Ces fraises étaient réellement délicieuses ! A tel point d'ailleurs qu'elle ne voyait pas le soleil déclinait, et n'entendit pas non plus un cheval s'approcher lentement. Ou du moins pas tout de suite. Lorsque le cavalier ne fut plus qu'à quelques mètres d'elle, elle finit par le remarquer, mais malheureusement trop tard pour prendre la fuite. C'est donc un visage écarlate qu'elle leva vers lui, s'il était encore possible de distinguer ses rougeurs de la boue et du jus de fraise du moins !

Elle rebaissa pourtant bien vite les yeux tant elle fut gênée du spectacle qui s'offrait à elle. Elle n'eut le temps de remarquer le regard qu'il lui lançait, la première chose qu'elle remarqua étant son torse nu. Elle se mit à bredouiller, mais il ne dut certainement pas l'entendre car il n'y répondit rien. Il fallait aussi dire qu'il était nettement plus haut qu'elle. Alors que, tellement confuse, elle ne savait toujours pas quoi dire, il prit la parole.

Kasey : Bonjour; ça fait longtemps que vous en mangez ? Parce que vous comprenez, c'est ma récolte et donc mon gagne manger...

Son embarras atteignit cette fois des sommets. Il est vrai qu'affamée tout à l'heure, elle n'avait pas vu comme sa gourmandise pourrait nuire à autrui. Ces fraises si nombreuses et bien alignées n'étaient évidemment pas sauvage. C'est donc le plus lentement du monde qu'elle se releva, toujours le regard rivé au sol. Elle s'essuya les mains comme elle put sur la robe et lui répondit d'une voix tremblante.

Bethany : Je... Je ne pensais pas être surprise ici... Enfin non... Ce n'est pas ce que je voulais dire... Mais si ! Mais non... Vous comprenez ? Non bien sûr ! Oh je suis si navrée... Jamais je n'aurais cru que... Ces fraises étaient si délicieuses, juteuses... Hum euh je vous rembourserais évidemment... Je ne vous dois pas beaucoup j'espère ? J'en ai goûté une ou deux simplement... Ou peut-être un peu plus ? Je ne sais plus... Oh !...

Cette dernière exclamation fut prononcée en un soupir. Elle tenta un nouveau regard d'excuse vers lui mais le rebaissa bien vite. Elle aurait aimé avoir ce don de la conversation que tant de femmes ont... Mais qu'importe fut le don qu'elle put posséder en cet instant, elle venait d'être prise sur le fait et rien ne pourrait rattraper son geste. Tout ce qu'elle pouvait faire en cet instant, c'était attendre son sort, en priant pour qu'il ne fut pas trop mauvais.

Soudain elle crut rêver. Nul gentleman ne venait d'arriver sur son beau cheval blanc, une bourse bien remplie à la main et des excuses plein la bouche, le seul homme sur un cheval blanc qui était présent était celui qu'elle redoutait. Aucune tempête non plus qui aurait rendu ces quelques fraises englouties superflues. Non en réalité le terme rêve était mal adapté, surprise aurait mieux convenu. Alors qu'elle continuait de se confondre en excuses -en balbutiements-, un rire cristallin échappa au jeune homme.

Quelque fut la tenue de l'homme présent, elle ne put s'empêcher de relever la tête et de le dévisager; son torse nu n'avait d'ailleurs plus d'importance tant elle sondait son regard. Il lui était impossible d'imaginer que l'on put rire en une telle situation ! Elle venait de.. de... de le voler ! Elle se voyait déjà la main coupée ! Pendue sur la place publique ! Mais... Il riait ! Si ses joues s'étaient teintées de roses quelques secondes plus tôt, il était à présent clair que l'ahurissement avait effacé toute trace d'une quelconque autre réaction. Il semblait réellement amusé... Était-ce possible ?

Kasey : Calmez vous demoiselle, vous en avez mangé, et ce qui est fais est fais. Elles étaient bonnes ? Cela vous a fait du bien ? Et vu l'état de votre robe je me dis qu'elles n'ont pu que vous remonter le moral...

Elle en restait stupéfaite. A tel point d'ailleurs qu'elle ne put lui répondre. Dans sa tête résonnait encore son rire, devant ses yeux s'étendaient son sourire. Sa bouche resta ouverte quelques instants, ne sachant toujours que dire. Elle le remarqua cependant et la referma rapidement, de peur de passer pour une simple d'esprit. L'inconnu descendit de son cheval et elle remarqua tout juste à quel point il avait pu la dominer de là-haut. Elle nota au passage qu'il n'avait pas de selle. Elle se surprit à rêver en un tel moment de ce que l'on pouvait ressentir à monter à cheval, la sensation de liberté, puis au contact avec l'animal à pouvoir monter sans selle... Mrs Pratt avait toujours trouvé le moyen de la punir lors des cours d'équitation, si bien qu'elle n'avait jamais eu l'occasion de monter... Sa présentation, suivie d'une révérence mit fin au silence qui s'installait durant ses rêveries, et lui permit de revenir à l'instant présent.

Kasey : Avant toutes choses, bienvenue sur mes terres, Kasey Gordon...

Bethany : Oh oui... Vous devez me croire bien mal élevée... J'entre sur vos terres, je mange vos fraises, et tout cela sans même me présenter... Miss Bethany Shaw... Enchantée.

Elle s'inclina à son tour, maladroitement et plus bas qu'il n'aurait été nécessaire de le faire, mais elle lui présentait là une excuse supplémentaire, son rang plus élevé lui évitant normalement cette peine. Elle voulut recroiser son regard, tenter de nouveau d'y lire ses sentiments, mais son torse attirait inéluctablement son attention, comme un tâche d'encre au milieu d'une feuille blanche. En réalité, c'était surtout la première fois qu'elle voyait un homme si peu habillée. Elle rougit derechef en songeant aux circonstances dans lesquelles elle avait imaginé voir pour la première fois le torse d'un homme.

Bethany : Je ne voudrais paraître impolie, ni vous déranger plus avant monsieur mais... Vous êtes si peu vêtu... Je n'ose vous regarder...

Un sourire timide traversa son visage alors qu'elle tentait un nouveau regard, avant de le river de nouveau vers ses souliers tâchés de boue.