Le mois de Mars touchait à sa fin et les beaux jours se faisaient de plus en plus nombreux. Lucy comptait en profiter pour se promener, et rêver un peu. Le temps était magnifique, c'est pourquoi elle décida de partir en début d'après-midi et d'aller jusqu'au lac où elle pourrait s'installer avec un bon livre. Elle alla dans la bibliothèque pour en choisir un qu'elle n'avait pas encore lu. Puis elle traversa Meryton, s'efforçant de saluer de ça, de là, les connaissances qu'elle croisait, et s'enfonça dans les sentiers hors du village qui menaient au lac de Weymouth. Son esprit était occupé par le bal d'Aprils fool qui allait bientôt avoir lieu et qu'elle attendait avec autant d'impatience qu'elle le redoutait. Elle savait que tout Meryton serait là... Et tout Meryton incluait certaines personnes qu'elle n'était pas prête à voir. Heureusement que les masques étaient de mises. Pour une fois, un peu d'anonymat ne lui ferait pas de mal. Elle pensait à tout ça, mais aussi à Cael Vaughn qui l'intriguait de plus en plus, et aux mises en garde de sa soeur. En réalité, elle savait qu'il n'était pas vraiment fréquentable. Mais le goût du risque et l'envie de danger la poussait à continuer de le voir, et à continuer le jeu. Ses pensées tournoyaient dans sa tête à un tel point qu'elle ne s'aperçut pas qu'elle venait d'atteindre le lac et qu'il y avait quelqu'un devant elle... Qu'elle bouscula.

"Oh! Veuillez m'excuser, je suis sincèrement désolé.."

Lorsqu'elle leva les yeux vers l'homme qu'elle venait de bousculer, elle se figea, son coeur ne fit qu'un bond dans sa poitrine. Elle eut envie de courir, mais une force invisible la retenait. L'homme qu'elle tentait de chasser de son esprit se tenait juste devant elle.

Ce que Lucy espérait se produisit. La main de William entra en contact un bref instant avec la sienne. Le corps de la jeune fille s'électrisa à ce contact. Elle se contenta de tourner la tête vers le Lord pour voir sa réaction. Sa petite moue désolée ne semblait pas vraiment l'être. Et prise d'une impulsion soudaine, elle alla chercher la main de son voisin, et pas par hasard cette fois, l'effleura. Elle ne devait pas faire ça, elle le savait. Ce n'était pas vraiment ce que faisait les jeunes filles de bonne famille, mais c'est ce que faisait Lucy. Ce deuxième contact dura quelques secondes à peine. Puis Lucy continua la promenade comme si rien ne s'était passé. Ecoutant attentivement les paroles du Lord. Elle lui lança un regard rieur, comme si rendre visite un devoir à Alice était une contrainte. Bien au contraire, les deux jeunes filles s'entendaient à merveille.

"Vous aimez donc toujours jouer sur les mots. Vous savez bien que je ne considérerais jamais comme une contrainte le fait de rendre visite à votre soeur. "

En voyant son sourire moqueur, elle n'eut envie que d'une chose, pouvoir se blottir dans la chaleur de ses bras. Le sentir à elle et pour elle. Elle se retint cette fois si de lui prendre la main une nouvelle fois et se contenant de lui lancer un regard pleins d'envies et d'amour. Mais lorsqu'il plongea son regard dans le sien, elle repris une expression neutre, sentant son esprit essayer de la scruter. A vrai dire, la seule chose qu'elle imaginait préoccuper le jeune Lord était la mort de son père. Et peut-être elle. Elle avait continuait à marcher lorsque lui s'était arrêté, comme soufflé par la phrase qu'elle venait de prononcer. Elle se retourna vers lui, surprise de cette réaction violente qui ne lui ressemblait pas vraiment. Elle avance pour se remettre à sa hauteur, et écouter ce qu'il avait à lui dire. - Je vous prie de me croire quand je vous dis que vous n'y êtes pour rien. Vous n'avez rien fait de mal, Miss Lucy Price. Au contraire, c'est plutôt moi qui ait mal agi avec vous, et je m'en excuse.
La jeune fille ne savait qu'en penser. Elle savait qu'elle pouvait faire confiance à William. Mais qu'est-ce qui avait bien pu le pousser à s'éloigner d'elle de cette façon. Lucy se raidit, son regard redevint froid et répondit

"Bien. Cela fait près de 3 mois que je me torture l'esprit en pensant ceci. 3 mois que je me demande tous les jours quelles actions, quelles paroles, j'ai pu dire pour que vous ne vous intéressiez plus à moi. Et vous me dites seulement maintenant que c'est vous le responsable. Vous savez, je crois que je ne veux pas en savoir plus. Je ne veux pas savoir ce que vous avez fait. Je veux juste que vous sachiez que je serais toujours là pour vous, quoi qu'il arrive. Que jamais je ne penserez à un autre homme que vous. Peu importe ce que vous avez fait. J'accepte vos excuses. Vont-elles seulement changer la situation ? "

Lucy avait récité ce monologue en le fixant. Elle aurait voulu s'enfuir en courant, pour pouvoir laisser couler les larmes qui voulaient lui boucher le regard. Mais sa volonté fut plus forte que les gouttes d'eau. Et son regard ne brilla que quelque instant. Elle était complètement déboussolé par les paroles du jeune homme. Toutes les certitudes sur lesquelles elle s'était basé jusque là s'avérait être fausses. Elle avait imaginé qu'il ne supportait pas sa relation avec Cael, elle avait imaginé un tas de choses. Mais pas ça. Pas ça. Elle laissa son regard vagabonder, attendant la réponse du Lord.

Le moment où leurs mains se touchaient fut bref. Et pourtant, tout deux le ressentir. Tout deux l'apprécièrent, et tout deux durent penser au temps où ses gestes étaient presque naturel, et pas volés comme venaient de l'être ce frôlement. Lucy avait de plus en plus de mal à supporter ce qu'il se passait entre eux deux. Elle n'en pouvait plus de d'être sans cesse malheureuse, toujours, toujours. Elle se trouvait pathétique, mais c'était plus fort qu'elle. Elle ne pouvait stopper toutes ces sensations qui faisaient rage en elle. L'amour n'était vraiment pas facile, non, et encore moins quand il s'agissait de William et d'elle.

Elle le vit esquisser un geste pour essuyer les larmes qui semblaient vouloir s'échapper des yeux de la jeune fille. Mais elle le vit aussi se raviser, et un pincement au coeur se fit sentir. Une seconde fois, leurs peaux étaient si proche, une seconde fois, pendant l'espace d'un instant, Lucy aurait pu oublier où ils en étaient tout les deux. Elle était encore jeune, elle n'avait que 18 ans, le mariage, si le besoin commençait à s'en faire sentir, n'était pas encore pressant. Mais elle voulait William, et personne d'autre. Et elle savait que si elle ne trouvait pas un époux convenable pour son père, celui-ci se ferait un plaisir de la marier à un quelconque gentleman sorti de nul part. Et Lucy ne voulait pas ça. Elle refusait catégoriquement les mariages forcés. Elle croyait au bonheur et à la longévité des mariages et de l'amour.

Au moment où elle pensait ça, elle regarda William, et se dit qu'elle avait peut-être tort d'y croire. Qu'au final, tout n'était qu'éphémère et qu'il fallait qu'elle arrête de se bercer d'illusions.

Lucy savait que son monologue avait touchait William. Elle le regarda se tenir là, en face d'elle, ne sachant trop quoi lui répondre. Elle eu un instant pitié d'eux, de leur couple, de tout. Elle trouvait leur histoire tellement triste, et elle n'en connaissait même pas les causes. C'est pourquoi, quand il commença à répondre, elle l'écouta avec beaucoup d'attention, imaginant que la réponse à toute ses questions se trouveraient dans ses paroles.

Au fur et à mesure qu'il parlait, Lucy observa le visage de William, essayant de passer outre le fait qu'il était vraiment beau, elle essaya de décrypter ses expressions. Elle y voyait juste le regret qu'il exprimait déjà dans ses paroles. Lucy était déçue, elle n'apprenait rien de plus. Elle était consciente de ces changements, elle voulait juste comprendre ce qu'ils impliquaient, et en quoi il la concernait. Elle n'était pas si bête, elle avait sa petite idée sur la question. Même si elle était la fille du pasteur, le nom de Price n'évoquait pas assez la richesse pour qu'il attire l'attention de Lady Lefroy.

Mais dans le fond, ce qui agaçait le plus Lucy, c'était de voir face à elle un William amorphe, qui semblait incapable de réagir, incapable de faire quoi que ce soit. Elle voulait le secouer. Elle voulait qu'il se secoue. Elle avait besoin de lui.

"William... Si vous trouvez ces changements regrettable, pourquoi n'essayez donc vous pas d'y faire quelque chose ? Vous avez encore une volonté qui vous est propre, n'est-ce pas ?"

Le ton de Lucy n'était pas méchant, juste un peu sec, pour qu'il réagisse. Elle ne voulait pas voir son regard perdu dans le lac, elle voulait qu'il la regarde, ELLE, fier et déterminé, et qu'il lui dise qu'il allait se battre pour leur amour. Oui, c'était ce qu'elle voulait. Et peu importe le fait que cette pensée soit égoïste, il faut parfois comprendre que seul l'égoïsme permet d'atteindre le bonheur.

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Lucy ne savait plus trop que penser. Cette rencontre inattendue avait bousculé toutes les certitudes qui étaient ancrées en elle. Elle avait cru que si William l'évitait depuis la mort de son père, c'était seulement parce qu'elle s'était rapproché de Cael, et que, rongé par le chagrin, il n'avait pas supporté de voir le cousin qu'il détestait tant avoir à faire avec la fille qu'il aimait. Et puis, il semblait que finalement, c'était beaucoup plus compliqué que ça. Que Lucy avait tout faux. Mais William ne semblait pas vouloir expliquer vraiment les tenant et les aboutissant de l'affaire, et Lucy en souffrait. Ce n'était pas simplement à cause de son naturel curieux qui voulait toujours tout savoir, c'était aussi, et surtout, parce que cela semblait la concerner. Concerner la relation qu'elle avait avec le jeune Lefroy.

Elle songea un instant à demander à Alice ce qu'il se tramait dans la somptueuse demeure des Lefroys, et puis elle se rappela que les deux jeunes gens étaient très proche, et que si William ne voulait rien dire, alors Alice en ferait de même. Il restait une personne qu'elle pouvait encore interroger.. Ca ne ferait certainement pas plaisir à William, non, mais c'était le seul qui dirait les choses telles qu'elles étaient réellement. Et puis Lucy regarda William, et se dit qu'elle voulait apprendre ce qui n'allait pas de sa bouche, et pas de celle du cousin Cael. Elle enleva donc l'idée de son esprit.

Lorsqu'elle parla, les yeux de William vinrent déstabiliser la jeune fille déjà fragiliser par la situation des plus déconcertantes. Lorsque ses yeux bleus croisaient les siens, le coeur de Lucy ne pouvait s'empêcher de vouloir sortir de sa poitrine (hihihiii **), et s'était parfois extrêmement gênant. Cependant, Lucy ne se laissa pas démonter, et plongea à nouveau dans l'océan de ses yeux (mondieu, que je suis poète. #SBAF) bleu. Elle s'étonna de le voir sourire, presque se moquer des paroles de la jeune fille, c'était un sujet sérieux s'indigna Lucy intérieurement. Mais l'indignation fut de courte durée. Comment pouvez-vous restez fâché lorsque l'homme que vous aimez décide de vous caresser si tendrement le visage. Lucy cache un sourire de plaisir, ne voulant pas trop montrer les sentiments qui faisaient rage dans ses entrailles : l'amour, la peur, la tristesse, la curiosité, l'envie, la colère. Oui, tout ça donnait un espèce de mélange très étrange, mais pas forcément désagréable.

Elle se reconcentra et écouta le Lord parler. Et la jeunesse de Lucy parla dans sa tête. Elle ne comprenait pas ce qu'il fallait d'autre que de la volonté. Ce n'était pourtant pas compliqué. Il suffisait de vouloir pour pouvoir. Elle songea un instant qu'être avec elle n'était pas ce que voulait William. Pas une seule minute, elle n'imagina qu'il pouvait y avoir quelque chose d'au moins aussi important que leur amour. Et puis, elle regarda le Lord, elle le vit s'approcher et coller son front sur le sien, alors elle n'imagina plus un instant qu'il ne désirait pas être avec elle. Et elle ressenti une immense tristesse s'abattre sur elle. Elle aurait voulu le prendre dans ses bras, lui faire comprendre qu'elle était là, que peu importe les problèmes, elle le soutiendrait. Et puis il s'éloigna, laissant une Lucy un peu étourdie par le moment qu'ils venaient de vivre.

"Je ne sais pas si c'est vraiment convenable de vous dire que je vous aime plus que tout au monde, mais au diable, je vous le dis, et je continuerai de vous le dire. Faites ce que vous avez à faire William. Ne laissait pas tomber votre famille si elle compte sur vous."

Lucy s'arrêta un instant, elle ne comprenait pas bien la solidarité familiale, les Price n'étant pas particulièrement un exemple de famille unie, quoi qu'il arrive. Et elle reprit.

"Sachez que je serais là. Et que je suis là, et que toujours je vous écouterai. Ce lac est le seul témoins de nos paroles et de nos gestes. Qu'il continue à l'être encore."

Elle fit une pause.

"Prenez tout le temps qu'il vous faudra..."

Elle fit un pas pour se rapprocher de lui et attrapa sa main. Elle la serra en le regardant dans les yeux. Oui, elle attendrait. Mais elle espérait tellement que cela ne serait pas trop long. En vérité, elle n'avait vraiment pas conscience de ce qu'il se passait réellement dans la famille Lefroy, et que l'attente pourrait se transformer en éternité.