Elizabeth avait toujours cru qu’elle s’ennuierait fermement en Angleterre. Jamais, elle n’avait aimé ce pays, et cela depuis sa plus tendre enfance. Mr. Et Mrs Tiddlers étaient le stéréotype du parfait « anglais » ennuyeux, et à cheval sur les règles. Cependant, cette croyance se révéla fausse dès son arrivée à Bath. Une ville qu’elle commençait à apprécier, surtout pour les différents spectacles que la ville lui offrait. Elle avait pu tout d’abord s’enfuir de la demeure Tiddlers, mais la personne la plus amusante à suivre était sa jeune sœur, Pearl. Cette petite sotte croyait au grand amour, l’amour avec un grand A. Quelle stupidité sans nom ! Elizabeth lui avait accordé sa confiance une seule et unique fois, et c’était une fois de trop. A cause d’elle, à cause de cette idiote, elle avait connu la plus grande des tristesses, après celle qu’elle avait vécue lors de la mort de sa défunte mère. Pearl l’avait poussé à y croire et elle en avait souffert. Dès ce jour, elle lui voua une haine sans merci, lui jouant des tours de plus en plus cruels ! En même temps, elle le méritait. Mais voilà que le hasard jouait en faveur d’Elizabeth. Oui, elle se réjouissait de voir sa sœur au plus bas, de la voir souffrir, de la voir dans cet état. Certes c’était de la méchanceté gratuite, surtout qu’elle en rajoutait une couche dès qu’elle le pouvait, en lui rappelant certains événements dont elle avait eu vent. Les murs ayant des oreilles, elle avait quasiment tout entendu sur le tragique événement impliquant Georgiana. Enfin, il n’y a pas que les murs qui lui avaient conté cette histoire, Miss Cleverley aussi. Depuis leur dernière rencontre, leurs relations avaient changé du tout au tout, de la haine qu’elle vouait à cette sotte pour l’avoir trainer dans la boue, une certaine amitié était venue la remplacer. Bien sûr, elle n’oublierait du passé, mais avoir une alliée contre sa sœur était la meilleure des idées. Elizabeth s’était réjouie de ce malheur. Tout se paye dans ce monde, et même son acte allait enfin se payer. Malheureusement, ce petit bonheur, si tendre, si savoureux qu’Elizabeth dégustait, faillit bien se terminer avec cette idée farfelue de demande en mariage. Lorsqu’elle apprit que William Lefroy venait de faire sa demande en mariage à sa sœur, Elizabeth crut défaillir sur place. Cette fille ne cesserait alors de connaitre la joie et le bonheur, tandis qu’elle ne connaissait que la solitude. Depuis la disparition de son amant, plus personne ne l’avait courtisé. Personne ! Absolument personne. Elle était seule, alors que Pearl qui piquait sans cesse des crises de larmes se retrouvait avec une demande en mariage. La vie semblait injuste, jusqu’à ce qu’elle apprenne qu’en réalité, cette dernière avait refusé la demande en mariage. Voilà une sage décision, une décision intelligente venant de sa sœur. Elle avait parfaitement raison de refuser cette demande, William n’étant pas fait pour elle.
Cependant, dans tout ce bonheur exprimé, Elizabeth continuait d’être seule, archi seule et ce soir, le bal débutait. Malgré la révolte que l’Angleterre avait connu, à Bath, la fête allait battre de son plein. Les révoltants étant, pour la majorité, derrière les barreaux, la vie pouvait reprendre son cours, et le bal pouvait donc se dérouler. Néanmoins, on n’arrive pas à un bal seule, et non, la coutume, enfin les mœurs veulent qu’une Dame, une Lady, arrive au bras d’un homme. Or, Elizabeth n’avait aucun cavalier, pas un seul homme de toute la ville ne l’avait invité. Ne préférant pas connaitre l’humiliation d’arriver seule, mais surtout dans une volonté de préserver sa réputation intacte, elle trouva la solution parfaite pour y remédier. Elle engagea un jeune homme, commis aux cuisines, qu’elle fit taire grâce à l’argent qu’elle lui donnerait, si jamais ce dernier acceptait de l’aider. Dans le cas contraire, c’était le fouet. Alors soyez en certains qu’il accepta sans trop y réfléchir. Elizabeth l’habilla de la tête au pied, afin qu’il ressemble à un jeune Lord, tout comme elle lui trouva un nom et une histoire. Quelque chose de solide afin que personne ne pose trop de question. Son mot d’ordre était le silence, en aucun cas, il ne devait ouvrir la bouche. Finissant de s’apprêter dans sa chambre, on vint l’informer que tout était fin prêt. Elle n’avait plus qu’à monter en voiture et ordonner au cocher de partir. Dans le salon, le jeune homme (dont le nom importe peu) l’attendait. Elle vérifia quelques détails avant de lui faire signe qu’il était temps de partir. Pour marquer le coup, Elizabeth avait opté pour une robe vert émeraude, cintrée au niveau de sa taille et s’évasant par la suite. Cette dernière mettait ainsi en valeur son visage, mais surtout ses yeux, son regard. Même si elle demeurait accompagner, rien ne la dérangerait pour aller voir ailleurs et peut être rencontré un homme. Un homme qui s’intéresserait à lui.

Elle arriva quelques instants plus tard au bal. Du monde, il y en avait. Tout le beau monde était présent, tous y étaient. En même temps c’était l’évènement à ne pas rater. Rater le bal signifiait être mis de côté, à moins que quelque chose ne vous retienne. Elizabeth attrapa vivement le bras de son mystérieux cavalier, qui regardait, bien trop selon elle, les autres dames présentes dans la pièce. Un regard noir et il reprit sa place. Parcourant la pièce, elle regarda qui était là et qui ne l’était pas. Sa sœur n’y était pas. Alléliua eut-elle envie de dire. Une peste en moins ce soir. Elle n’aurait donc pas à se soucier de ce qu’elle ferait, tout comme elle n’aurait pas besoin de faire en sorte qu’elle déguerpisse. Une autre lueur d’intelligence apparemment. Avec les évènements, elle semblait avoir grandi en maturité et réflexion. Ce n’était pas trop tôt. Continuant son inspection, Elizabeth remarqua au loin un homme. Un homme triste et seul. Quelle chance pour elle. Cependant, elle ne lâcha pas de suite son cavalier de substitution. Elle analysa, observa cet homme, celui qui était seul, pas l’autre. Et par le plus grand des hasards, il s’agissait de William, l’ancien prétendant de sa sœur. Ni une, ni deux, elle congédia le garçon embauché sans aucune autre forme de politesse. En réalité, elle avait que faire de ce jeune homme, il était juste là pour boucher les trous. Mais avec la présence de William, elle ne risquait plus rien. S’avançant au devant de ce dernier, elle releva la tête de manière hautaine, prête à l’aborder comme il se devait. La soirée s’annonçait extrêmement amusante.

« William Lefroy, quel plaisir de vous voir … » lui dit-elle lui offrant son plus beau sourire.

Elle le regarda et crut apercevoir une tristesse profonde en cet homme, ce qui lui faciliterait l’affaire. Elle comptait bien tout savoir, mais aussi s’amusait un peu. Que sa sœur ne soit pas là était une chose, mais s’amuser en était une, et Elizabeth avait une curieuse façon de s’amuser.

Le bal avait commencé il y a peu, et ce court laps de temps était déjà trop pénible pour William. Il était arrivé au bras d'une jeune Lady que sa mère avait choisi pour lui, il avait peut-être admis que sa chère mère le laisserait tranquille s'il ne disait rien, s'il ne râlait pas. Alors il était resté d'un calme étonnant, il avait subi ses préparatifs et le jour J il s'était habillé de manière très distinguée. Il était beau, mais sa beauté avait perdu un petit quelque chose, une petite étincelle : peut-être que son air fermé, dur, blessé y était pour quelque chose. En effet depuis quelques temps, William n'arrivait pas à aller mieux, son moral était toujours très noir, trop morose, et il n'arrivait pas à se sortir de la tête toutes ces pensées pesantes.

Il avait donc accompagné la jeune Lady inconnue au bal, cette dernière ravie d'être LA partenaire du jeune Lord convoité par de nombreuses femmes de Bath. Mais sur le chemin, le mutisme de William la fit vite déchanté. Tout Bath, plus ou moins, était un courant du refus de Pearl, du drame au manoir des Lefroys où William avait perdu beaucoup de sa crédibilité quand il apparut totalement saoul à la réception qui se déroulait sous son toit, surtout qu'il avait fini par trébuché sur Pearl et que tous deux avaient fini par terre. Depuis ces incidents, les rumeurs allaient de bon train, les gens parlaient, et les agissements de William étaient pour le moment un sujet de conversation très prisé. Des rumeurs le voulaient très poussé sur la boisson, d'autres le disaient dans un état peu glorieux, encore attaché à Pearl et souffrant de l'avoir perdu. D'autres affirmaient que Pearl était juste une passade, que son état était prévisible, personne ne pouvait être vraiment le gentleman si parfait qu'il était avant. Enfin tout ça pour dire que quoiqu'il se passera ce soir, William était en ligne de mire de beaucoup de commères, ce qui n'allait pas arrangé ses affaires.

Alors que sa partenaire venait de s'excuser auprès de William car elle venait d'apercevoir ses amies et souhaitait les saluer, nouvelle que William accueillit très bien et il s'empressa de la pousser vers ses amies. Ainsi, débarrasser de ses obligations, William en profita pour se mettre à l'écart. Il se dirigea vers le fond du jardin, et en passant devant un buffet, discrètement il attrapa une bouteille de champagne et alla s'isoler au fond du jardin. Il déboucha la bouteille, "ploc" le bruit du bouchon qui saute lui fut très agréable et il but une première gorgée à même la bouteille. Non ce n'était pas digne d'un gentleman.

« William Lefroy, quel plaisir de vous voir … »
Alors qu'il était perdu dans ces pensées, une voix le ramena à la réalité. Il tourna la tête et vit Elizabeth. A sa vue son coeur se serra instinctivement, à croire que le sort s'acharnait contre lui. Tout ce qu'il voulait oublié, tous ces ressentis qui le rendaient fous et dont il voulait se débarrasser, tout ça, Elizabeth Forbes venaient de les raviver. Comment ne pas penser à Elle, alors que sa soeur aînée se tenait devant lui ? Une torture. Il voulait croire à son indifférence, il voulait se persuader que le refus de Pearl l'avait blessé mais qu'il s'en était remis. Il voulait vraiment vraiment croire que cet état pitoyable, léthargique dans lequel il était, n'était pas causé par Elle. Il était un homme, ce n'était pas possible qu'il soit devenu si faible à cause d'un chagrin d'amour ... non ce n'était pas raisonnable, toute cette histoire n'était pas cohérente. Mais comment expliquer se laisser aller, et cette bouteille qu'il tenait à la main, tel un ivrogne. Quelles excuses à part Elle ?
Il regarda alors Elizabeth qui le regardait sans ciller, elle attendait surement qu'il lui réponde... oui c'était surement ça! William n'avait pas envie de parler, surtout pas à quelqu'un qui lui rappelait tant la personne qu'il voulait oublier, mais il dut se résoudre, Elizabeth ne partirait pas s'il ne lui répondait pas.

- Lady Forbes * ces mots lui brulèrent les lèvres* quelle surprise de vous voir ici, à l'écart des festivités ! Tout va bien ? *légèrement hypocrite ^^*