Reputation Famille: O'Loughlins Age du personnage: 24 ans Relations :
Sujet: CHAPITRE II - INTRIGUE I - We'd better run Mar 15 Fév - 18:33
CHAPITRE II ; INTRIGUE I
We'd better run
« 17 Février 1815 »
Les portes l'Hôtel de Ville s'ouvrent précipitamment. Les hommes qui en sortent ont le visage décomposé, voire anéanti. Leurs épaules semblent crouler sous le poids du Monde. Parmi eux, le jeune William Lefroy, qui avait du rappeler de nombreuses fois l'assemblée à l'ordre au cours de la séance. Alors ce qu'on entendait dans les rues depuis la veille était bien vrai ! Ils en avaient eu la preuve officielle, un décret signé de la main de sa Majesté, dont la copie était remise à chaque ville de chaque Conté du Pays. La petite vérole ! Un mal qui avait déjà ravagé le tiers de la population de Londres, qui touchait les Contés avoisinants, qui se répandait vers le Nord et l'Ouest !
D'une main tremblante, un jeune homme afficha un message sur la porte de l'Hôtel de Ville, à la vue de tous. "Une grave épidémie touche Londres et l'Est du Pays. Abandonnez vos maisons pour l'Ouest ou mourrez."
Le soir même, dans la panique la plus totale, fut officiellement donnée l'alerte au cours d'un rassemblement sur la place du village. L'épidémie progressait dangereusement, gagnant du terrain chaque jour. Qui sait si demain, un commerçant venu de Londres, déjà malade sans encore le savoir, ne contaminerait-il pas le village ? Ceux qui croyaient encore à des balivernes perdirent soudain leur conviction. Le Révérend Price ne vit jamais autant de monde dans son église.
Fuir ou mourir.
« Mars 1815 »
Les plus craintifs étaient déjà bien loin en ce début du mois de Mars. Chaque jour, des nouvelles parvenaient des Contés contaminés jusqu'aux villages encore épargnés pour les informer de la progression de l'épidémie, du nombre de décès enregistrés. Et chaque jour, les regards s'assombrissaient, et chaque jour, l'espoir de survie s'amenuisait. Fuir ou mourir, fuir ou mourir. Comme un murmure que personne ne prononçait pourtant, ces quelques mots hantaient l'esprit de chacun. On était incapable de trouver le sommeil. Certains avaient déjà déserté, laissant des carcasses de maisons vides derrière eux. Seuls les murs des plus ou moins grandes bâtisses restaient pour témoigner de l'existence passée qu'ils avaient autrefois menée ici. Reviendront-ils un jour ? Parviendront-ils à survivre de leur côté ? Fuir ou mourir, fuir ou mourir. Meryton devenait une ville fantôme.
Chaque jour, la rumeur colportait le nom des villes et villages récemment contaminés, des personnes connues récemment emportées par la maladie. Et l'hiver n'en finissait pas. Chaque jour, chaque jour... Leycesters, Springburys, Handiltons, Lefroys, Wyatts, Prices, Tiddlers, Dennakers, O'Loughlins... Qui resterait-il à la fin ?
On faisait en hâte ses bagages. Pourtant, il était dur de tout quitter, de croire que c'était véritablement la fin d'une tranche de vie, peut-être la fin d'une vie tout court. Des pleurs à l'idée de laisser derrière soi tant de souvenirs, des crises de nerfs en apprenant le décès d'un proche, la peur de succomber à son tour. Un tourbillon de panique et de déchirement. Fuir ou mourir, fuir ou mourir...
Fuir. En laissant tout derrière soi, sans se retourner. Une vie qui se brise. Un départ vers l'inconnu. Un exode.
Des centaines, des milliers de personnes. Parmi elles, les habitants de Meryton. Fatiguées de marcher à longueur de journée, sans savoir où aller, sans connaître ce qui les attend. Des centaines, des milliers de personnes qui ont toutes perdu un être cher, qui ont toutes perdu une part d'elles-mêmes. Des centaines, des milliers de personnes, de tous bords, de toutes origines. Les calèches, plus rapides, devancent les plus démunis qui vont à pied, avec parfois pour seuls bagages quelques vêtements et objets personnels. Le cri d'un garçon devenu orphelin, les sanglots d'une jeune veuve, le silence morbide d'un vieillard trop éreinté par le voyage. La silhouette frêle d'une jeune brune incapable de parler, les mains enserrant son ventre arrondi par les mois de grossesse.
« Avril 1815 »
Dans la dernière semaine d'Avril, une nouvelle parvint jusqu'au convoi discontinu de fugitifs. Personne ne saurait dire si elle était bonne ou mauvaise, car chacun avait des raisons de pencher pour les deux à la fois. Tout contact entre l'Est et l'Ouest était désormais formellement interdit, afin d'étouffer l'épidémie. Le Statut de Terre Saine était officiellement donné à l'Ouest du Pays. La limite se trouvait au niveau du Conté du Hampshire. Si personne ne franchissait cette ligne imaginaire, l'épidémie finirait par mourir. L'épidémie allait s'éteindre, un jour tout rentrerait dans l'ordre... Mais à quel prix ? La condamnation totale de l'Est, déjà en grande partie ravagée. Et qu'en était-il de ceux qui n'avaient pas encore pu passer à l'Ouest ? Ils périraient, c'était sans espoir.
Les cimetières se remplissaient peu à peu de pierres tombales à la mémoire des défunts. Les coeurs s'assombrissaient.
« Septembre 1815 »
Sept mois depuis l'Exode. Les vies se reconstruisaient lentement. Les pleurs étaient moins fréquents. Les villes, sur-peuplées, avaient dû s'agrandir. On habitait de luxueux palaces pour certains, de misérables cabanons pour d'autres. On vivait dans une époque de déchirement. Si l'épidémie n'était plus aussi vivace qu'à ses premiers jours, elle perdurait, et la séparation Est/Ouest de même.
Par dessus tout, et plus que jamais, le gouffre entre riches et pauvres se creusait. Ces derniers, ayant tout abandonné derrière eux, avaient bien souvent du mal à reconstruire leurs vies. Salaires de misère pour ceux qui avaient la chance de trouver un emploi, maisons à l'isolation douteuse, conditions de vie intenables. S'ils n'avaient pas succombé à l'épidémie ou au voyage, certains ne supportaient plus la fatigue et tombaient dans la dépression. A l'extrême opposé, les plus riches mettaient la seconde chance que leur avait offert la Vie à profit. Jouissant de la proximité de l'Océan, qui les reliait aux contrées exotiques du Nouveau Monde ou des Indes, ils allaient de festivités en festivités, de bals en bals. Luxe, confort, excès, tout était permis. La distinction autrefois exigée des hommes et femmes les plus distinguées était piétinée, pour laisser bien souvent place à une certaine forme de débauche. Attention néanmoins, personne ne voudrait se trouver au coeur d'un scandale... Mais la formule "Carpe Diem" semble revenir à la mode parmi les classes sociales les plus élevées.
Et quel lieu plus idéal que Bath pour mener cette nouvelle vie ? Avec ses canaux, ses bâtisses imposantes, ses thermes aux bienfaits inouïs ! Quelle autre ville de l'Ouest est aussi raffinée, aussi animée et en vue que Bath ? Quelle autre Bastion de la terre Saine est capable de prétendre au statut de petit Paradis sur terre ? Au fond des coeurs, des souvenirs pesants sont encore là. Mais après quelques coupes de champagne, la vie ne paraît-elle pas plus plaisante ? Mais que vous soyez celui qui le sert n'intéresse pas ces Dames et Messieurs de l'Aristocratie, et la Bourgeoisie daigne à peine vous adresser la parole.