« A small change in the daily » #Kennou.

Ce soir là n'était pas un soir comme les autres pour Lola. Elle qui devait rester à son post a vu de la grandeur, des couleurs, des formes, de la vie. Revenons un peu en arrière.

Il était entre minuit et une heure du matin lorsque Lola s'est en allée de la taverne des Dennakers, ayant fini de consommer sa drogue quotidienne et après avoir eu l'affection que Lexy lui donnait tant. Elle marcha vers la Cave, rejoindre sa rue, son trottoir habituel. Elle attendait et des clients allaient et venaient. Elle les faisait entrer, montant au premier étage, pénétrant dans une chambre et fermant la porte derrière elle. Une demie-heure plus tard, elle rouvrit de nouveau cette porte qui laissait entre voir un inconnu qui se reboutonnait sa chemise et son pantalon et elle qui s'en allait sans lui adresser le moindre regard. Elle était comme ça. Elle n'allait pas non plus rester toute la nuit avec lui alors que d'autres attendaient. Et puis d'ailleurs même si c'était le dernier, jamais elle n'avait passé la nuit avec une personne couché ainsi sur le lit. Le peu d'homme qui avaient voulu cela, elle les fuyait une fois qu'ils ont eu ce qu'il voulait : son corps, le plaisir de la chair. Elle n'avait pas cette envie de rester avec un individu après un moment physique, parce que pour elle, ce n'était que ça, du physique. D'ailleurs, elle n'embrassait jamais ses clients, allez savoir pourquoi. Pour elle, embrasser quelqu'un c'est quelque chose de très intime et de très prononcée. C'était profond et c'était tout simplement impossible pour elle qu'elle puisse donner ses lèvres à quelqu'un. C'est vrai, elle donnait son corps mais ses lèvres non, cela pouvait paraître puéril comme beaucoup d'homme l'ont pensé mais pas pour elle. Embrasser quelqu'un signifiait qu'elle avait des sentiments pour cette personne et tout les hommes qui lui sont passés dessus n'étaient pas importants pour elle. C'était juste une habitude.

Après ce client là, elle se remettait sur son trottoir, attendant un autre. Mais cet autre était Mr. Dawsey. Un habitué du coin, son habitué. Elle ne savait pas pourquoi il se rendait toujours devant elle ou devant Emy d'ailleurs, mais peut-être qu'il avait une préférence. En même temps Emy et elle se ressemblaient à peu près. Enfin, pour Lola c'était seulement un homme comme tant d'autre. Elle allait le guider comme toujours dans la Cave mais Kenneth l'a vit rattrapé et l'emmena loin d'ici, la faisant entrer dans une calèche. Elle ne savait pas du tout pourquoi il lui faisait ça, ce soir là, mais elle l'avait suivi.

La calèche s'arrêta un moment devant un grand manoir et Lola descendit du transport. Son regard se posa sur ce bâtiment puis Kenneth vint poser sa main sur son dos, l'incitant à le suivre et c'était ce qu'elle fit. Elle entra alors dans le manoir des Leycester et ses yeux ne pouvaient se défaire de tout cette décoration. Elle n'en avait jamais vu, même pas dans le Cottage où elle vivait. C'était beau et chaleureux. Elle marchait et pourtant elle ne regardait pas où elle allait, trop accaparée par les différents tableaux ou statues qui étaient présents dans les couloirs.

Une vraie énigme. Elle lui accordait une heure de son temps, pour ensuite disparaître sans un mot. En même temps, elle ne disait JAMAIS rien. Kenneth n'avait jamais entendu une parole sortir de ses lèvres vermeilles. Il avait beau lui sourire, lui demander si elle allait bien, lui montrer l'argent... elle se contentait d'un hochement de tête, et se dirigeait directement vers le lit. En vérité, elle le rendait triste. Quand ils faisaient (des bébés xD) l'amour, il tentait de croiser son regard, ou encore de lui voler un baiser, mais elle détournait son visage, d'une manière assez froide. Plus ils se voyaient, plus Kenneth se montrait doux et protecteur. Il remplaçait les coups violents par des étreintes, des touchers par des caresses... Il se demandait si Lola l'avait remarqué, mais elle n'avait apparemment pas changé d'attitude à son encontre. C'en était désespérant ! Kenneth détestait cette sensation : ne pas arriver à cerner une personne le frustrait particulièrement. Il avait toujours eu cette prétention d'être fin psychologue, d'ailleurs, avec Emy cela avait marché, il avait touché là où ça faisait mal. Oui, il y avait un petit côté vicieux derrière. Kenneth aimait voler l'identité des gens, comme s'il pouvait ensuite s'en servir. Et donc là... il se sentait désarmé, impuissant face à la brunette. MAIS il allait remettre ça...(Mon pote de classe: "tintintin!" xD)
Il décida que cette fois il allait chambouler ses habitudes, pour peut-être ! obtenir une quelconque réaction. Il engagea un cocher pour la soirée, et attrapa la jeune prostituée alors qu'elle dévalait dans la rue. Elle resta silencieuse dans la calèche, même s'il pouvait deviner dans son regard qu'elle cherchait à comprendre. Il fut ravi qu'elle n'était pas SI indifférente que cela au monde qui l'entoure. Ils arrivèrent au manoir des Leycester, autrement dit chez lui, chez sa famille. Il descendit rapidement de la calèche, tout enjoué, et proposa sa main à la jeune fille pour l'aider. Ils rentrèrent dans le manoir, et il lui demanda de l'attendre dans le hall.
Lorsqu'il revint, il retrouva Lola l'air toute émerveillée devant les décorations du couloir. Il se tint derrière elle, respectant son admiration, pour ensuite laisser échapper un commentaire.

KENNETH : Mon père, le Captain Leycester, a ramené ces peintures des différents voyages qu'il a entrepris. C'est à bord de ce navire-là que l'on s'est rencontré.

Kenneth s'abstint de préciser que c'était sur ce même bateau que le reste de sa famille rencontra la mort, et qu'après le naufrage, le Captain le recueillit. Lola avança tout droit, toujours contemplant les oeuvres d'art avec émerveillement, et Kenneth l'observait. Il était content d'apporter du renouveau dans sa vie, comme s'il avait un quelconque impact dans son regard d'ordinaire si morose.

Spoiler:

Il y avait différente saveur dans une même allée. C'était nouveau pour elle, depuis des années elle n'avait pas vu une maison ou un manoir. Elle n'était jamais rentrée dans une bâtisse comme celle-ci, donc c'était sûr que ça allait la "toucher". Elle s'émerveillait devant toutes ces choses inconnues. En même temps, depuis ses 9 neuf ans elle n'avait connu que la rue, les ordures, des bâtisses ternes, des visages monotones. Alors toutes ces choses de riches, étaient vraiment merveilleuses pour elle et cela se ressentait rien qu'en la regardant.

Elle écoutait son interlocuteur tout en regardant toujours les différents objets. Elle ne lui répondait pas, de toute façon elle ne pouvait rien dire de plus, elle était obnubilée par toutes ces choses nouvelles et elle ne pouvait pas parler. Elle hochait juste la tête signifiant tout de même qu'il ne parlait nullement dans le vent et qu'elle était tout de même à son écoute. Tout pour faire plaisir à l'autre, c'était automatique. Elle ne comprenait pas trop pourquoi Kenneth l'avait emmené chez lui mais au fond cela la changeait de voir toujours ces mêmes chambres délabrées. Cependant, ce n'était pas pour autant qu'elle n'allait pas réagir de la même façon. C'était avant tout un client, rien de plus. Elle tourna son visage, se décrochant d'un court instant de toutes ces merveilles. Ses yeux vairons vinrent se posèrent sur deux domestiques qui passaient par-là et qui la regardaient de haut en bas. Lola baissa le regard vers le sol puis passa ses mains sur son petit gilet débraillé, le serrant quelque peu contre elle. Maintenant, elle prenait conscience de la situation.

Elle était chez un riche et elle, cela se voyait très bien sa condition sociale. Elle entendit des murmures derrière elle, sûrement qu'ils devaient se poser des questions à sa présence dans le manoir. Un sentiment de gêne la pris au fond d'elle et pourtant elle ne montrait rien, restant muette. Ah oui, Kenneth ne l'a jamais entendu parler à vrai dire. D'ailleurs il ne savait pas qu'elle ne pouvait pas prendre la parole. Mais à cet instant elle se sentit quelque peu piégée par les regards des domestiques qui la jugeaient.

Lola releva son visage et se trouva alors devant une porte, Kenneth s'était arrêté de marcher.

Spoiler:

Les filles de la Cave appréciaient toutes plus ou moins Kenneth, il se comportait différemment des autres clients. Déjà, la relation client/prostituée, il la redéfinissait. Ne payait-il pas le Lord Vaughn pour passer du temps avec sa protégée... sans jamais coucher avec ? C'était peut-être contradictoire avec ce qu'il faisait, mais il avait une haute estime des femmes. Il vivait dans un foyer quasiment régi par des femmes ! Il était dur pour lui de tenir tête à Elinor, ou bien à sa mère adoptive. Du coup, lorsqu'il passait une nuit d'amour avec une des filles de joie, il ne faisait jamais preuve de violence, il essayait de les séduire avant de passer à l'acte... comme si elles étaient des femmes de la bonne société à qui il faisait la cour. Il lui était arrivée une fois de venir avec des roses pour deux femmes de la Cave. En fait, ce qu'il regrettait chez les femmes en dehors du Cave, c'était qu'elles suivaient trop consciemment les règles de bienséance. Aucune ne serait prête à révéler un signe de faiblesse, ou encore à se laisser aller. Kenneth se sentait simplement seul. Il ne voulait pas se stabiliser avec UNE seule, alors qu'il pouvait payer justement deux femmes pour un "ménage à trois" xD. Ce grand gamin. En tout cas, aucune d'entre elles ne pouvait rester indifférente face à cette attitude. On pouvait le mépriser pour son hypocrisie et ses contradictions dans ses principes, comme on pouvait tomber sous son charme et adhérer à son idéologie de la vie. Mais Lola... ne faisait partie d'aucune des deux catégories. Pour l'instant.

Kenneth continua de commenter certaines oeuvres. Il sentait qu'en fait Lola était un peu dans son monde à l'instant, et ne voulant aucunement la déranger, il cherchait un peu à contribuer de la façon la plus discrète possible. Tant pis si elle ne l'écoutait pas. Au moins, ce qu'elle devait savoir, c'est qu'il ne faisait pas son intéressant, non, il ne cherchait pas du tout à ramener sa science. Il essayait juste d'amener à la vie des portraits, des dessins, des statues inanimées, pour que Lola puisse imaginer d'autres couleurs dans sa vie. Il espérait secrètement qu'elle sourit, en fait. Il aimerait bien la voir sourire. Ou l'entendre parler. Il ne savait pas que la dernière option était loin d'être possible à obtenir.

Il s'arrêta en haut des escaliers, alors qu'ils tournaient à l'angle. Ils arrivaient devant sa chambre. Kenneth remarqua ensuite que Lola avait baissé les yeux, au son des domestiques qui jacassaient au loin. Kenneth fronça des sourcils. Il se mit à imaginer Emily à sa place... elle n'aurait jamais baissé les yeux, trop peu intéressée par ce que les autres pouvaient penser d'elle. Tant que les autres n'étaient pas des connaissances à elle, d'après ce qu'il avait pu deviner. Il ne se doutait pas du tout que tout un drame se déroulait justement autour de cette prostituée qu'il affectionnait tant, de sa soeur et de son propre domestique Liam. En même temps, il ne saurait tarder vu les rumeurs qui circulaient à l'hôtel de ville. Kenneth se pencha légèrement vers Lola, dans les meilleures intentions du monde.

KENNETH : Si vous voulez, on n'est pas obligé d'entrer. Il reste encore des choses à regarder dans la demeure de mon père.

Kenneth attendit la réponse de Lola. Allait-elle vouloir fuir leur inévitable tête à tête ? ou allait-elle préférer éviter le regard des domestiques posés sur elle ? Si cela pouvait la rassurer, bien d'autres femmes avaient fait leur entrée dans cette chambre. Mais elles n'étaient pas du même rang, certes.

Spoiler:

Les regards des autres ne lui importaient peu mais lorsqu'elle était confrontée dans un autre territoire que le sien, c'était tout autre perspective. Elle avait toujours pour habitude d'avoirs les yeux rivés sur elle, qu'importe que ce soit du mépris, du dégoût ou de la peine, elle sentait tout de même chaque personnes qui la jugeaient par un simple coup d'oeil. Mais là, ce n'était pas chez elle. C'était l'inconnu, elle n'avait pas ce genre de personnes qui venaient la juger dans ses rues. Elle avait ses repères troublés, et ne savait pas comment réagir face à tout ça. Elle ne pouvait pas non plus leur renvoyer leur mépris non ? C'était vraiment troublant pour elle ce moment là. Pourquoi Mr. Dawsey l'avait emmené là, qu'est-ce qu'il voulait de plus d'elle ? N'était-il pas venu juste pour le plaisir de la chair comme chaque soir ? Pourquoi il venait tout chambouler à son quotidien ?

Son regard se posa sur cette porte, cette même porte qui avait du voir nombre de femmes la franchir peut-être et elle allait y passer à son tour. Mais ils auraient pu faire la même chose à la Cave. Elle ne comprenait pas sa présence en ces lieux, elle ne savait pas où Kenneth voulait en venir. Il s'attendait peut-être à la voir réagir ? Une quelconque reconnaissance de sa part peut-etre ? Toute ces questions et ces doutes qui envahissaient sa tête ne cessaient de se bousculer. Elle n'était qu'une prostituée. Son devoir à elle était juste de combler le manque affectif et physique qu'un homme pouvait ressentir. Elle n'était bonne que ça et rien d'autre. Alors pourquoi tout ce privilège ? Elle ne comprenait pas. Elle n'avait pas mérité ça et pourtant on le lui donnait cette chance. Oui une chance de voir autre chose que sa pitoyable vie.

Cependant, elle n'était pas fait pour ça. Elle avait été conditionné pour être misérable, elle le savait et l'avait accepté depuis longtemps. Depuis ces années où elle avait traîné dans les rues seules avec sa mère dépressive. Depuis cette nuit où cette même mère s'est poignardée devant elle, mettant fin à sa vie. Depuis ces années où elle avait dû survivre toute seule, orpheline, arpentant les rues mal famées de Meryton. Depuis ce jour où son proxénète l'avait recueilli sans mal même s'il lui promettait tant de chose pour qu'elle soit bien, elle n'avait pas été dupe. Elle savait très bien ce qu'elle allait faire si elle le suivait. Elle n'avait plus rien pour elle, plus aucun espoir.

Son visage se tourna alors vers Kenneth qui semblait attendre une réponse, un signe qui pourrait enfin savoir si elle n'était pas juste un robot. Qui montrait un tant soit peu qu'elle avait des sentiments, qu'elle pouvait éprouver ne serait-ce un peu de reconnaissance face à ce qu'il lui proposait. Cependant elle restait impassible, fidèle à elle même. Elle leva une main sur son torse puis s'approcha de lui doucement, sous le regard des domestiques qui n'arrêtaient pas de colporter à son égard. Lola relava alors sa tête vers Kenneth et posa son autre main sur la porte, lui faisant comprendre qu'elle n'était là que pour combler son manque à lui et rien d'autre.

Spoiler:

Kenneth suivit avec attention le regard de Lola. C'était un moment décisif. Il tenta de décrypter ne serait-ce qu'une infime émotion dans ses yeux. De la surprise, de la peur, de l'envie, de la curiosité, de la fierté, du désir, de la reconnaissance, du respect, de la colère même ! ... mais RIEN. Elle s'approcha de lui, toujours aussi silencieuse, et il la laissa faire. Il ne broncha pas lorsqu'elle posa ses doigts sur son torse, et caressa du regard son épaule à moitié dénudée, jusqu'à descendre vers sa main droite, qu'elle avait posée sur la poignée de porte. Il haussa des épaules, un peu déçu, mais pas tellement surpris. Il prit la main gauche de Lola dans la sienne, et poussa la porte.

KENNETH : * murmure * Je vous en prie.

Il l'invita dans sa chambre, lieu privilégié où peu de... hum inutile de mentir, la vie privée de Kenneth était LOIN d'être privée, puisqu'il prenait plaisir à l'étaler à toute jeune fille le souhaitant. Kenneth lâcha la main de Lola, qui restait impassible devant son comportement de pseudo-gentleman. C'était frustrant >< xD. Etait-elle une marionnette ? uniquement guidée par la volonté de son proxénète qui faisait d'elle ce qu'il voulait ? En même temps, les filles de la Cave étaient toutes dans cette situation malsaine, elles n'avaient aucun contrôle sur leur vie. La moindre décision qu'elles devaient prendre seules était rare dans leurs misérables vies. C'était comme si... le cerveau de leurs chefs s'était greffé dans le leur, et qu'elles les laissaient les guider. Kenneth se sentit si impuissant. Il n'aimait pas l'idée qu'il forçait une jeune fille à coucher avec lui. En fait, il savait très bien que si elles avaient eu VRAIMENT le choix, aucune des prostituées ne l'aurait fait avec lui. Mais il aimait se soulager la conscience en pensant qu'il n'était pas un mauvais client après tout, et qu'elles passaient peut-être un bon moment en sa compagnie. Lola... réveillait sa bonne conscience. C'était mal. Très mal. Et d'une manière perverse, il y prenait quand même plaisir. Il était comme tous les autres hommes. Il n'avait AUCUN respect pour le corps de ses femmes, et encore moins pour leurs esprits. Aaaaah ! Pourquoi fallait-il qu'elle lui envoie ce regard si "professionnel" ? Lola s'était allongée sur le lit, l'air de rien. Elle attendait. Elle l'attendait. Kenneth se dégoûtait. Mais cela ne l'empêcha pas de rejoindre Lola sur le lit....

Il s'agenouilla à ses côtés, et caressa son doux visage. Elle paraissait si jeune, si fragile. Il déplaça une de ses mèches derrière l'oreille, toujours en la regardant. Elle détourna le regard lorsqu'il s'aventura à déposer un baiser près de ses lèvres. Cela le fit sourire. Elle jouait à la dure à présent. Il était à présent au-dessus d'elle à admirer son corps encore habillé. Soudain, il hésitait. C'était la seule avec qui il se comportait ainsi. Il n'avait JAMAIS hésité de sa vie avec une femme. Ou même dans la vie, il était quelqu'un de très spontané, qui n'aimait pas réfléchir à deux fois dans une action. Kenneth ferma les yeux et inspira profondément. Ce n'est pas le moment de penser à ton karma, Kenneth. Il est déjà trop tard pour cela.

Ce qui allait se passer maintenant, là tout de suite, elle le savait. Ce n'était plus de l'inconnu. Elle allait retrouver ses repères, enfin. Ne plus être troublé par la nouveauté car lorsqu'elle était troublée, elle était perdue. Cela faisait assez longtemps qu'elle savait quel chemin prendre tout les jours, quelles personnes elle allait rencontrer sur son passage. Lorsqu'on la chamboulait, elle ne se sentait pas tellement bien. Enfin, ce qu'a fait Kenneth, la prendre avec lui pour aller voir ailleurs changer son train train quotidien, c'était absolument merveilleux pour elle, à n'en pas douter ! Mais elle n'avait peut-être pas besoin de ça tout compte fait. Elle était devenue juste une automate. Conditionnée à faire la pute. Ce n'était pas pour autant qu'elle ne réfléchissait pas par elle-même ! Elle avait ses avis, ses propres désirs, ses propres sentiments, c'était juste qu'elle n'accordaient une place importante à ce genre de chose dans sa vie actuellement. Parce que pour elle, plus rien ne valent la peine d'être important.

Les êtres humains étaient étranges. Elle voyait passer pleins d'homme sur elle, différents mais toujours le même envie, la chaire. Des fois elle se posait des questions par rapport à eux. Pourquoi ils venaient traîner dans les rues mal famés du village alors que peut-être leur famille les attendait bien sagement dans leur demeure, prêt à leur donner un amour sincère. Mais non, ils venaient tout le temps. Comme si leur condition de vie n'était pas assez satisfaisant pour eux. C'était incompréhensible pour elle mais elle ne pouvait rien leur dire, même pas faire une remarque. Elle se devait juste de les satisfaire. Elle avait accepté ce destin là sans remords, sans même avoir émis un quelconque refus lorsque pour la première fois son proxénète l'avait pris sous son aile. Elle l'avait juste suivi, pensant que de toute façon sa vie n'allait pas être plus pire de ce qu'elle avait vécu auparavant. Les rues, les ordures pour se nourrir, pour survivre.

Quelle connerie. Elle se demandait parfois pourquoi elle était restée debout après tout ça. Pourquoi elle n'avait pas pris la peine de suivre sa mère dans sa folie suicidaire. Il y avait peut-être autre chose dans une autre vie. Peut-être que maintenant sa mère était bien, souriante comme avant. Heureuse, en somme. Mais elle non. Trois ans à errer seule dans la rue après l'avoir vu mourir devant elle. Trois ans à essayer de survivre comme elle pouvait. Et maintenant elle était réduite à ça. Quelle vie. Et c'était pour ça qu'elle semblait tellement détachée des autres. Ses gestes auprès des hommes qu'elle rencontrait contredisaient son regard, les traits de son visage qui ne s'exprimaient nullement. On pouvait croire qu'ils étaient importants pour elle et pourtant, elle était tellement ailleurs lorsqu'ils s'unissaient.

Et pour Kenneth c'était pareil. Elle voyait très bien sa galanterie, une galanterie qu'elle n'avait pas toujours vu avec ces autres clients et pourtant elle restait impassible. Lorsqu'elle rentra dans sa chambre, comme d'habitude elle s'allongea sur le lit et attendit patiemment que ça se passe. C'était horrible de dire ça, mais c'était véridique. C'était sa vérité à elle. Son regard rencontra celui de Kenneth qui vint se placer au-dessus d'elle, sentant sa caresse, sa tendresse sur son visage puis ses lèvres qui se posèrent au coin des siens. Bien évidemment, elle détourna les yeux et légèrement la tête aussi. Non, elle n'embrassait jamais.

Soudain elle sentit un moment où tout s'était arrêté. Il ne faisait plus rien, alors son visage vira de nouveau vers lui qui était là au-dessus d'elle sans rien faire. Les yeux vairons de la jeune fille vinrent se fixer sur le regard bleu clair du gentleman. Elle devinait nettement son hésitation et c'était la première fois à vrai dire qu'il réagissait ainsi. Son corps se mut quelque peu en avant, redressant son buste vers lui, son visage se rapprochant du sien et ses yeux toujours ancrés en lui mais qui restaient... vide de tout sentiment. C'était étrange ce qu'il faisait. Elle l'avait connu plus spontané que ça... Elle s'assit sur le matelas, laissant Kenneth toujours sur elle et plaça une main vers sa veste, ne cillant toujours pas du regard. D'un geste simple, ses mains s'engouffrèrent alors sur sa veste à elle et l'enleva doucement, faisant apparaître maintenant une chemise tout aussi délabrée. Elle continua son avancé vers les boutons de son habit et commençait à les décrocher une à une en partant du haut, laissant peu à peu entrevoir le haut de sa poitrine. Lorsqu'elle enleva tout les boutons qui raccrochaient encore le vêtement, elle l'enleva tout en douceur, laissant dorénavant son buste d'un seul attirail, son soutien-gorge. Tout ça en fixant Kenneth dans les yeux. Comme un automate.

Elle n'était pas obligée de faire ça. Après tout, son proxénète n'était pas obligé de savoir ce qu'il se passait entre eux, tant qu'il était payé ça lui allait non ? Kenneth ne comprenait pas. Il ne s'était jamais vraiment interrogé sur les motivations d'une prostituée en fait. Mis à part les menaces continuelles de leur maquereau. Lui venait à la Cave pour chercher du bon temps, pour s'amuser avec ses compagnons de chasse, et apprécier la "bonne" compagnie. Il aimait les femmes, leur contact, leur corps, leur esprit ! Il était devenu un habitué, tout le monde l'attendait à la taverne pour boire un verre, ou ensuite partir fumer chez les Dennecker. Il ne s'était jamais dit qu'il devait se contenter de la vie qu'il menait auprès de sa famille. Car pour lui, fréquenter des lieux malfamés constituait AUSSI une partie de sa vie, et il était suffisamment franc pour assumer cette sale réputation qu'il avait. Et puis... Kenneth n'était JAMAIS satisfait. Il voulait toujours plus. Il croquait la vie à pleines dents, espérant toujours être surpris par ses nombreuses découvertes. "Carpe diem" était sa devise, et il ne cessait de le prouver en multipliant les expériences de la vie (et pas seulement sexuelles xD), comme si chaque jour était le dernier. Kenneth était un bon vivant, qui n'aimait pas se prendre la tête. Il n'aimait pas les disputes ou la tristesse, et il cherchait toujours un moyen de résoudre les malheurs en douceur, par ses airs espiègles et son sourire charismatique. C'était peut-être pour cela qu'il avait voulu égayer un peu la vie de la petite Lola. Il n'avait pas supporté ce visage si froid et si pâle, qu'il avait voulu y apporter un semblant de couleur. Il croyait avoir réussi en l'amenant ici. Cela avait marché pendant... disons cinq minutes ? le temps qu'elle se prenne pour une princesse et qu'elle capture les oeuvres artistiques dans un coin de sa mémoire ? Et il avait fallu que la réalité refasse surface. Arf ! Fallait-il que ses domestiques la rendent si inconfortable ? Kenneth se dit qu'il allait en toucher un mot auprès d'eux. Le Captain Leycester et toute sa famille avaient toujours fait preuve de bonté et d'impartialité auprès de leurs serviteurs, alors pourquoi ces derniers n'en faisaient pas de même ? C'était le pire en fait... être au bas de l'échelle : on n'a rien à perdre, alors à quoi bon faire des efforts pour respecter ses voisins ? Kenneth était sûr que ces rumeurs véhiculées dans Meryton étaient le fruit de bavardages entre gouvernantes ou cuisinières. Après tout, quoi de mieux que de se réjouir du malheur des autres ! Tant que cela pouvait nous faire oublier notre propre chagrin. Kenneth réfléchit. Lola aurait malgré tout choisi cette option-là. Elle aurait été restée "professionnelle". Pourquoi avait-il pensé qu'elle aurait voulu faire les choses autrement ? Peut-être l'avait-il espéré ? Peut-être aurait-il voulu lui faire découvrir d'autres merveilles cachées des Leycesters ? Il aurait pu lui confier quels objets avaient été SES merveilles à LUI étant petit ... Il aurait pu lui faire lire ses passages préférés de romans qu'il gardait bien cachés... Ah ! Kenneth était un homme bien trop optimiste des fois. Je dirais même idéaliste. Il oubliait parfois qu'il était né dans un monde régi par des règles, et que la société georgienne était loin (bien loin !) de vouloir les transgresser. Tant pis, il serait l'un des seuls à le faire pour le moment.

Ne pas établir d'attaches personnelles avec sa prostituée était une règle. Ce n'était pas officiel, mais c'était une sorte de règle intime, sous-entendue entre les deux personnes. Et Kenneth s'amusait justement à transgresser cette règle à multiples reprises. Il n'avait jamais vu le danger auparavant. Il n'avait jamais compris pourquoi cette "règle" existait. Il s'en moquait, comme il se moquait de tant d'autres choses. Mais là, il réalisait petit à petit les raisons qui l'interdisait de créer ce genre de proximité avec Lola. Considérer une fille de joie comme un objet, et non comme un esprit. Fantasmer sur son corps, et ne pas idéaliser ses émotions, ses réactions. Autrement, c'était commencer à s'attacher.

Elle le fixait droit dans les yeux, avec cet air qu'il reconnaissait bien. Cet air si indifférent, si impassible. Mais pourquoi se montrait-elle SI indifférente ? Qu'avait-il fait pour ne mériter que ce regard-LA ? Ou que n'avait-il PAS fait ? Arf, il réfléchissait beaucoup trop ce soir. Il n'avait pas assez bu xD. Pourtant, elle réussit à l'enivrer, rien qu'en lui dévoilant son corps petit à petit. Kenneth reprit lui aussi petit à petit contrôle de son corps et de ses réflexions. Il fallait arrêter de cogiter autant, bon sang ! Ce n'était pas le moment ! Il se mordit les lèvres en la voyant montrer sa lingerie. Son corset maintenait fermement ses seins, et il avait beau connaitre sa poitrine, il cherchait encore à découvrir les secrets de son corps. Kenneth posa ses deux mains de par et d'autre du corps de la jeune femme. Sa jambe était restée entre les deux cuisses de Lola, et il l'obligea du regard à se rallonger. "C'est bon" lui disait-il par la pensée. Ils continuaient de se fixer comme ça. Les yeux de Kenneth étaient rieurs à présent. Il avait ce petit côté lunatique. Il descendit ses lèvres le long de son cou, et huma son parfum. Il n'avait jamais pris le temps de faire ça avant. Les préliminaires, elle n'avait jamais trop aimé avant ce soir. Tiens, était-ce une évolution de sa part ? Kenneth n'y pensa pas trop. Il ne fallait pas qu'il se remette à douter comme tout à l'heure. Il descendit son visage jusqu'au creux de sa poitrine. Il entendit son coeur battre. Elle avait beau se montrer froide, il voyait bien qu'elle s'affolait intérieurement. Après tout, c'était NORMAL. Elle avait le droit d'être humaine.

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