jeune femme s'était tout de même autorisé un peu de relâchement : son dos reposait sur le mur immaculé tandis qu'elle contemplait rêveusement le paysage à travers la vitre, et sa coiffure était légèrement défaite, preuve qu'Alice avait déjà dû s'agiter dans la matinée.

En réalité, Lydia n'avait pas été d'humeur clémente ce matin, et avait perdu patience avec Alice bien rapidement : La cadette Lefroy s'était soudainement vue projetée contre la table basse de bois massif de la petite pièce où elle recevait ses leçons par sa gouvernante, qui n'avait que faire que le dos d'Alice heurte brutalement le coin de la-dite table. Sa chute fut douloureuse et non sans-traces : Alice fut contrainte de se changer car le tissu de sa robe fut abîmé et tâché de fines gouttelettes de sang. A présent, le discret manque de tenue de sa coiffure était le seul indice visible de cet événement.

Alice, profondément silencieuse et perdue dans ses pensées, fut ramenée à la réalité par l'entrée dans la pièce de quelqu'un. Elle tourna la tête dans la direction du nouveau venu et reconnut aussitôt son cher frère William. Alice se leva un peu trop rapidement de sa banquette, mue par le désir de s'approcher de son aîné, et faillit perdre l'équilibre : la jeune fille avait toujours été maladroite. Elle se rattrapa bien heureusement à temps et sourit discrètement à William, qu'elle n'avait pas croisé depuis plusieurs jours, puisqu'il fuyait tant que possible la demeure familiale.

- William ! Vous voilà enfin !

Alice fit quelques pas dans sa direction, s'arrêta devant lui et son sourire s'agrandit.