... : Hum, hum... Timothy, Kenneth, je vous en prie.

Les deux jeunes hommes surpris dans leur conversation animée cessèrent de rire un instant, mais transmirent leur bonne humeur au reste de la famille. Sauf à Mr. Thomas Leycester, qui restait impassible, et continuait de manger silencieusement. Captain Leycester qui avait interrompu les messes basses de ses deux fils émit un sourire lorsque le repas reprit son calme. Il appréciait les réunions de famille, surtout qu'elles se faisaient de plus en plus rares. Elinor évitait de plus en plus sa mère, qui l'interrogeait à tout bout de champ sur ses projets d'avenir, Thomas et sa femme Margaret étaient pris par leurs obligations envers l'orphelinat pour jeunes filles, Kenneth était affairé à faire on-ne-veut-pas-savoir, et Timothy croulait sous les examens de printemps. Captain Leycester laissa sa femme prendre la parole, ce qui était plutôt étonnant dans une famille anglaise de cette époque.

MRS. LEYCESTER : Alors les enfants, que pouvez-vous nous raconter de beau? Quelque nouveauté au village, Kenneth?

Kenneth émit une légère grimace. Meryton était un simple village, où justement rien de NOUVEAU n'avait eu lieu depuis à peu près... seize ans. Et le chamboulement que Kenneth avait connu à ce moment là avait été plutôt malheureux puisqu'il apprenait que sa famille avait succombé à bord d'un navire, et qu'il devait dès lors vivre auprès du Captain et des Leycesters. Kenneth fréquentait les mêmes lieux depuis ses dix ans, les mêmes parcs, les mêmes bois, les mêmes tavernes... les mêmes femmes ! C'était d'un ennui... Et il avait beau nourrir sa lassitude dans l'alcool et le parfum de l'opium, rien n'y faisait.

KENNETH: Je ne savais comment vous l'annoncer, mère, mais votre fille a récemment changé d'avis, et a décidé de se marier avec le père Price. A force de le rencontrer aux mariages de ses nombreuses amies, elle est tombée sous le charme de ce cher veuf. Vous n'aurez donc pas à vous inquiéter des frais de la cérémonie !

Elinor prit un air offensé, et répondit à la moquerie avec fermeté. Thomas roula des yeux, et sa femme lui prit la main pour calmer ses pensées. Timothy lui émit un rire, en voyant ses deux frères et soeur se chamailler à table. Le bruit reprit donc place dans la salle à manger, au grand dam de Mrs. Leycester, qui s'excusa auprès de son mari. Ce dernier haussa des épaules. Captain Leycester comprenait l'ironie de son fils adoptif, et admirait l'esprit de son aînée qui répliquait avec ferveur. Il préférait que les membres de sa famille communiquent au lieu d'un silence total dans la salle.

Un domestique, Liam, fit son entrée dans la pièce, et s'approcha derrière la chaise du maître de maison. Il lui chuchota à l'oreille, d'un air assez embarrassé. Captain Leycester hocha de la tête, et émit un sourire.

CAPTAIN LEYCESTER : Eh bien, ma chère nièce, est-ce que vous seriez perturbé par un quelconque décalage horaire entre Londres et Meryton ? Faites la donc entrer, mon cher Liam, merci.

Liam se dirigea donc vers la porte de la salle, et amena la nouvelle arrivante à sa place. Il s'empressa ensuite de s'éloigner de la jolie jeune femme, un peu gêné. Les deux frère et soeur qui se disputaient aimablement arrêtèrent d'un coup, et Kenneth put faire plus attention à cette cousine éloignée qui débarquait tout droit de Londres... Elle était assise juste en face de lui, ce qui rendait l'observation d'autant plus pratique.

Kenneth ne manqua pas non plus de remarquer que la tenue vestimentaire de sa charmante "cousine" mettait en valeur les formes de son corps. Il profita du moment où elle prit la parole, pour prêter mieux attention à son physique. En plus, il n'était pas le seul à la dévisager à ce moment-là, ce qui rendait son action plus discrète. Kenneth écouta à moitié ce qu'elle disait. Il nota seulement un brin d'ironie dans son discours, et se dit qu'elle devait certainement être une femme de caractère... et qu'elle trouverait donc facilement sa place parmi les Leycesters. Il se mit à réfléchir, tandis que la jeune fille prenait place. Son visage lui était familier.

CAPTAIN LEYCESTER : Mrs. Leycester, mes enfants, permettez-moi de vous présenter Mrs. Ambre Turner, qui vient tout juste de Londres. Votre cousine venait de temps en temps pour les vacances ici, mais je doute que vous vous en souveniez...

A présent introduite par Captain Leycester, comme il se devait de faire, chacun des membres de la famille pouvait désormais s'adresser à Mrs. Turner. Kenneth s'aperçut que Ambre le regardait également. Il ne put s'empêcher de sourire également. Mais son sourire était légèrement moqueur. Il se souvenait à présent de la petite Ambre. La pauvre Londonnienne qui détestait se salir dans la boue, qui avait peur de l'herbe et qui hurlait à chaque fois que ses cousins et cousines voulaient jouer à chat.

KENNETH: Vous avez toujours été assez proche de la nature, d'après mes ... souvenirs. Et apparemment, cela se confirme encore aujourd'hui.

Kenneth, toujours un certain... tact. Il fixait la feuille qui s'était incrusté dans la presque-parfaite coiffure de la nouvelle arrivante, avec toujours ce petit sourire.

Kenneth observa sa cousine s'en sortir sans gêne. Elle rebondissait comme un chat (*_*) qui tombe sur ses pattes. Il esquissa un sourire admiratif à présent. Les autres membres de la famille laissèrent échapper des rires de bon coeur. Il faut dire que Thomas n'avait pas apprécié que Kenneth essaye de mettre la nouvelle arrivante dans l'embarras, et qu'Elinor aimait lorsque quelqu'un remettait Kenneth à sa place. La jeune fille semblait donc la bienvenue dans la famille.

Les domestiques amenèrent alors les plateaux de nourriture, et les Leycesters - Mr. Dawsey et Miss Turner en faisant partie désormais - commencèrent le repas. Thomas prit la parole quelques minutes pour parler d'affaires sérieuses avec sa mère, et Elinor tâchait d'enseigner à son petit frère l'art de se tenir à table. Cela laissait les deux autres convives silencieux. Kenneth ne savait comment l'expliquer, mais il n'avait plus faim. Il ne pouvait s'empêcher de lancer des regards discrets vers la jeune femme qui se tenait en face de lui. Il en connaissait de bien plus belles dans le village, et avait rencontré d'autres plus attirantes dans d'autres villes. Mais quelque chose lui disait qu'elle n'était justement pas comme les autres. Elle était un peu trop parfaite pour qu'on décide de l'envoyer ici, à Meryton, au lieu de rester à Londres, ville connue pour sa débauche.

KENNETH: Vu que vous avez pu apprécier le paysage de Meryton, est-ce que vous vous y plaisez déjà, Miss Turner?

Les deux jeunes gens discutaient presque en aparté.

KENNETH : Hum. J'espère que je saurai vous faire changer d'avis au cours d'une promenade en ma compagnie. Kenneth, Kenneth Dawsey.

Kenneth continua de fixer la jeune femme dans les yeux. Il se pencha légèrement en avance, avec classe. Le gentleman avait chuchoté ces mots, donnant une ambiance mystérieuse à cette invitation.

Spoiler:

Il reprit sa cuillère, et mangea sa soupe doucement. Il reposa sa cuillère, et écouta sa chère cousine. Il n'arrivait pas à détourner trop longtemps ses yeux d'elle. Il ne savait quelle était la raison de son obsession. Il essayait tout de même de se contenir, et de ne pas révéler qu'il n'était pas insensible à son charme. Il observa la réaction d'Ambre lorsqu'il lui donna son prénom et son nom. De toute manière, ce n'était pas la consanguinité qui le gênerait, lui x Allait-elle l'interroger à ce sujet ?

AMBRE: Mes sentiments envers votre village, dépendront surtout et fortement des rencontres que j'y ferais.

KENNETH: Et celles que vous avez déjà faites.

Kenneth s'essuya les lèvres avec une serviette, délicatement. Il regarda du coin de l'oeil le bout de la table où les autres membres de la famille discutaient encore.

Spoiler:

On sonna alors la suite du repas. Dans une famille aussi aisée que celle des Leycesters, les domestiques se hâtaient pour servir de bons mets dans un ordre bien précis. Ainsi, on apporta après la soupe, le plat principal, qui était composé de plusieurs viandes au choix, de féculents et de pain. Mr. Leycester fit un compliment à son chef cuisinier, qui paraissait ravi. La famille Leycester était une famille quasi modèle, où le bonheur régnait parfaitement. Ce serait trop prévisible de dire que derrière le sourire de chacun se cachait un malheur, et ce serait peut-être bien trop facile. Disons que rien n'est simple dans la vie, même dans des familles aussi soudées que les Leycesters. Derrière le sourire taquin de Kenneth se cachait principalement de la lassitude. Il s'ennuyait ferme dans ce village où il rencontrait les mêmes gens, les mêmes animaux, les mêmes lieux. Il avait beau partir en ville ou dans d'autres contrées, il ressentait toujours le besoin de revenir à Meryton comme s'il avait peur que QUELQUE CHOSE - enfin ! - ne se produise en son absence.

L'arrivée de sa chère "cousine" avait en quelque sorte égayé sa curiosité. Cependant, elle avait paru un peu trop sage à son goût aux premières impressions. Par ailleurs, ses quelques souvenirs d'elle étant enfant ne l'avait pas encouragé à y voir une quelconque aventure. Toutefois, après leur brève conversation, il sentait quelque chose de ... différent. Même dans son sourire. Au tout début, elle s'était montrée courtoise, même dans le sarcasme. Maintenant, ses lèvres dessinaient une autre expression bien plus sincère. Kenneth sentit un certain degré de satisfaction, il avait réussi à décoincer la gentille cousine. Arf, s'il savait !

En même temps, il se doutait bien que la jeune femme n'avait pas été envoyée ici pour rien. Il voyait aussi dans les manières posées d'Ambre, qu'elles étaient réfléchies, et non pas spontanées. Il comparait son attitude sage à celle d'Elinor, le modèle de la raison d'après lui. Hum... quelque chose clochait. Kenneth mangeait délicatement son morceau de poulet, puis leva les yeux. Attraction inexplicable. Elle avait ce regard qui le captivait. Comme s'il pouvait y lire à travers d'autres répliques dont elle avait le secret. Elle l'amusait.

Puis... Il resta interdit. Il détourna le regard, pour ne pas montrer son trouble. Il restait neutre, et se concentrait sur son assiette. Il n'avait JAMAIS vu une demoiselle de la bourgeoisie ... faire un clin d'oeil. C'était absolument INIMAGINABLE. Voire anachronique ? xD Il fronça des sourcils (ce qui lui donnait un air sexy xD), l'air de réfléchir calmement. Cela faisait longtemps qu'une femme n'avait pas réussi à le destabiliser.

KENNETH : Hum... Vous montez à cheval, Miss Turner ?

En effet, dans un monde où ce sont les hommes habituellement qui se doivent de faire le premier pas, la jeune femme s'était montrée assez ... culottée. En règle générale, les femmes usaient de signes discrets pour faire comprendre qu'elles étaient sous le charme. Une épaule dévêtue, un sourire au coin des lèvres, un rire presque exagéré... Kenneth était donc complètement chamboulé. Est-ce que c'était la coutume chez les londoniennes d'être aussi avenante ?

AMBRE: Cela m'arrive oui ... quand je ne peux pas l'éviter à vrai dire. ... J'apprécie nettement plus les promenades à pied.

Kenneth se maudit intérieurement. Pourquoi parlait-il d'équitation ? Arf. Si je vous révélais les pensées tordues de Kenneth, vous risqueriez d'être choqués. Je vous laisse donc libre d'interpréter comme vous le voulez ce à quoi Kenneth pensait véritablement. Indice : c'est un coquin xD <<.

KENNETH : Vous êtes moins paresseuse que moi. J'aime aussi me promener en compagnie de ma chère soeur Elinor, mais pour de courtes distances. Lorsqu'il s'agit de me déplacer à l'autre bout de Meryton, je préfère fatiguer ma monture que mes pieds.

Kenneth se racla la gorge, et tenta de garder son calme. Il ne savait pas pourquoi, elle déclenchait en lui le sens du danger. C'était peut-être son côté citadin qui faisait cela. Non, il y avait autre chose. Sa duplicité en fait. Elle paraissait si sage, si douce, mais manifestait de temps à autre des gestes qui étaient loin d'être conventionnels. D'ailleurs, elle recommençait.

AMBRE : Cela va peut-être vous paraitre sot, mais les chevaux avec leur grande taille m'ont toujours impressionnés.. il y a cette part de non contrôle dans ses animaux qui ne me rassure guère.

Les yeux de Kenneth glissèrent vers le décolleté de la jeune femme. Elle n'était pas habillée de manière provocante, mais lorsqu'elle se pencha vers lui, elle lui offrait une vision assez intéressante. Il esquissa un sourire, et s'approcha également.

KENNETH : Je suis sûr qu'avec un peu d'entraînement vous arriverez à les dompter. Je peux vous prêter ma cravache, si vous voulez.

Kenneth fixa Ambre dans les yeux, avec une pointe de malice. Il était sûr qu'elle lui réservait bien des surprises. Un peu d'agitation à Meryton était tout ce dont il voulait depuis TRES longtemps.

(Trois petits points xD xD)

AMBRE: C'est très gentil à vous... et je suis sure qu'avec vous à mes côtés.. avec la cravache, j'arriverais un jour à les dompter.

Puis, un silence. Kenneth trouvait cela très étrange. Il n'arrivait pas à deviner les pensées de la jeune fille. Pourtant, avec les gens en général, il parvenait à identifier rapidement leurs troubles et leurs secrets les plus profonds. Il s'en amusait d'ailleurs. Il y avait une autre sorte de connexion avec Ambre. Comme si, pour une fois, c'était quelqu'un d'autre qui lisait en lui comme un livre ouvert. Il détestait cela d'habitude. Il suffisait que Margaret lui fasse une remarque sur son enfance et ses parents décédés qu'il se mettait tout de suite en rogne. Il était partagé entre deux sentiments pour la cousine. Ils étaient sur la même longueur d'onde, et en même temps elle le mettait mal à l'aise. Elle le fascinait et il avait du respect pour elle, mais de l'autre côté, il éprouvait quelques fois un irrépressible sentiment de haine vis a vis d'elle. Il ne savait comment l'expliquer. Dans tous les cas, il était inexplicablement envoûté.

Il soutint le regard joueur de la jeune femme en face de lui. Provocante, oui. Mais elle avait affaire à un homme qui défiait lui aussi bien des gens. Kenneth reprit ses airs indifférents et retrouva son calme habituel. Il n'allait pas se laisser "dompté" (=P xD) aussi facilement, voyons !

KENNETH: Je me ferai un plaisir de vous aider. Mais vous savez, les animaux sont bien plus faciles à dompter que les êtres humains. Et en ce sens, moins intéressants.

Kenneth détourna son regard pour boire dans son verre.

KENNETH: Mais peut-être que vous n'aimez pas les défis dans ce genre.

Kenneth apprécia que sa cousine le trouve "intéressant". Bon, elle aurait pu employer d'autres termes, du style "mystérieux", "gentleman", "beau gosse" xD pour le définir, mais il saurait s'en contenter. Kenneth haussa des épaules. Oui, il préférait les choses compliquées aux choses faciles. Ce n'était pas pour rien qu'il était considéré comme un gentleman accompli : il s'exerçait au piano plusieurs fois par jour dans le but de manier à la perfection des morceaux compliqués, il s'aventurait dans des coins déserts pour chasser des espèces rares, etc. Il poussait toujours ses aptitudes à mieux. Par contre, en ce qui concerne les relations avec les femmes, il avait tendance à viser... "bas". Soit à courtiser des femmes qu'il savait déjà sous son charme, soit simplement faire appel aux services de la Cave. C'était peut-être pour cela qu'il s'en lassait.

AMBRE: En effet.. peut-être que je n'apprécie guère ce genre de défis ... ou peut-être que si, seul le temps vous le dira.

Elle le perdait. Il ne put s'empêcher de sourire. Cette femme l'intriguait fortement. Et il n'était pas sûr de pouvoir être suffisamment patient pour découvrir ses multiples secrets...

KENNETH: J'aime aussi les femmes compliquées.

Kenneth posa ses yeux sur son plat. Il en avait perdu l'appétit. Par contre, il avait soif. Très soif. Il s'empressa donc de boire sa coupe de vin, au risque d'entendre des reproches de la part de Margaret ou Thomas. Mais non, ces derniers étaient lancés dans une conversation assez animée. Les Leycesters accordaient beaucoup d'importance à l'opinion de chacun, et "même" de celles des femmes de la famille. Cela changeait des familles traditionnelles où le silence était maître de cérémonie à table. Ce qui était aussi inhabituel chez les Leycesters, c'était qu'à chaque fois il y a avait une surprise. Et la surprise de cette soirée était de taille puisqu'il s'agissait de cette lointaine cousine, qui faisait déjà du pied à Kenneth une heure après son arrivée. Kenneth garda son sang-froid cette fois-ci. Il se sentait bouillir à l'intérieur de lui (je rappelle que nous sommes à un temps où il en faut peu - très peu - pour perturber un homme) pourtant. Kenneth sentit un frisson remonter le long de son pied. Il se racla la gorge, et s'essuya les lèvres.

KENNETH : Voulez-vous que je vous serve de guide dans le manoir, chère cousine ?

A cet instant les autres membres de la famille apprécièrent cet élan de galanterie de la part de Kenneth. Il était rare qu'il se montre ouvertement courtois avec des invités. Ainsi, il attendit la réponse de la jeune femme - qui décida de le faire languir un peu avant d'accepter. Il se leva donc de son siège, fit le tour de la table, pour pouvoir lui proposer sa main et l'aider à se lever. Il chuchota discrètement au creux de son oreille.

KENNETH : Les femmes de la ville sont-elles tout aussi tactiles que vous ? Car je songe sérieusement à déménager désormais.

Kenneth se tourna ensuite vers son père adoptif pour le remercier du repas, puis ils prirent tous deux congé de la table.