Toute jeune fille fait un jour preuve de coquetterie [Bethany]

Rebel

Depuis son arrivée à Meryton, Gabrielle n'appréciait rien davantage que le climat qui y régnait. Elle ne recherchait guère la compagnie. Seule suffisait à son bonheur une permanente quiétude. Elle ne craignait nullement l'isolement, et au contraire, le préférait entre toutes choses. Pour cette raison, elle évitait dans la mesure du possible les occasions de se rendre au village, limitant ses activités à ce que suggérait sa fonction, et ses plaisirs aux joies que lui procuraient la lecture, ainsi que de longues promenades au grand air. Elle avait au cours de sa courte vie vécu dans plusieurs maisons déjà, et devait reconnaître que le cadre dont elle jouissait actuellement était fort agréable et plaisant. Elle ne se lassait pas de le contempler et de découvrir des lieux qui lui étaient inconnus. Elle profitait pleinement de la région, ayant décidé de ne pas songer qu'un jour, sans doute, elle le quitterait. Elle n'était guère disposée à s'attacher à un lieu, ou à des individus, bien qu'elle ne puisse nier éprouver une certaine affection envers certains, car, en vérité, malgré une apparente austérité, elle conservait le cœur tendre d'une jeune fille.

Elle n'avait guère imaginé ce matin là qu'elle se verrait contrainte de se rendre à Meryton. Pourtant, alors qu'elle se vêtait de sa robe qu'elle resserrait à l'aide de l'unique ruban qu'elle possédait, celui-ci se brisa entre ses doigts fins. Elle n'était guère de celles que la vanité caractérisait, chose que sa condition ne lui aurait jamais permit par ailleurs. Cependant, elle accordait un intérêt au soin de sa toilette et n'avait jamais parue négligée devant qui que ce fut. Si elle répugnait à dépenser son argent en toilettes, elle y était cependant tout à fait disposée pour un achat de ce type. Économe, elle disposait de quoi remplacer sa perte.

Malgré son handicap la contraignant à ne pouvoir se déplacer qu'à l'aide d'une canne, Gabrielle aimait les longues promenades à l'extérieur, et ne rechignait aucunement à l'idée de se rendre à pied jusqu'à la boutique qui serait apte à lui fournir ce dont elle avait besoin. Certes il lui fallait davantage de temps pour parvenir à son objectif qu'une personne tenant parfaitement sur ses deux jambes, cependant, rien n'aurait pu la priver d'un tel plaisir. Elle ne craignait pas la fatigue et était parfaitement consciente de ses limites. Elle ne prit pas la moindre conscience du temps qu'il lui avait fallu pour se rendre jusqu'à la boutique qu'elle connaissait. Habituée des longues marches, elle ne ressentait qu'une très légère fatigue qui ne tarderait guère à se dissiper. Elle n'était entrée qu'une fois à l'intérieur de ce commerce afin d'acheter du tissu dans le but de raccommoder l'une de ses robes. On y trouvait de tout, et elle ne put s'empêcher d'observer tout ce qui pouvait se trouver autour d'elle. Puis, elle se dirigea dans le but de trouver ce qu'elle recherchait. Quelque chose de sobre, tout comme l'étaient ses tenues, de solide cependant, et de peu coûteux.

Alors qu'elle prenait le temps d'effectuer son choix avec le plus grand soin, elle ne fit guère attention aux allées et venues d'individus dans la boutique. Au contraire, elle paraissait ignorer tout mouvement se produisant autour d'elle, laissant ses pensées divaguer comme bon leur semblait. Il s'agissait là d'une chose à laquelle elle se prêtait souvent, et jusqu'à présent, nul n'avait été apte à deviner ce que dissimulait la figure énigmatique de la jeune Gabrielle Brawne. Aussi, elle n'entendit nullement des pas cependant connus qui se trouvaient bien plus proches d'elle qu'elle ne l'imaginait.

Miss.

Ce matin là, alors que Bethany prit particulièrement le temps de choisir une belle robe pour la journée à venir, elle s'étonna de n'en trouver aucune à son goût. Ou plutôt si, toutes lui plaisaient, mais elle fut surprise de n'en trouver aucune, au goût de tous. Par cela elle entendait qu'aucune de ses toilettes ne correspondaient aux dernières tendances londoniennes, ou du moins de celles de Meryton. Elle n'était pas coquette au point de passer plusieurs heures par jour à prendre soin de son apparence, mais comme toute demoiselle, elle aimait à être admiré, et cela passait d'abord par sa tenue.

Se préparant donc de la manière la plus convenable possible, elle rassembla les quelques économies qui lui restaient, et partit avec la ferme résolution de trouver "chaussure à son pied". L'école étant située près du centre ville, elle ne tarda pas à arriver à destination, et trouva rapidement la boutique qu'elle recherchait: "At Wickwood". Elle avait toujours trouvé son bonheur là-bas, et elle était certaine que cette fois-ci ne ferait pas exception. Elle y venait souvent, mais c'était surtout pour accompagner une amie, s'acheter un ruban, ou un bout de tissu quelconque pour faire un raccord sur une toilette abimée. Voilà bien longtemps qu'elle ne s'était pas offert une robe, et elle prit donc bien soin de toutes les regarder.

Après s'être fait une idée sur ce qu'elle aimait le plus parmi le stock, elle prit tout de même conseil auprès d'une vendeuse pour savoir ce qui convenait le mieux, tant rapport à la mode actuelle, qu'à la saison qui venait. Elle se renseigna aussi sur ce qui durerait le plus longtemps, et après avoir largement rétréci ses choix, elle la remercia. Il ne lui restait plus que cinq robes entre lesquelles son cœur balançait. L'une était belle, mais la laver pourrait l'abimer, l'autre aussi, mais elle conviendrait mieux à un bal que pour tous les jours...

Alors qu'il lui était impossible de se décider, une femme près d'elle attira son attention. Elle était de dos, et ne l'avait donc pas remarqué. Elles avaient été présentées il y a quelques jours à peine. La femme s'était montrée assez austère, mais la politesse exigeait qu'elle lui présente tout de même ses respects. Se rapprochant d'elle, elle toussota légèrement dans son mouchoir afin d'attirer son attention. Celle-ci semblait en revanche trop préoccupée par son choix pour l'entendre, ou peut-être n'imaginait-elle simplement pas que quelqu'un est pu la connaître dans cette boutique. Nul ne le savait, mais le fait était qu'elle ne se retournait pas.

Quelques personnes surprises la dévisageaient, et en rester là aurait été source de quelque honte. Se redressant et faignant un sourire aimable, Bethany la contourna donc pour lui faire face. Elle toussota de nouveau afin qu'elle relève la tête, et s'adressa à elle de manière courtoise et aimable, mais avec une certaine retenue tout de même.

Bethany : Miss Brawne ! Quelle surprise de vous retrouver si tôt. Nous avons été présentées, vous souvenez-vous ?

Rebel

Malgré son amour de la solitude, elle devait admettre que cette boutique, bien que très fréquentée, possédait un certain charme qu'elle trouvait fort agréable à l'œil. De plus, entendre les conversations des clients ne l'ennuyait pas le moins du monde, si on ne l'obligeait pas à y prendre part. Bien loin d'en être friande, elle était davantage portée à apprécier le calme et les joies que le silence pouvait lui procurer. Elle savait face aux bruits fermer son esprit, comme si elle avait été soudainement entourée d'une bulle imperméable au moindre son. Certes, elle n'était guère portée sur les contacts humains. À ses yeux, il était primordial de rester à l'abri de tout éventuel attachement. Et pourtant, tout autour d'elle, elle voyait l'existence qui aurait pu être la sienne. Elle avait été fille d'un gentleman, destinée à devenir miss et l'idée de travailler pour subvenir à ses besoins n'aurait pas été envisageable. Mais la réalité était toute autre. Elle ne pouvait se complaire dans des souvenirs passés, et se devait de s'en détacher. Elle n'était aujourd'hui qu'une humble gouvernante, et ne demandait rien de plus, se contentant parfaitement de son sort.

Elle recherchait le ruban parfait. Sobre, simple, peut coûteux. Elle se détournait sans réserve de tout ce qui était trop excentrique ou coquet, se concentrant sur le solide, le pratique et non l'ornemental. Enfin elle trouva son bonheur. Il était peu cher et parfaitement conforme à ce qu'elle recherchait. Si elle s'était montrée plus attentive à ce qui pouvait l'entourer, elle aurait sans peine entendu le léger toussotement, destiné à attiré son attention, et se serait tourner vers la demoiselle qui la sollicitait. Malheureusement, bien trop concentrée sur ses actes présents, et convaincue comme elle l'était qu'aucune de ses connaissance ne pouvait se trouver en ces lieux, elle ne se soucia aucunement d'être demandée.

Elle fut sollicitée une seconde fois, mais de manière bien plus directe. Elle ne put l'ignorer, et sembla soudainement s'apercevoir d'une présence face à elle, entendant distinctement le toussotement. Elle se redressa, observant son interlocutrice. Elle reconnut immédiatement Bethany Shaw, une jeune élève de Kingsley's School, le pensionnat pour jeunes filles de Meryton. Elles avaient été présentées, quelques temps auparavant, et Gabrielle, qui n'oubliait jamais un visage, se rappelait cette demoiselle fort timide mais dont la compagnie en cette heure matinale lui paraissait plus agréable que toute autre. Elle devait admettre se reconnaître en elle, ayant étudié dans un établissement similaire. Elle s'inclina, comme il convenait, avant de s'adresser à elle également.

« Je m'en souviens parfaitement miss Shaw. Vous me voyez également surprise de votre présence. N'avez-vous pas classe ce matin? »

Si elle éprouvait quelque contentement à lui parler, son ton, ainsi que l'expression de son visage n'en montraient rien. Elle n'exprimait qu'une politesse emprunte de sévérité qui la caractérisait. Son apparence austère ne permettait guère de connaître le fond de son sentiment, elle eut pu trouver cette rencontre aussi agréable que détestable, et n'en rien montrer. Seule la nécessité imposée par un sens développé des convenances semblait guider son comportement et ses attitude, et bien avisé eut été celui capable de déceler les pensées véritable de Gabrielle Brawne.

Miss.

Bethany avait été bien sotte de ne pas prendre ses jambes à son coup en faignant de ne pas l'avoir vu ou reconnu. Si elle ne l'avait pas interpelé, il était certain qu'elle ne l'aurait vu. Mais voilà sa gentillesse avait reprit le dessus et elle n'avait pu s'empêcher de s'adresser à elle, contre sa volonté pourtant. Elle n'en laissa cependant rien paraître et continua de sourire poliment, après avoir répondu à sa révérence. Son regard n'exprimait rien quant à sa réponse...

Gabrielle : Je m'en souviens parfaitement miss Shaw. Vous me voyez également surprise de votre présence. N'avez-vous pas classe ce matin?

... Elle ne l'inspirait guère plus. Son ton démontrait quelque sévérité et nul sourire aimable ne pouvait lui prouver qu'elle était heureuse de refaire sa rencontre. Elle regrettait décidément de plus en plus son geste ! Malgré tout elle figea son sourire et lui répondit du mieux qu'elle put.

Bethany : Nos professeurs ont eu l'amabilité de nous laisser notre matinée pour une révision du programme. J'ai pensé qu'une promenade en ville serait l'idéal pour mettre en condition ce que l'on nous apprend.

Deux répliques et elle ne savait déjà plus quoi dire. Son interlocutrice n'était décidément pas des plus agréables. Pourtant elle semblait avoir été tout à fait éduquée et se rendre agréable auprès de ses compagnons était un des points essentiels. N'est-ce pas ? Alors pourquoi tant de sévérité dans son regard ? Pourquoi ce visage si inexpressif ? Il fallait remédier à cela. Elle ne pouvait se permettre de partir aussitôt après l'avoir interpelé, mais elle ne pouvait pas non plus laisser ce silence perdurer une seconde de plus. Rassemblant ses idées et son courage, elle eut tôt fait de trouver quoi dire.

Bethany : Vous êtes donc venu chercher un ruban ? Celui si semble tout à fait... Pratique ?

Le silence aurait-il été préférable ? Elle étira plus encore son sourire pour ne pas paraître offensante, à tel point que ses joues commencèrent à lui faire mal. Résignée, celui-ci se fana donc petit à petit. Après tout, à quoi bon se présenter aimable et souriante si elle n'en faisait rien ?

Rebel

Si Gabrielle se montrait peu avenante avec ceux qu'elle pouvait rencontrer, elle n'en était pas moins lucide sur ce trait de caractère. Elle connaissait ses défauts et n'ignorait pas qu'ils l'éloignaient de tout rapprochement social. Elle ne s'en formalisait guère, ayant volontairement choisi cet isolement qui, à ses yeux, la prévenait de tout attachement imprudent. Les souffrances que le passé lui avait fait connaître l'avaient décidée à ne pas risquer de voir de telles sensations se reproduire. Sans doute se privait-elle de nombreux plaisirs, et cependant, ceux-ci ne semblaient guère l'attirer. Elle était davantage encline à profiter de joies simples, telles que les longues promenades dans la campagne, ou encore la lecture d'un excellent roman, l'écoute ou bien l'exécution d'une pièce de musique au pianoforte, tout cela suffisait à son bonheur, ou du moins à ce qui pouvait s'en rapprocher le plus. Elle n'avait aucune exigence ni prétention particulière. Elle avait parfaitement conscience de ce qu'était sa place. Elle oubliait avoir un jour été fille de gentleman et se contentait de sa condition actuelle. Elle se savait pauvre et dans l'obligation de travailler afin de vivre décemment. Elle connaissait ses devoirs et obligations. Son sort lui convenait. Et c'était également son existence qui l'attachait tant à Bethany Shaw. Comme elle pensionnaire à son âge, elle se retrouvait parfois en cette jeune fille à la timidité exacerbée, malgré leurs divergences de caractère. Elle sentit que cette jeune demoiselle faisait son possible afin de lui paraître aimable et consentit à faire un effort et à entretenir la conversation.

« Il s'agit en effet d'une initiative fort intéressante Miss Shaw. »

En tant que gouvernante, l'instruction était d'une grande importance à ses yeux. Certes elle était pauvre, mais elle savait qu'une solide éducation lui avait apporté une chance de se distinguer. Elle espérait donc que son interlocutrice avait conscience de cette chance qui lui était offerte.
Malgré toute la bonne volonté qu'elle y mettait, la jeune gouvernante conservait cette froideur qui semblait la caractériser. Elle ne désirait cependant pas se montrer désagréable. Elle faisait au contraire preuve de la politesse la plus élémentaire. Fort heureusement, son rang peu élevé empêchait que l'on puisse juger sa société détestable. Au contraire, elle semblait être de l'austérité qui fait les gouvernantes les plus efficaces. Elle ne put cependant se défendre d'être touchée devant la tentative de Miss Shaw de s'intéresser à ses achats.

« En effet, il s'agit d'une qualité que je recherche chez un tel accessoire. » Elle résolut de s'intéresser ensuite davantage à ce que cette jeune fille recherchait, ne serait-ce que par politesse. « Avez-vous trouver un quelconque vêtement à votre convenance? »

Miss.

La demoiselle hocha la tête comme seule réponse. Elle détestait mentir, et force lui était de constater qu'en plus de cela, elle y arrivait plutôt bien. Mais qu'elle aurait été sa réaction si elle lui avait révélé n'être sortie que pour renouveler sa garde robe, par pure coquetterie ? Elle imaginait déjà son regard désapprobateur et ceci lui retira une grimace. Choisir le mensonge, la facilité à l'honnêteté, pour éviter la honte... Ce n'était pas elle ! Pourtant la femme qui lui faisait face l'intimidait et elle ne pouvait se résoudre à une autre alternative. Au moins, en répondant à ses devoirs en saluant ses connaissances, elle remplissait d'une certaine façon l'occupation pour laquelle elle avait prétendue sortir.

Il lui sembla alors repérer quelque chose dans son regard, alors qu'elle venait de se juger des plus impolies en se rendant compte que sa réponse pourrait être mal vue. Il était clair qu'elle n'aimait pas le ruban que cette dame tenait entre ses mains, pourtant, elle sembla plus aimable lorsqu'elle lui répondit. Surement appréciait-elle ses efforts pour maintenir la conversation ? Cette fois, Bethany ne feignit pas le sourire qui traversa son visage. La réponse de son interlocutrice l'avait détendue. Elle s'enquérait même des achats de la demoiselle. Voilà qui était fort agréable: elle ne faisait tout à coup plus la discussion à un mur. Malgré qu'elle garda son apparence si austère, la demoiselle sentit que converser serait plus aisé à présent. C'est donc d'un ton bien plus aimable qu'elle reprit:

Bethany : Pas encore je le crains. Certains ont déjà attirés et je m'apprêtais à choisir une toilette me convenant, lorsque j'ai croisé vo...

Elle ne put finir sa phrase, le sursaut qu'elle fit la coupa. Elle savait que le temps n'étaient pas aux beaux fixes ces derniers temps. La tempête avait été annoncée, et on avaient assez sermonné les demoiselles du pensionnat aimant à se promener trop loin de la ville pour qu'elle ne l'oublie pas -elle en faisait parti. Pourtant il lui avait semblé ce matin qu'il y avait un semblant de mieux. Le calme avant la tempête était l'expression parfaite. Le coup de tonnerre qui venait de résonner était si puissant qu'on l'eut cru juste au-dessus de leur tête. C'était comme si le ciel s'était déchiré, comme s'il leur tombait dessus ! Ce fut d'ailleurs le cas, car la seconde qui suivit, un véritable torrent s'abattit sur Meryton. La pluie était si drue que quelques secondes suffisaient à tremper jusqu'aux os quiconque se trouvait en dessous.

Bethany : La tempête !

Les mots lui avaient échappé, mais elle avait une excuse, elle paniquait. Elle n'était pas seule d'ailleurs ! Qui aurait pu imaginer à son réveil ce que la matinée leur réserverait ! Le bruit avait été assourdissant et semblait se prolongeait encore. On aurait presque sentit la terre tremblait sous nos pieds, on croyait l'avoir senti ! La peur alluma son regard d'un sentiment nouveau. La banalité de la conversation, du sujet habituel que représentait habituellement la météo prenait une toute autre tournure tout à coup. La boutique ne résisterait pas si la tempête était déjà là. Il fallait espérait que ce ne soit qu'un orage d'avertissement, une sorte d'introduction... Pourtant ses oreilles bourdonnaient encore du bruit fracassant qui avait résonné plus tôt.

Rebel

Loin d'être sotte, Gabrielle avait parfaitement perçu la timidité de la jeune fille, plus que visible. Elle avait le sentiment que sa propre présence renforçait ce trait de caractère chez son interlocutrice. Elle admettait volontiers que son aspect austère pouvait provoquer une certaine forme de malaise chez ceux qu'elle côtoyait. Elle semblait cependant ne pas désirer y remédier, d'aucune façon. Elle ne craignait nullement l'opinion d'autres, de ceux qui n'appréciait pas sa compagnie et l'estimait trop froide pour pouvoir être qualifiée d'aimable. Elle était cependant loin de se douter que la jeune Bethany lui avait menti. Si elle s'en était aperçue, il est fort probable qu'elle en eut été fâchée, et aurait en effet sans doute estimé que tant de frivolité n'était qu'une perte de temps qu'elle ne pouvait s'empêcher de condamner. Elle savait combien elle pouvait être rigide de caractère, et pourtant ne semblait pas désirer faire preuve de davantage de souplesse. Elle était jeune et pourtant, se sentait trop âgée pour remettre en question son caractère.

Cependant, ayant remarqué la gêne qu'éprouvait la jeune Bethany en sa présence, elle décida de faire preuve de davantage d'amabilité, s'efforçant d'être courtoise et agréable. Elle n'y parvint sans doute pas tout à fait, mais il s'agissait là d'un grand effort pour cette froide et sévère demoiselle. Ce changement de comportement sembla produire un effet positif sur la jeune fille dont le sourire faisait plaisir à voir. Elle semblait plus détendue, plus naturelle, moins sur ses gardes qu'auparavant. Sans doute était-ce agréable de mener une conversation. Et pourtant, chez Gabrielle il s'agissait de quelque chose qui n'avait rien de naturel. Elle ne connaissait aucun autre code social que la plus stricte et élémentaire des politesses. Cependant, elle devait admettre qu'elle trouvait cette demoiselle agréable. Elle n'était ni extravagante ni l'une de ces coquettes ne se souciant que de robes et rubans. Sa présence était apaisante. Elle lui répondit, d'une manière plus aisée. Mais elle n'eut pas le temps de terminer sa phrase. Quelque chose attira son attention. Elle la vit sursauter avec force, pour une raison qu'elle ne tarda pas à découvrir. D'un coup, d'un seul, sans prévenir, le ciel se trouva couvert de nuages noirs et une pluie torrentielle se déversa sur le village de Meryton. Elle-même, la si calme et froide Gabrielle, ne put retenir un sursaut tant le bruit du tonnerre se fit fort.

Autour d'elle, les clients de la boutiques s'agitaient, paniqués pour la plupart à l'idée du funeste sort que de telles intempéries pourraient leur réserver. En effet, cette tempête avait été annoncé, mais visiblement, nul ne s'attendait à la voir s'abattre si soudainement sur Meryton. Elle vit parfaitement à quel point Miss Shaw semblait elle aussi en proie à la panique. Gabrielle devait admettre que son calme habituel la quittait peu à peu, qu'elle se faisait plus nerveuse. Et pourtant, elle se trouvait dans une situation qui nécessitait qu'elle conserve son sang froid. Aussi elle rencontra le regard de la jeune fille.

« Il vous faut à tout prix vous calmer, paniquer ne nous servira guère. »

Elle ignorait que faire, mais elle savait que le plus sûr moyen de rester en vie était de demeurer sagement à l'intérieur de la boutique, et prier pour que la tempête se calme au plus vite et leur permette de trouver abri plus sûr.

Miss.

Ne pas paniquer. Ne pas paniquer. Ne pas paniquer. Je panique !

Son regard affolé se posait partout dans la boutique. Elle s'agitait, elle ne savait que faire ! Pire encore, chaque personne qu'elle voyait semblait être plongé dans le même état qu'elle ! Bientôt une dizaine de tornade s'abattrait sur Meryton ! Les toits s'arracheraient ! Les chevaux voleraient ! Elle s'envolerait aussi peut-être ? Non voyons c'était idiot ! Et quand bien même la tempête serait violente, une dizaine de tornade frôlait l'irréalisme, pour ne pas totalement plonger dedans ! Cette pensée la rassura quelque peu, le visage impassible de la femme qui lui faisait fasse finit de l'apaiser.

Bethany : Oui vous avez raison...

D'ailleurs à peine avait-elle prononcé ces quelques mots qu'elle entreprit d'allonger ses respirations dans un but de relaxation... Ou plutôt pour conserver le calme qu'elle avait déjà atteint. Elle ferma ses paupières quelques minutes et se massa les tempes. Il fallait qu'elle réfléchisse. Elle ne pouvait rester ici. Personne ne le pouvait ! Si la tempête arrivait réellement, les chances que la boutique tienne bon étaient faibles... Ce n'était pas pour rien que tout le monde était censé rester confiné dans les imposants et résistants manoirs de pierre.

Un coup d'œil au dehors lui apprit que la pluie tapait fort, et qu'elle n'était pas prête à s'arrêter d'ici peu. La boutique s'était rapidement remplie des passants eux aussi surpris par les intempéries. Un campement de fortune serait improbable, et combien même s'arrangeraient-ils et la boutique tiendrait-elle bon, il n'y avait ici nul réserve de nourriture. Elle n'eut pas le temps d'y songer car déjà la toiture laissait deviner quelques fuites. Elle rouvrit les yeux et dit d'une voix plus assurée.

Bethany : Il faut rejoindre au plus vite un endroit plus sûr avant que la tempête ne soit réellement là ! Je ne nous donne pas une journée si nous restons ici !

Rebel

Gabrielle observait les expressions des clients autour d'elle, sachant qu'un mouvement de panique serait le pire qui puisse arriver. Et pourtant, elle sentait son calme olympien fondre peu à peu comme neige au soleil. La tempête semblait plus violente qu'elle ne l'avait imaginé, et si proche qu'elle était incapable de savoir comment sortir de là. Peu à peu, elle sentit à son tour la peur prendre le dessus, mais s'efforçait de la contrôler. Il s'agissait du pire moment imaginable pour se laisser aller à la panique. Elle prit une grande inspiration, tentant de retrouver le contrôle d'elle-même. Elle ne devait, ni ne pouvait faillir. Elle se détourna des autres, de crainte d'être tentée à se laisser aller dans la peur. Elle regarda à la place Bethany. Ce n'était qu'une jeune fille, qu'elle se devait de prendre en charge. Le meilleur moyen pour que la demoiselle garde confiance était qu'elle demeure la plus calme possible. Elle prit une profonde inspiration et tenta d'analyser la situation, qui était bien loin d'être idéal. Pour le moment la boutique les abritait, et aurait pu offrir un abris relativement confortable si elles avaient eu l'assurance que la tempête serait éphémère. Mais elle avait beau tourner et retourner la situation, elle savait que Miss Shaw avaient raisons. Tous, ils ne tiendraient guère longtemps, enfermés ici. Ils n'avaient ni eau ni nourriture, et elle n'était pas certaine que le bâtiment tienne si la tempête venait à s'aggraver encore.

Elle regarda une fois de plus à l'extérieur. Elle considérait objectivement que sortir à cet instant précis relevait du suicide. Néanmoins, il s'agissait d'un acte moins risqué que celui de rester en attendant que la tempête ne s'aggrave. Il ne s'agissait ici que de ses débuts, et par conséquent, de leur unique chance de s'en sortir sans trop de dommages. En revanche, le pire aurait été de courir à l'aveuglette, dans l'espérance de tomber le plus tôt possible sur un abris quelconque. Elle réfléchit. Elle connaissait ici que les Tiddlers, qui vivaient bien trop loin de Meryton pour qu'elles aient une chance d'y parvenir vivantes. Immédiatement, elle se tourna vers sa jeune compagne, voyant que celle-ci s'était calmée.

« Miss Shaw, ne connaissez-vous pas un lieu non loin d'ici où nous pourrions nous abriter? »

Pour la première fois, Gabrielle laissait apparaître sur son visage une expression d'angoisse, en attendant la réponse de la jeune fille. Le temps pressait, et bientôt elles ne pourraient plus sortir sans se mettre en danger de mort.

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