La Pump room n’était pas un endroit où j’étais invitée à aller tous les quatre matins. Réservée à l’élite de la société, l’accès n’était autorisé que sous invitation personnelle. De ce fait, vous vous demandez surement ce que je faisais en ces lieux ? Et surtout comment j’y étais entrée ? Ni une, ni deux, j’ai revêtu ma cape d’invisibilité et me suis infiltré dans la salle de bal. Ni vu ni connu je pouvais profiter de la soirée en toute discrétion. Excepté que la cape ressemblait davantage à une tunique de domestique et que profiter de la soirée se résumerait à servir des Lords imbus d’eux même et pathétiques.
Je me raccrochais à l’idée de recevoir une paie bien remplie, gagné honnêtement, sans causer d’ennui et sans rien ne devoir à personne. Pas même à Curtis ou à Sean. Quoi qu’ils pensent de mon travail, la vie que je menais me plaisait. Et j’évoluais dans de somptueux appartements. Libre de faire mes propres choix, de vivre différemment, de choisir ma voie.
J’avais à la main un plateau de punch et circulait entre les convives, leur proposant un rafraichissement. La soirée se déroulait sans encombre et comme j’étais occupée, je ne voyais pas le temps passer. C’est alors qu’un essaim d’abeilles (entendez par là, jeunes Lady irréfléchies) qui bourdonnaient à m’en donner mal à la tête entrèrent dans la salle comme des furies, jouant des coudes et se bousculant à la rencontre du meilleur parti de la soirée, celui là même pour qui ce bal était organisée. Je regardais d’un œil moqueur cet attroupement de jupons multicolores, me demandant si je devais plaindre ce pauvre garçon ou au contraire l’en féliciter.
Ainsi concentrée sur le spectacle offert par l’aristocratie, je n’avais pas vu arriver la jeune fille en furie se dirigeant vers le groupe, fonçant droit sur moi au préalable. Pris par surprise, je reculais d’un pas et me retournais violemment, percutant au passage un homme qui passait par là. Ce dernier, à la bedaine prédominante et la moustache mal rasé pris un air furieux et poussa un flot ininterrompu de jurons abracadabrants.
∂ Je… Je suis sincèrement désolée, je ne vous avez pas vu. Veuillez accepter mes plus plates excuses, monsieur. ∂ Savez vous à qui vous vous adressez jeune présomptueuse ? Vos excuses ne suffiront pas j’en ais bien peur. ∂ Je n’en ais pas la moindre idée, mais des excuses sont la seule chose que je suis en mesure de vous offrir… ∂
Nan mais il ne voulait pas que je lui lèche les bottes non plus ? J’allais déjà bien assez me faire enguirlander par l’intendante pour la flopée de coupes cassée, il ne fallait pas pousser le bouchon. Aux dernières nouvelles Maurice n’était pas mon deuxième prénom, à moins que ce ne soit le sien ?
∂ Me répondre ainsi, à moi… ∂
La couleur de son visage passait du rouge au bleu, puis au violet. Il leva la main, prêt à m’administrer une soufflette. Je tournais le visage et fermais les yeux, ne sachant si je devais le stopper ou si cela m’en couterait ma place…
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Sujet: Re: Sunday Girl ∂ Liam O'Loughlins Mer 9 Mar - 1:23
Liam avait, comme chaque homme ici-présent, revêtu son costume pour la soirée. Mais à la différence de ceux des Lords, le sien était très simple, et d'une couleur noire plutôt sobre. La tenue parfaite pour le domestique idéal... Liam n'avait pas assisté au commencement des festivités : il était fréquent que l'on demande à une partie des serveurs pour le Bal d'arriver une heure ou deux après le lancement de la fête, alors que celle-ci battait son plein, et que du renfort pour le service soit nécessaire. Ce soir, Liam faisait donc partie de "la relève". Il n'était sur place que depuis une quinzaine de minutes, mais déjà le brouhaha lui montait à la tête. Il valsait entre les groupuscules de personnes aux tenues toutes plus exubérantes les unes que les autres, mais toujours "à la dernière mode", un plateau d'amuse-bouches à la main. Seule l'expérience, acquise au cours des sept derniers mois, pouvait lui permettre de se déplacer avec tant d'aisance parmi cette foule de robes roses fushia, bleues pastel ou jaunes canari, sans risquer de renverser sur elles le contenu de son plateau. C'était certainement la faute ultime dans ce métier : oser tâcher les précieuses parures de Ces Dames. C'était vu comme une humiliation publique, un total manque de respect... Et l'on se moquait bien alors de savoir que vous renvoyer revenait à vous priver de votre seule source de revenus, et donc chance de survie. On vous mettait à la porte, un point c'est tout.
La tactique pour ne pas risquer de perdre l'équilibre consistait à ne pas se laisser impressionner ou distraire par les bribes de conversations que l'on saisissait à droite ou à gauche en allant servir un groupe de Lords, puis l'autre. C'était plus difficile que ce que l'on croyait : faire abstraction des éclats de rires sur-excités de jeunes filles un peu trop attentionnées envers un homme un peu trop galant, des cris outrés de quelques vieux Messieurs parlant politique, des soupirs exagérés de Ladies se plaignant de la monotonie de leurs vies pleines de luxe et de confort. Et, par dessus tout, éviter les grands gestes, éviter les couples qui dansaient, les jeunes filles qui s'agrippaient soudain... C'était, en somme, tout un art. Ce qu'aimait faire Liam, c'était se concentrer sur les notes de musique qui animaient la soirée, et que l'on entendait parfois à peine à cause du nombre ahurissant des conversations en tout genres. Mais, en tendant bien l'oreille, on finissait par percevoir la musique, se faire emporter par la mélodie... et oublier tout le reste. C'était comme une danse mécanique, une valse répétée encore et encore. Un groupe de personnes, un sourire poli, une révérence "Ladies, Lords", puis quelques pas, un groupe de personnes, un sourire poli, une révérence...
Mais toute l'attention de Liam se focalisa d'un coup sur une scène se déroulant à quelques mètres à peine de lui. Il reconnut tout de suite son amie Iris... Et il vit le plateau percuter un Lord que Liam avait déjà repéré comme étant particulièrement odieux, orgueilleux et méprisant envers la gente féminine. Les verres vacillèrent, et se renversèrent pour certains. la plupart, en vérité. Heureusement, tous les regards ne se tournèrent pas dans la direction du petit désastre. Liam se hâta dans la direction de son amie et du Vieux Lord, se pressant d'autant plus qu'il entendait le ton monter entre eux... Jusqu'à ce que le Lord tende sa main, prêt à frapper.
- Je vous prie de pardonner son impertinence, Lord Swissex, fit Liam en s'inclinant dans la direction du Lord, de sorte de s'interposer entre Iris et lui, et de l'arrêter dans son geste. Le Lord baissa la main, et Liam fut soulagé. Mais le Vieux restait cramoisi. Elle n'a d'égal que sa maladresse. Liam s'était redressé, et gardait un visage très poli. Bien sûr, il ne pensait pas un mot de ce qu'il disait. Mais il savait que son amie comprendrait et ne s'en formaliserait pas : il sauvait ainsi son emploi... Mais il serait bien dommage de lui en tenir trop rigueur et d'ainsi gâcher votre plaisir en cette si agréable soirée, n'est-ce pas ?
Le timing était parfait : à côté d'eux, quelques jeunes filles murmuraient déjà à l'oreille de leurs amies en observant la scène, avides de savoir si le Lord Swissex était si terrifiant qu'on le laissait penser, ou si ce domestique avait su trouver les mots juste pour l'apaiser. En fait, Liam put percevoir dans le regard du Lord une chose que seuls les hommes peuvent certainement comprendre : s'il s'apaisa en effet, ce fut plutôt pour tenter de se rattraper aux yeux des convives féminins -lui qui était si seul et si empoté- plutôt que parce que le discours de Liam avait fait mouche. Que ne ferait-on pas pour gagner les faveurs d'une femme, n'est-ce pas ? Liam lança un regard furtif à Iris, et l'aida à ramasser rapidement les coupes qui avaient été renversées.
- Je me demande bien ce que je vais te demander comme faveur, pour avoir sauvé ta vie ! plaisanta-t-il tout doucement, pour qu'elle soit la seule à entendre. Il voulait surtout que son amie se détende : aucun domestique ne serait à l'aise après avoir risqué de perdre sa place.
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Sujet: Re: Sunday Girl ∂ Liam O'Loughlins Mer 9 Mar - 2:28
Si la plupart des convives étaient tout absorbés par leur danse, leur chant ou leurs conversations, il y en avait au moins un qui m’avait repéré au milieu de la douce agitation qui prédominait lors d’un bal. Alors que je me sentais si mal la minute précédent son arrivée, le simple fait qu’il s’interposa entre moi et le Lord suffit à m’apaiser. Lorsque Liam prit la parole, je rouvrais les yeux et contemplais la scène, interdite. J’assistais en spectatrice au reste de l’échange, comme si je n’étais pas personnellement concernée par l’affaire.
Lord Swissex… Ainsi c’était lui. En effet, j’en avais déjà entendu parler, et je mettais enfin un visage sur son nom. Il revenait régulièrement au milieu des conversations, que nous domestiques avions tout le loisir d’écouter à notre guise. Mon travail satisfaisait pleinement ma curiosité. Aux yeux des aristocrates, nous n’existions pas. Aussi ne faisaient-ils pas attention de savoir si nous pouvions entendre ou nous leurs messes basses et leur secret. Malheureusement pour eux, même les murs ont des oreilles et les rumeurs circulent bon train. Le Lord, un vieux célibataire dégarni, était réputé pour sa mauvaise humeur et son orgueil. Je comprenais mieux ce qu’ils sous entendaient par là, et surtout la raison de son célibat prolongé. Non mais sincèrement, qui voudrait d’un vieil homme bourru, arrogant et à moitié sénile à ses côtés ?
Ma maladresse ? Quelle maladresse ? Tout au plus un peu tête en l’air, l’honneur de cette catastrophe revenait à la jeune Lady qui m’avait bousculée sans même se retourner, et bien sur sans s’excuser... Quand je vous dis que nous n’existions pas à leurs yeux. La seule fois où ils nous prêtaient une petite attention, c’était pour nous rabaisser afin de prouver leur « supériorité ». Un ramassis d’orgueil et de titre, c’est tout ce qu’ils possédaient. Mais si ça pouvait leur faire plaisir, laissons les croire ce qu’ils veulent. Je laissais Liam régler l’affaire tranquillement, admirant sa patience et le tact dont il faisait preuve. On pouvait lire une réelle reconnaissance dans mon regard.
Un cercle de Lords & Ladies s’était formé tout autour de nous, scrutant la scène d’un œil de lynx, ne voulant rien laisser passer pour pouvoir mieux aller rapporter les derniers ragots croustillants et alimenter les conversations de la cour. Lord Swissex avait d’ailleurs du en prendre conscience puisqu’il s’empourpra et ne semblait plus savoir où se mettre.
∂ Je… Vous… Grmbl. Déguerpissez vite et emmenez cette jeune insolente avec vous. Que je ne vous revoie plus d’ici la fin de la soirée, sinon il se pourrait bien que je change d’avis et vous fasse expulser tous deux.
Je m’exécutais rapidement, craignant davantage pour mon ami qui avait pris des risques pour venir m’aider que pour moi. Mon plateau dans une main, je me baissais et ramassais de l’autre le verre brisé qui s’était éparpillé sur le sol. Liam m’aida à son tour, mais la tâche n’était pas simple car nous étions trop serrés pour avoir la main sur chaque morceau. Je répondis à Liam sur le même ton de confidence, tentant de sourire malgré la vitesse à laquelle battait mon cœur.
∂ Hum à voir… Que dirais tu d’un verre au Golden Dragon après notre service ? En tout les cas, je ne te remercierais jamais assez. ∂
Le Lord en avait profité pour tourner les talons et vaquer à d’autres occupations. Nous n’étions déjà plus qu’un vague souvenir semblable à une piqure de moustique à ses yeux. Il en était de même pour le reste de la troupe. Il n’y avait plus rien d’intéressante à voir, le spectacle était fini. Pire même, ils étaient restés sur leur faim, en attendant plus de la part du Lord selon sa réputation. Peu importe, je m’échappais de la grande salle de bal, prenant soin cette fois de ne bousculer personne, me faisant aussi discrète qu’une fourmi et retournais dans les cuisines, Liam sur mes talons avec le reste de la casse. Je posais mon plateau et tâchais de le remplir à nouveau pour une nouvelle tournée. Malheureusement, la soirée était loin d’être finie… Mais désormais, Liam était là pour me tenir compagnie.
∂ Je ne savais pas que tu devais travailler ce soir aussi. Mais tu es arrivé à pique. Sans toi, ce Lord m’aurait mangé toute crue ! Et vu la grosseur de son ventre, je ne serais pas la première qu’il aurait dévoré ! ∂ plaisantais-je à moitié.
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Sujet: Re: Sunday Girl ∂ Liam O'Loughlins Mer 9 Mar - 23:56
L'incident était vite passé, au final, et c'était pour le mieux. Liam aurait été désespéré de voir son amie se faire renvoyer, en vérité. Car, en dépit de ses bonnes relations avec la blondinette qui s'occupait de leur auberge fétiche et qui aurait aisément pu lui offrir gratuitement un toit, elle n'aurait pas pu vivre indéfiniment sans argent. Et retrouver un travail par les temps qui courraient était loin d'être du tout cuit. C'était un fait qui restait bien présent à l'esprit de chaque domestique. On n'avait pas le droit à l'erreur. Mais il n'était pas nécessaire de dramatiser la situation, car après tout, ils s'en étaient tous deux tirés comme des chefs. Brosser Ces Messieurs Dames dans le sens du poil et faire profil bas en toute circonstance, voilà les clés de la réussite. Et pourtant, l'injustice de certaines réprimandes qu'ils avaient à supporter donnerait envie à n'importe qui d'égorger ces Aristocrates hautains et méprisants. Liam n'avait jamais aimé l'injustice, d'ailleurs. C'était une chose qui pouvait le mettre hors de lui, et le faire entrer dans une profonde colère. Iris avait, Liam le savait, également du mal à supporter cela sans rien dire. Souvent, l'envie les démangeait d'envoyer valser tous ces "Tyrans", de se révolter, de prouver qu'ils valaient quelque chose, eux aussi. Peut-être même plus, en fin de compte, que quelque uns de ces Bourgeois qui puaient l'abus de pouvoir et transpiraient l'orgueil. Et ce genre de sentiment, ce désir de rébellion, planait au-dessus des têtes de chaque domestique. Ils étaient des êtres humains, après tout. Ne méritaient-ils pas un peu de reconnaissance, même s'ils n'avaient pas eu la chance d'être nés dans un milieu tout d'Or décoré ? Certes, ils étaient payés pour servir et rester tranquilles. Mais un salaire de misère en comparaison des tâches qu'ils avaient à accomplir ! Il arrivait qu'ils travaillent pendant des journées ou des nuits entières, sans jamais une minute pour s'asseoir et souffler, à sourire, servir, nettoyer, accueillir... C'était à vous donner le tournis. A quand le rabaissement de trop ? A quand la remarque qui fera craquer un domestique, puis un autre, et encore un autre, et qui finira par tous les entraîner pour enfin se faire reconnaître à leur juste valeur ?
Une fois dans les cuisines, Liam profita de l'instant pour poser lui aussi son plateau, et fit de petits cercles avec son poignet pour le détendre : l'argenterie était loin d'être légère, et à force de toujours porter la charge de la même façon, on finissait par en avoir mal. Il regarda Iris composer un nouveau plateau de coupes, et pensa qu'il serait judicieux de disposer quelques nouveaux canapés et autres amuse-bouches sur son propre plateau. Ce-faisant, il s'amusa de la remarque de son amie et lui jeta un regard complice.
- Vu la grosseur de son ventre, il doit surtout en manger des bien plus dodues que toi ! sourit-il. Mais ne t'en fais pas pour ça. Je suis content d'être arrivé au bon moment. Liam s'appliquait à disposer les mets en ligne sur son plateau. En fait, je ne devais pas travailler ce soir... Mais j'en devais une à Victor.
Liam s'immobilisa un moment, se tournant face à son amie, qu'il regarda avec plus de sérieux. Il connaissait Iris, depuis le temps, et savait sa curiosité presque insatiable. Par ailleurs, il avait déjà parlé plusieurs fois du sujet "Emy" avec elle, tout comme elle lui avait confié quelques uns de ses secrets... Mais par dessus tout, c'était grâce à Iris que, ce soir-là, où il l'avait finalement revue après sept longs mois, il avait su qu'elle était là. Depuis, Iris et Liam n'avait pas pu en discuter, et Liam sentait qu'il devait se confier à son amie.
- Tu avais raison, la dernière fois... Elle était là. Je... Liam sentait qu'il ne trouvait plus ses mots, et c'était surement l'une des premières fois qu'il paraissait si troublé face à Iris, ce qui le dérangea un peu. Il toussota et reprit. J'ai envoyé Victor lui donner un mot et le collier de mon père, pour qu'elle puisse aller voir sa tombe. Je ne l'ai plus revue depuis.
Il s'était remit à ses affaires de petits fours, comme si ce qu'il disait faisait partie des conversations de la vie courante. Mais il n'était pas naïf, et sentait bien qu'Iris pouvait voir toute l'importance que cela avait pour lui.
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Sujet: Re: Sunday Girl ∂ Liam O'Loughlins Jeu 10 Mar - 14:49
Vivre dans la rue, voler, errer sans autre but que de trouver de quoi se remplir l’estomac. J’avais déjà connu tout ça. Et l’idée de devoir recommencer cette vite de débauche m’était insupportable. J’avais réussi à m’y soustraire, et j’essayais en vain de convaincre mon frère de me suivre. Ce n’était pas pour y retourner après avoir perdu ma place. Pendant huit ans, je travaillais sans relâche, prouvant à qui de mieux que je méritais plus que tout autre d’œuvrer au Royal Crescent.
Mais ça ne m’empêchais pas d’essayer à ma manière d’agir contre l’iniquité que subissait en permanence les domestiques du Royal Crescent. Agir de front n’était pas la meilleure attaque, l’insolence n’était pas acceptée par ces braves gens de l’aristocratie. Mais je me laissais parfois emportée par mes sentiments d’injustice et de colère à l’encontre des nobles caractériels, comme aujourd’hui. Heureusement que Liam était arrivé à temps, me rappelant que jouer les niaises et faire profil bas, leur laissant croire que tout leur était permis était bien mieux que de retourner à ma misère passée. Tout le monde n’avait pas la chance de naître avec une cuillère en argent dans la bouche et d’une certaine manière, nous avions plus de mérite qu’eux à être arrivé à la place que nous occupions aujourd’hui.
Mais nous avions bien d’autres façons de nous venger sans attirer l’attention. Découdre la robe préférée d’une Lady trop superficielle, mettre du poil à gratter dans le lit d’un couple très exigeant, ajouter du poivre dans la boisson de Lord Swissex… L’idée germais dans mon esprit, mais n’eut pas le temps de la mettre à exécution car déjà Liam reprenais la parole après notre moquerie sur le gentleman trop orgueilleux pour voir plus loin que le bout de ses chaussures…
Je me doutais bien que Liam ne devait pas être de service ce soir, mais s’il remplaçait Victor, cela expliquait beaucoup de choses. En partie, ce qui c’était passé une semaine plus tôt avec Emily. Nous n’avions pas eu l’occasion d’évoquer cette soirée depuis, tout deux pris par nos travaux respectifs. Mais maintenant qu’il se tenait devant moi, je ne savais pas comment aborder le sujet. J’étais curieuse, c’est vrai, et à force de pratique, je savais comment amener les gens à se confier à moi (la bouteille de rhum aidait beaucoup, mais ceci est une autre histoire…) Mais Liam était plus qu’une source de ragot, c’était un ami que j’avais appris à connaître et à apprécier, et si je voulais en savoir plus, c’était avant tout pour l’aider. Le sujet « Emy » n’était pas facile à aborder, et la plupart du temps j’attendais qu’il m’en parle de lui-même, le cadenas à lèvre n’existant pas.
∂ Liam… ∂ Il jouait sans cesse au super héro, à celui qui n’éprouve rien et qui continuait d’avancer quoi qu’il advienne. Mais tout le monde a le droit de craquer. Je m’avançais à sa rencontre, laissant de côté mes coupes. Je passais mon bras derrière ses épaules, dans un geste de réconfort, et poussais son plateau de petits fours, l’obligeant à me faire face. ∂ Quand la coupe est pleine, tout le monde à le droit de la vider. Et je suis là pour te réconforter et t’écouter. Il n’y a personne, laisse toi aller. ∂
La pièce était vide et je me permis de le prendre dans mes bras. Liam connaissait beaucoup de choses de ma vie et moi de la sienne. Il était radicalement impossible qu’il se passe quoi que ce soit entre nous, ce qui au final n’avait fait que nous rapprocher. Notre relation pouvait prêter confusion aux yeux des autres, mais qu’importe. Il avait besoin d’une amie et j’étais là.
Je relevais la tête pour lui parler à l’oreille. ∂ Et… Qu’a dit Emy? Tu l'as vue ? Qu’elle a été sa réaction quand tu lui as donné le collier ? ∂
Il avait mentionné Victor, aussi je doutais qu’il l’ai vu personnellement. Mais peut être avait-il réussi à savoir ce qu’elle pensait de son geste.
Spoiler:
Arf c'est trop triste T____T Je viens de lire votre sujet. Au passage en écrivant ce post j'ai eu une idée pour un futur plus ou moins proche, je te la soumettrais à l'occasion x)
Dernière édition par Iris Duke le Ven 11 Mar - 0:39, édité 1 fois
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Sujet: Re: Sunday Girl ∂ Liam O'Loughlins Ven 11 Mar - 0:37
Spoiler:
Elle est vraiment trop mignonne <33 xD
« Ce n'était pas que je ne voulais pas en parler. Ce n'était pas non plus que je ne me sentais pas suffisamment à l'aise avec Iris pour me confier à elle, loin de là. Et je n'étais pas de nature à raconter tout ce que j'avais en tête à la première occasion, certes, mais je savais que tout garder pour soi trop longtemps n'était pas bon. Cela ne m'avait jamais réussi, aussi loin que je me souvienne. Seulement, je n'aimais pas trop me plaindre. Je n'aimais pas parler de mes peines comme si j'étais le seul à en traverser, je n'aimais pas passer pour "celui qui souffre". Beaucoup d'autres vivaient mille fois pire, et étaient capables de tout surmonter seuls, et en silence... Comme Emy l'avait fait elle-même pendant des années d'abus. Que ce soit par peur ou pour nous protéger importait peu.
Mais, par dessus tout, parler était douloureux. Si auparavant, j'étais réservé par timidité ou par politesse, je l'étais désormais davantage pour me préserver. Je pensais à elle sans arrêt. Quand je me levais, quand j'allais travailler, pendant le travail, au retour, en me couchant. Et une fois endormi, je rêvais d'elle. Elle me hantait tant et si bien que je croyais parfois la voir au détour d'une rue, dans une salle bondée de gens de la Hauté Société... Partout. Et maintenant que je l'avais revue, c'était pire. Cette unique seconde pendant laquelle j'avais pu voir son visage était une pure torture. Alors en plus de penser à elle sans cesse, il fallait que j'en parle ? A vrai dire, je ne me sentais pas capable de le faire, disons, raisonnablement. Sans relâcher d'un coup la culpabilité qui animait chacune de mes pensées comme une vilaine bombe qui explose sans crier gare. Alors, peu à peu, et j'avais pu le constater moi-même, je m'étais renfermé. J'avais appris à garder ma souffrance pour moi. A juste donner quelques informations, juste le minimum pour comprendre. Je n'avais pas le sentiment d'être froid, mais peut-être que certains considéraient ma prise de distance comme telle. Mais je ne pouvais pas. Mettre des mots sur ma douleur, mes souvenirs et mes remords, tout cela ne faisait que les accroître considérablement. Et ils étaient déjà bien assez grands à mon goût. Seule une personne pouvait m'apaiser...
Mais je savais que face à des amis, c'était différent. Je savais que le dialogue était en fait un des fondements des relations, et qu'on ne pouvait pas vraiment y échapper. Au départ, je n'avais rien dit à Iris. Puis nous nous étions rapprochés, et avec le temps, elle m'avait confié des secrets, et moi les miens. Peut-être n'étions-nous jamais allés dans les détails les plus intimes et profonds. Peut-être nous étions-nous contentés d'en discuter comme deux personnes cherchant à panser leurs blessures psychiques grâce à l'autre. Un peu comme je l'avais fait, à l'époque où je l'avais rencontrée, avec Joan. Mais, ni à l'une, ni à l'autre, je ne m'étais parfaitement ouvert et avais dévoilé le moindre de mes sentiments. Joan devinait ma douleur parce qu'elle avait elle-même perdu celui qu'elle aimait, d'une manière encore plus radicale que moi. Elle compatissait. Mais j'avais commis une erreur avec elle. Bien sûr, je savais que nos rapports n'avaient aucune signification sentimentale, sinon juste un peu de réconfort pour elle. Je n'éprouvais rien d'autre pour elle qu'une sincère amitié, et je n'avais pas le sentiment de trahir Emy en étant avec elle. La trahir aurait été éprouver autre chose pour Joan, ressentir du plaisir avec elle. Je ne l'avais même jamais embrassée. Mais était-ce aussi clair, vu de l'extérieur ? Pourrais-je un jour regarder Emy dans les yeux et lui dire que j'avais couché avec une femme, mais que cela ne signifiait rien ? Oui, je le pourrais. Si elle me ferait confiance ou non était la réelle question. Et j'avais ce sentiment, comme un instinct, qui me disait que quelque part, elle serait déçue. Du moins, si elle éprouvait pour moi ce que j'éprouvais pour elle. Déçue comme j'avais été déçu d'apprendre qu'elle s'était donnée à d'autres hommes, sans plaisir là aussi.
Tout se confondait dans ma tête. J'aurais voulu des réponses, j'aurais voulu voir Emy véritablement, me tenir face à elle et lui parler. J'aurais voulu m'excuser d'avoir été si lâche et lui montrer que j'avais changé. Changé dans une manière qui faisait de moi quelqu'un de meilleur, j'osais l'espérer. Car si j'avais baissé les bras autrefois, je ne le ferais plus désormais.
Et c'était pour toutes ces raisons que je ne m'autorisais pas à craquer, comme le disait Iris. C'était parce que j'étais tellement instable, que j'étais capable, après avoir finalement relâché tout ce que j'avais sur le coeur, de courir la retrouver, me foutant de sa soeur, des convenances, de sa nouvelle vie et de tout le reste. Me foutant de savoir si elle parvenait à se reconstruire dans ce monde ou pas. Et lui faisant de la peine au passage. Si je m'ouvrais maintenant, j'étais le type le plus égoïste sur Terre. »
Liam répondit amicalement à l'étreinte d'Iris, perdu dans ses pensées. Il écoutait néanmoins tout ce qu'elle lui disait avec attention. Iris toujours contre lui, il répondit doucement.
- Je ne l'ai vue qu'une seule seconde... Victor s'est approché d'elle, lui a donné le collier. Mais je n'en sais pas plus... Je ne sais même pas si elle s'est rendue au cimetière, si elle a trouvé la tombe. Liam laissa passer un petit temps, et reprit d'une plus petite voix, presque un murmure. J'ai l'impression de crever sans elle, Iris.
Spoiler:
T'as un aperçu de l'état d'esprit de Liam comme ça C'est surement un peu long, désolée >< Et encore, je me suis retenue, parce que je te raconte pas tout ce qu'il peut penser, ce petit ! xDxD
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Sujet: Re: Sunday Girl ∂ Liam O'Loughlins Ven 11 Mar - 2:00
Je me sentais stupide, conne et surtout, surtout inutile. Et je m’en voulais de ne pas savoir comment le réconforter, de ne pas savoir quoi lui dire. C’était bien beau toutes ces grandes phrases à la con où je prétextais être une épaule sur laquelle il pouvait se soulager. Bien sur que je serais toujours à ses côtés, pour l’écouter et le conseiller au mieux, comme il le faisait avec moi. Mais là, je n’étais rien de plus qu’une poupée qui faisait figuration et qui se sentait comme une idiote.
Que dire ? « Je te comprends…». Mais est-ce que ça le rassurerait vraiment ? Si c’était à moi qu’on disait ces mots là, peut être. Mais ce n’était que des paroles banales lancées à qui de mieux par des idiots qui ne savent pas quoi répondre d’autre. Parce que non, je ne comprenais pas. Je ne connaissais pas Emy. Je ne connaissais pas la totalité de leur histoire. Je n’étais pas une partie de son cerveau pour savoir ce qu’il pensait ni une partie de son cœur pour savoir ce qu’il ressentait. Je n’avais jamais été séparée de la personne qui comptait le plus pour moi, à savoir mon frère. Ma vie n’étais peut être pas idyllique, mais j’étais fière du chemin que j’avais parcourue, de la route que je m’étais tracée et des personnes qui en faisait partie. Mais si je ne pouvais même pas les aider quand ils en avaient besoin, à quoi bon ?
Que dire ? « Ça va s’arranger… » Encore une théorie foireuse commander par ce « on » supérieur au reste de l’humanité. Une phrase de plus supposée mettre fin à une douleur sourde que personne ne pouvait faire disparaître. Qu’est-ce que j’en savais ? Je n’étais pas l’ange du Destin qui pouvait décider de bon déroulement de l’Histoire avec un grand H. Je n’avais pas ce genre révélations à propos de l’avenir et je ne prétendais pas lire dans les lignes de la main contre quelques pièces dans la rue. Alors oui, j’espérais que ça allait s’arranger, qu’on trouverait une solution au problème. Qu’ils auraient droit à leur « ils vécurent heureux et eurent beaucoup d’enfants ».
Que dire ? Un mot, une phrase. Trouver quelque chose, là maintenant, tout de suite. J’avais la vague impression de n’être qu’un imposteur, de ne pas mériter de serrer Liam contre moi. Quoi que je dise pour essayer de le réconforter, cela sonnerait forcément faux. Je n’avais pas envie d’être une hypocrite, de mentir, même si cela partait d’une bonne intention. J’essayais de me rappeler ce que me disait Candice après que je me sois confié à elle, ce que mon frère faisait quand je n’allais pas bien. C’est bête mais, leur simple présence suffisait à me consoler. Savoir qu’ils étaient là pour moi, que je n’étais pas seule… Cela suffirait-il à penser les blessures de Liam ?
∂ Tu sais, je suis certaine qu’Emily ne voudrait pas ça. Si tu la savais heureuse, ne le serais-tu pas aussi ? Elle doit probablement penser la même chose. Le mieux que tu puisses faire, c’est te reprendre en main. Le temps guérit les blessures, Liam, et seul lui sait ce que l’avenir nous réserve. ∂
Bonne ou mauvaise réponse ? Peu importe. En tout les cas c’était sincère et ça venait du cœur. Et ça c’était plus important que tout le reste. Je me détachais de son étreinte, mais gardait ses mains dans les miennes, n’osant pas tout à fait le lâcher dans l’immensité de sa peine. J’avais les mains froides, alors que c’était de la chaleur que je voulais lui communiquer. Décidément, tout allait de travers…
Spoiler:
Comment il me fait trop de peine Liam n'empêche xD Bon ce n'est pas aussi long que toi mais ça vient du coeur, tu me pardonneras? <3
« Au fond, j'en avais assez de tout ça. J'en avais assez de me sentir si mal, si seul, de ne pas réussir à m'en sortir. J'avais un travail, j'avais de nouveaux amis que j'appréciais vraiment, et qui m'étaient devenus indispensables avec le temps. Mais il restait ce vide dans ma poitrine que je n'arrivais pas à combler. J'en avais marre. C'était comme connaître la solution à mes problèmes, mais ne pas pouvoir m'en emparer. C'était comme courir dans le vide. J'étais fatigué. Fatigué de penser sans cesse à elle sans pouvoir aller la trouver. Tout ça pour satisfaire les... convenances. Tout ça parce qu'un domestique n'allait pas voir comme il le souhaitait une femme de l'Aristocratie. Tout ça pour qu'elle puisse être avec sa soeur, dont elle avait été séparée depuis des années. Tout ça pour qu'elle puisse être heureuse.
Si tu la savais heureuse, ne le serais-tu pas aussi ?
Je n'en savais plus rien. Je l'avais sincèrement pensé autrefois. A Meryton, j'avais mis de côté mon envie d'être avec elle pour lui dire que je pensais qu'elle méritait mieux. Qu'il fallait qu'elle aille vivre avec sa réelle famille, que son bonheur se trouverait là-bas. Aujourd'hui, je n'étais plus sûr de rien. On ne pouvait pas dire que j'avais la preuve qu'elle soit heureuse, et peut-être était-ce pour ça que je ne l'étais pas non plus. Mais rien n'était moins sûr... Le temps suffirait-il à me faire avancer, comme le suggérait Iris ? Je ne me voyais pas vivre sans elle, pour dire la vérité. Je ne m'étais jamais vu vivre autrement qu'avec elle, jamais. »
- Peut-être... Honnêtement, je ne sais pas. Liam regardait Iris dans les yeux et lui parlait très franchement, profitant du fait qu'ils soient toujours seuls. La savoir heureuse ne me suffit pas. Je veux quelque chose de plus... C'est compliqué.
Il se tut et sa fossette creusa subtilement sa joue. Depuis quand parvenait-il à faire ça ? Souffrir tout en offrant son plus beau sourire ? Etait-ce parce qu'il avait grandi ? Parce que les événements de ces derniers mois l'avaient endurci, au point même que sans s'en rendre compte, il soit devenu plus sombre ?
Il lâcha doucement ses mains en lui faisant une gentil signe de tête en direction de leurs plateaux respectifs.
- Je crois que la soirée nous attend... Il tendit la main vers un hors d'oeuvre nappé de crème, et de l'index, en vola un peu... Pour la déposer sur le bout du nez d'Iris, dont il se moqua gentiment ensuite. Voilà, c'était la touche qu'il te manquait pour être vraiment présentable.
Et le sujet "Emy" était officiellement clos pour ce soir. Car il ne pouvait pas craquer tout de suite.
Reputation Famille: Bath's inhabitants Age du personnage: 23 ans Relations :
Sujet: Re: Sunday Girl ∂ Liam O'Loughlins Mar 15 Mar - 11:49
Il y avait deux sortes de bonheur. Le bonheur égoïste, et celui qu’on partage. On dit souvent que savoir l’être aimé comblé devrait suffire à nous rendre heureux. Mais était-ce vraiment le cas ? J’étais bien la dernière personne joyeuse à l’idée que mon frère puisse s’amuser sans moi, que Sean s’enfuit sans moi, que Liam retrouve Emy et n’ait plus besoin de mon amitié… Etait-ce de l’égoïsme ou tout simplement de la jalousie ? J’aimais faire partie de la vie de mes amis, être cette petite étincelle indispensable à leur quotidien. J’aimais les aider, les faire rire et les rendre joyeux. Ils finissaient indubitablement par voler de leurs propres ailes et alors, je me rendais compte que personne n’était indispensable, pas même moi. Mais quand j’écoutais Liam parler d’Emi, j’espèrais au fond de moi qu’un jour quelqu’un parle de moi avec le même… Amour. Être dépendant de quelqu’un était quelque chose d’horrible et de merveilleux. Liam en avait fait les frais et était bien placé pour le savoir.
Pourtant il ne lâchait jamais rien et continuait de sourire. Cette incroyable fossette qui faisait craquer toutes les filles se creusait indéfiniment. Comment faisait-il ? D’où venait cette incroyable énergie qui le poussait à avancer malgré tout ce qui lui arrivait ? C’était en tout point… admirable. Et en fait oui, je l’admirais. Je n’osais même pas me demander ce que je ferais dans le même cas. J’en voudrais à la terre entière et m’en prendrais à qui de mieux ou alors je deviendrais une loque incapable de ne serait-ce se nourrir toute seule. Avait-il songé à… mourir ? Non, sinon il ne serait pas là avec moi. J’espérais que cette idée ne lui soit pas venu à l’esprit. Ou alors je ferais tout pour l’en chasser.
J’avais encore mille questions à lui poser. Mais Liam avait clos le débat et je savais qu’il aurait été malvenu d’insister. Chaque chose viendrait en son temps, comme par le passé. Chaque jour suffisait à sa peine et j’en apprenais davantage, lentement. Il n’ouvrait pas son cœur facilement, même après sept mois. Et le connaissant, je devais m’estimer heureuse qu’il m’ouvre déjà plus qu’avant.
Contre toute attente, la soirée repris le cœur du débat et ses taquineries habituelles avec. C’était le Liam que je connaissais. Mais à présent qu’il m’avait ouvert une partie de son cœur, je savais que ce n’était qu’une façade. Cependant, je me devais de participer à son espièglerie. Je n’avais pas vu venir la crème fouettée que mon nez reçu avec délicatesse.
∂ Ben voyons, je dois être très élégante maintenant ! ∂ Ma langue étant trop petite pour l’attraper, j’essuyais la surface lisse à l’aide de mon doigt et goutait l’hors d’œuvre.
∂ Hum… Liam… C’est vraiment délicieux. Tu devrais goûter toi aussi, pour être sur que ces aristo ne s’empoisonnent pas. ∂ plaisantais-je. Je saisis à mon tour l’un des petits fours posé sur son plateau et l’apportait à la bouche de mon ami. J’hésitais entre attendre qu’il le saisisse ou lui faire manger de force. Les deux options avaient ses avantages et ses inconvénients : qui de nous deux devait s’amuser le plus ?
∂ J’aimerais tant pouvoir m’échapper de cette soirée. L’ambiance m’est devenue subitement insupportable. Mais on a pas le choix, n’est-ce pas ? ∂ soupirais-je.
Liam était toujours plongé dans une sorte de morosité étrange, un état à cheval entre la nostalgie et l'envie d'avancer, la fatigue et la peine. Il était si facile d'oublier le monde qui l'entourait et de plonger dans ses souvenirs. Il était si facile de décrocher de la réalité et de ne se concentrer que sur l'irréel. Mais il savait que s'il se laissait trop aller, c'était la chute assurée. Il se connaissait et savait... le genre de pensées qui l'avaient traversé au départ général de Meryton, et encore plus après la mort de son père. Il savait qu'il ne fallait pas qu'il fasse n'importe quoi. C'était plus aisé maintenant qu'il avait ses amis à Bath. Iris faisait indéniablement partie de ceux qui le maintenaient en vie. Qui lui faisaient comprendre qu'il était bon de continuer. Qui égayaient son quotidien trop triste et vide de tout sens. C'est ça. Depuis qu'elle n'était plus là, sa vie avait perdu son sens. Si ses nouveaux amis depuis sept mois ne pouvaient pas combler tout le néant de son être, ils contribuaient néanmoins à l'apaiser.
Liam aimait ce genre de moments passés en compagnie d'Iris. Tout semblait plus simple, plus libre. Tout s'imbriquait avec un naturel fou. Il n'y avait jamais de malaise, jamais de peine, jamais de colère. Ils pouvaient parler de choses très sérieuses et graves, puis faire les enfants dans la seconde suivante. Leur relation avait un côté innocent que Liam chérissait. Penser à Iris n'était pas compliqué, n'avait pas de conséquences. Rire avec elle était agréable et léger. Savoir qu'il pouvait compter sur elle sans craindre d'être jugé, être d'égal à égal... Tout cela avait une valeur inestimable aux yeux de Liam.
Il la regardait en souriant. Elle respirait la bonne humeur, et avait ce don si particulier pour la communiquer aux autres. Ce n'était peut-être que pour un instant, mais au moins à ses côtés, Liam se sentait un peu mieux.
- Mais comme toujours, bien entendu ! Il la regarda approcher le canapé de sa bouche. Il aurait pu se dire que c'était mal, qu'ils n'étaient pas censés goûter ses plats qui étaient strictement réservés aux invités. Après tout, si on les voyait, ils pourraient avoir de graves ennuis. Mais Liam croqua dans le hors d'oeuvre et sa douce saveur le ravit. Tu as raison, c'est vraiment bon ! C'est à en regretter l'époque des goûteurs, comme tu dis...
J’aimerais tant pouvoir m’échapper de cette soirée.
S'échapper. Être libre, n'en faire qu'à sa tête. Ne pas obéir à ses obligations. Rire aux éclats, danser, manger et boire jusqu'à plus soif. S'amuser, s'évader. Devenir tout le monde et personne. Passer inaperçu et se faire remarquer. Donner une signification aux choses et leur retirer. Jouer avec la foule, se laisser emporter. Qu'est-ce que ça pouvait être tentant ! Qui n'en avait pas rêvé ? Surtout parmi les domestiques ! Eux qui étaient toujours contraints au travail, alors que se déroulaient sous leurs yeux des multitudes de bals, de danses, de rencontres, d'ivresses... S'échapper.
Le regard de Liam s'illumina d'une étincelle complice.
- Et si on l'avait, tu me suivrais ? Il prit sa main dans la sienne, la regardant toujours avec le même air, le même sourire signifiant bien qu'il avait quelque chose en tête. S'échapper juste quelques heures...
Tant d’années c’étaient écoulées, tant de choses avaient changées. Fille de la rue, domestique… Qu’est-ce qui était le pire ? Vivre misérablement, mais heureuse et respectée ou avoir une vie honorable mais triste et à la merci de n’importe quel clampin qui se croyait supérieur ? Avec mon frère, nous nous étions élevé tous seuls, avec force courage et volonté. J’avais plus de mérite que toutes les Ladies nées avec une cuillère en argent dans la bouche réunies. Alors quand elles se permettaient de faire des réflexions, mon sang ne faisait qu’un tour et ma raison m’interdisait de ne pas hurler, ce qui au final m’apportait plus d’inconvénients qu’autre chose mais au moins, ça me soulageait. C’était pareil avec les Lords, qui se permettaient d’aller te traiter comme une prostituée en croyant qu’ils pouvaient tout obtenir avec leur rang et leur argent. Ce qui me retenait de rester ? Savoir qu’au fond, il n’y avait pas pire que de vivre dans la rue, volant et mendiant. Il suffisait de relever la tête et de continuer à avancer.
Je n’étais pas la seule à opter pour cette technique. Liam aussi, mais on avait cette chance de pouvoir compter l’un sur l’autre, de pouvoir compter sur nos amis. En quelques mois, il avait pris un place tellement importante que je m’imaginais l’avoir eu à mes côtés toute ma vie. Je m’imaginais avoir connu Emily, l’avoir vu heureux et dans ses bras. Je m’imaginais avoir été là pour lui dans les meilleurs moments comme dans les pires. Mais pour le moment, les jours où la peine prenait le pas sur la joie me semblaient interminables et bien trop nombreux. Oh bien sur, il savait rire, me taquiner, jouer de cette facette qui pourtant ne me trompait pas. Si en façade il s’amusait à me trouver la partenaire idéale, je savais qu’amèrement il se disait qu’il avait perdu la sienne à tout jamais. Mais, au moins, je riais avec lui, espérant l’alléger d’un poids le temps d’un sourire.
Comme ce soir avec les amuses bouches. Digne des frasques de deux enfants, nous n’étions pas plus matures. Mais retrouver cette liberté, même le temps d’une soirée, vidait le cœur et l’esprit ! Pas de complications, pas de regrets, juste un canapé au saumon et l’espoir d’un avenir meilleur. Avais-je seulement connu l’insouciance de l’enfance ? J’en profitais en tout cas davantage en ce moment qu’à mes six ans et tentait avec plus ou moins de succès de rendre la vie plus légère à ceux qui m’étaient chers, même si ce n’était que pour jouer avec de la nourriture sous le regard réprobateur des autres domestiques qui erraient dans la cuisine. Ce que pouvait penser les gens ? J’en m’en préoccupais autant que de savoir si le baron avait mangé une pomme au petit déjeuné. Le meilleur moyen de leur faire fasse était de les ignorer, sinon c’était leur accorder trop d’importance.
Alors peu importe qu’ils me voient rire avec Liam, peu importe qu’ils me voient lui offrir un canapé, peu importe qu’ils me voient le prendre dans mes bras pour le réconforter. L’important étant ce qu’il ressentait lui, et ce qu’il voulait. Tout le reste était illusoire et futile. Si seulement… Si seulement nous pouvions nous échapper, le temps d’une soirée. Adieu les festivités et les responsabilités, bonjour à une soirée amusante et distrayante. Si seulement… Suivre Liam ? Mais l’avait-on ce choix ? Il suffisait que l’on remarque notre absence pour dire Adieu à notre travail. J’avais eu de la chance de trouver un emploi, serais-je assez folle pour tout gâcher ? Amitié ou stabilité ? Liam ou travaille ? ∂ Si on l’avait ? Mais on ne l’a pas Liam…∂ Son sourire, ce regard mutin qu’il avait si rarement, cette petite flamme de malice que j’aimais voir rayonner dans ses yeux. Est-ce que je souhaitais la voir disparaître ? J’affichais sur mon visage la même expression, vide de toute angoisse ou d’appréhension. ∂ Tu as quelque chose en tête ? Je te suis alors, mais rien de trop effrayant j’espère !∂ Puisqu’il semblait avoir quelque chose en tête, laissons le m’entrainer loin de cette vie qui ne me ressemblait pas.