- Ma très chère, vous êtes mieux ici que là-bas, votre père tente de faire pour le mieux, vous le savez bien. Il tente de vous donner confort et foyer

Ma jeune amie a fort bien raison, et je le sais très bien, par moments ma douleur prend le dessus sur ma raison et j'en oublie les motivations de mon père. Il fait pour le mieux, je le sais, d'ailleurs je ne devrais ps me plaindre d'avoir pour père un homme si bon et si juste! Je secoue la tête dans 'idée d'envoyer valser toutes ses idées noires à quelques kilomètres d'ici. Je souris à Miss Daisy qui semble d'ailleurs comprendre mon geste puisqu'elle change habilement de sujet en ouvrant une discussion sur le bal qui aurait lieu le premier avril prochain. J'en avais bien ouïe dire en effet. C'était d'ailleurs la principale raison de ma présence ici, pourtant je n'avais guère l'intention de m'y présenter...Mais voilà que cette petite Springbury allait changer mes plans.

- Très chère, vous devez vous y rendre, je viendrai vous chercher moi-même s’il le faut. Qui plus est, nous allons bien nous amuser, je le sens déjà.

Je relève la dernière partie de son discours avec une certaine réticence. Je connais bien la jeune femme et je ne doute pas un instant de ses réelles intentions quant à ce bal. Je lui lance un regard désapprobateur sachant pertinemment qu'elle n'en à que faire! Je soupire et replace une mèche rebelle derrière mon oreille, les émotions m’avaient quelque peu décoiffé! Je plonge mon regard dans les prunelles de Miss Daisy et l’avise un peu amusée par son instinct de folie.

- Je ne crois pas que nous aurons à en arriver à de telles circonstances, qui plus est, je crois que vous n’êtes pas sans savoir le peu d’amabilité que nos familles se portent ici à Meryton.

Je lève le menton et aperçois la gouvernante au détour du plus proche sentier. Je me lève rapidement en adressant un geste en direction de la vieille femme.

- Très chère, vous voulez bien faire quelques pas avec moi, histoire de nous accorder encore quelques minutes.

Ses yeux brillants suivent mon index et elle rigole en constatant la situation. Malgré tout, elle se lève et joint son pas au mien. Nous nous dirigeons vers l’extrémité de la fontaine en marchant d’un pas las bras dessus bras dessous. Quelles drôles de coïncidence tout de même, de se retrouver ainsi dans de pareilles circonstances. Je suppose que là haut on doit veiller sur moi bien que j’en doute fortement par moment. Je jette un coup d’œil en billet vers ma jeune amie qui est au meilleur de sa forme, je le constate. Les événements l’ayant menés ici ne semblaient pas l’affecter plus qu’il ne le faut. Je reconnais bien là l’âme de Daisy. Là où elle va, là le monde s’amuse, tel est sa vision des choses, parfois je lui envie cette désinvolture. Nous ne sommes pas nées dans le même moule, voilà quelque chose de certain. Pourtant ça ne m’empêche guère de l’estimer.

Mon manège a tôt fait de la convaincre, ne désirant sans doute pas que j’en arrive là où mes paroles pourraient bien me mener, elle m’assure qu’elle sera de la partie. Je souris, heureuse de pouvoir compter sur une amie lors de ce bal qui sera bientôt à nos portes. Toutefois, ma chère et raisonnée amie me rappelle que nos familles, en cette ville, ne se portent pas dans leur cœur. Je soupire, Crystal avait bien raison. Les Handilton et les Springbury étaient en guerre, j’en ai bien peur. La raison ? Je n’en savais rien. Je ne tenais guère à être au courant de ces politiques risibles. J’étais ici pour m’en retourner au plus vite et je ne voyais point l’intérêt de m’informer de tous les secrets de ma famille. Et puis, les Springbury de Meryton ne m’estimaient pas, ce n’est certainement pas eux qui allaient me mettre au courant des déboires entre les Handilton et eux. Je jette un coup d’œil à la belle miss qui se trouve à mes côtés et chasse ses noires idées d’un coup de main gracieux. Elle esquisse un sourire, elle savait comment j’étais.


- Je n’en ai que faire des ragots que l’on colporte. Et si ça peut enrager les Springbury de me voir en votre compagnie, soit, raison de plus pour que l’on s’y rende ensemble ma chère.


Je n’ai guère le temps d’en dire un peu plus, puisque Miss Handilton reconnaît la carrure de sa gouvernante et me prie de me lever pour nous accorder un peu plus de temps. Je souris, l’aventure, j’adorais. Je me lève d’un bond sautillant et nous marchons, bras dessus, bras dessous, lentement, mais sûrement. Puisque nous fuyons à présent la dame qui escortait ma tendre amie, je décide de revenir sur notre sujet de toute à l’heure. Je savais bien que cette Lady ne causait pas autant de problèmes que moi, mais j’avais dans l’idée qu’elle s’amuse en prenant part à mes plans diaboliques, ainsi cela lui changerait les idées.


- Vous savez, cela vous changerait les idées de faire enrager deux familles qui se détestent. Cela pourrait être des plus amusants. Vous ne trouvez pas ?


Je doutais qu’elle soit du même avis que moi, mais tant qu’elle agissait en bonne fille, rien ne lui serait reproché. Dans tous les cas, il y avait de forte chance que tous les mépris retombent sur moi, vu ma réputation. Lady Handilton ne devait pas s’en faire, tout ce qu’elle avait à faire c’était s’amuser, le reste, je m’en chargerais. Je jubile déjà, à l’idée de voir les regards des Springbury, quel délice ! Évidemment, il faudrait aussi que je trouve un homme à tourmenter durant cette soirée, mais ce n’était qu’un détail. J’étais encore nouvelle, donc la nouveauté que je faisais transparaître devrait bien attiser un ou deux cœurs. Je reporte mon regard vers Crystal, me demandant si elle connaissait un homme célibataire. Je reprends mon sourire espiègle et cligne des yeux quelques fois.


- Dites, ne connaîtriez-vous pas un jeune homme qui ferait une bonne proie ?


Elle reprend son regard réprobateur. Je m’empresse de la rassurer.


- Pour moi, évidemment, je sais que vous ne nager pas dans ses eaux.


La jeune femme rigole ouvertement. Elle secoue la tête de gauche à droite. Que voulez-vous, je ne changeais point et l’âge ne m’assagissait guère…