Victoria s'approcha de la grande baie vitrée du manoir de Worthington qui donnait sur les jardins attenant. Le temps était sec, pas la moindre goutte ne tombait du ciel – aujourd'hui, étonnamment bleu , pour la saison. Victoria s'enchantait de cette vue, qui contrastait celle qu'elle découvrait généralement en regardant par les fenêtres de l'hôtel particulier de sa famille à Londres.
Si elle n'avait pas senti peser sur elle, le regard suspicieux de Mrs. Tiddler. Sa tante avait promis à ses parents de garder un œil sur elle et elle prenait sa charge très au sérieux, ne put s'empêcher de constater Victoria en retenant un grand soupir de dépit.
Si seulement elle ne s'était jamais rendue au théâtre ce soir là, elle ferait en ce moment son entrée dans le Monde.
Elle avait reçu une lettre de la part de sa sœur Caroline, la veille, lui annonçant sa participation au bal des Huntington – l'un des plus importants de la saison ; Victoria ne pouvait cacher son dépit suite à cette annonce. Elle aurait tant aimé revêtir sa belle robe d'un blanc immaculé commandée pour l'occasion à l'une des couturières les plus renommées de tout Londres. Dire qu'elle n'avait même pas eu l'occasion de la voir finie avant son départ.
Elle soupira derechef, anéantie à l'idée que cette superbe toilette resterait peut-être à jamais confinée dans un coffre.
Pour évacuer le dépit qui l'envahissait, elle lissa la jupe de sa robe vert eau. Une toilette relativement simple comparée à celle qu'elle arborait généralement à Londres, mais elle était à la campagne – se rappela-t-elle – une de ses toilettes pleine de nœuds et de perles aurait été des plus déplacé.
Un bruit de porte se fit brusquement entendre derrière elle, elle se retourna donc et plaqua un sourire de circonstance sur ses lèvres. Son cousin Tolliver leur avait appris qu'il viendrait accompagné cette après-midi d'un ami de longue date qu'il désirait leur faire rencontrer. Taisant le nom de cet invité, il avait suscité une curiosité démesurée chez la jeune Cavendish – à qui la vie mondaine manquait déjà.
Certes, elle aurait sans doute préféré galoper à brides abattues à travers les champs sur la jument baie qu'on lui avait confiée à son arrivée, mais la perspective de découvrir une ancienne connaissance – autour de laquelle régnait une étrange atmosphère de secrets – l'enchantait.
Elle sourit à Tolliver lorsqu'elle le vit pénétré dans le salon rose de Mrs. Tiddler et lorgna du côté de la porte pour découvrir le nouveau venu.

« Mère, veuillez nous excuser, mais nous sommes attendus chez nos cousins. »
« Les Tiddlers ??! »
« Précisément. »
« Alors remettez leur nos bons sentiments, Hale. Je me serai volontiers déplacée si ma cheville ne m'avait pas semblé si douloureuse aujourd'hui. »
« Soyez tranquille, maman. Et reposez-vous! »

Hale fit un signe de tête à son ami, pour l'inviter à le suivre, et tout deux firent chemin vers Worthington.

« Je crois que votre mère m'apprécie, et aurait préféré me voir rester auprès d'elle. »
« Votre effronterie n'a donc aucune limite ?! xD »
« Si elle en avait une, vous n'auriez pas le plaisir de goûter à nouveau à ma compagnie et moi à la votre mon ami. »

Une tape amicale sur l'épaule, et tout deux partirent du même rire.

Blythe, aussi Lord et fortuné qu'il était, s'était gentiment fait sermonner comme un enfant pris en flagrant délit de gourmandise. Ses abus, toutefois, était quelque peu moins innocent, et son oncle, ne les avait plus vu d'un très bon œil ces derniers temps. Il craignait pour la réputation de son héritier. Et bien que ce dernier n'était pas du genre à se laisser dicter sa conduite, l'affection qu'il portait au Marquess, ainsi qu'à son épouse, tendre et seule figure maternelle qu'il avait connu, l'avait forcé à réagir plus docilement. Selon sa famille, un bref séjour à la campagne devrait suffire à tempérer... ses ardeurs. Comme un chiot dont il aurait fallu calmer la brève vivacité des premiers mois d'existence. Si seulement tout était aussi simple !
Tout le monde le voyait déjà entrer au Parlement, et fondait des espoirs qui n'étaient pas forcément à son gré. Pourquoi irait-il s'ennuyer à mourir au près des gentlemen les plus notables de tout le Royaume, alors qu'il lui suffisait d'apparaître n'importe où pour trouver des connaissances, de tous genres confondus, dont la présence était bien plus stimulante ?! Il était, cependant, arrivé depuis peu à Meryton, et n'avait pas encore eu l'occasion de se délecter d'un compagnie fort variée. Son oncle et sa tante étaient des personnes respectables de bien des façons, mais ils étaient ternes et sans grand intérêt. Quant à ses trois jeunes cousines. Si insipides et pieuses qu'il en avait vite détourné son attention. A ses yeux, elles tenaient désormais la même place qu'un bibelot quelconque de la demeure. Autant dire qu'il se réjouissait à l'avance de cette invitation qu'avait reçu son ami, de la part de ses propres cousins.

Après avoir marché côte à cote durant quinze bonne minutes, le profil austère du manoir des Tiddlers se dessina enfin devant eux.

« Nous y voici enfin ! »

Affichant un air guilleret, Hale se retourna vers Blythe, stoppant ce dernier dans son élan.

« J'espère que vous n'avez pas oublié que les Tiddlers sont quelque peu... rigides en matière de bienséance. »
« ... Pourquoi me préciser cela ? Douteriez-vous de ma bonne éducation. »
« Ce n'est pas votre éducation qui pourrait être mise en doute. Mais plutôt les rumeurs qui circulent autour de vous. Ainsi que la raison de votre présence ici, à Meryton. Raison qui me vient de votre bouche même ! »
« Si vous avez peur pour vos charmantes cousines sachez que c'est justement l'explication, que je vous ai donné sur ma présence ici, qui devrait vous épargner pareille crainte. Je vous promets d'être un parfait gentleman. »
« Inutile de me faire cette promesse, je ne vous en demande pas tant. Si Mrs. Tiddler y croit, le reste ne compte pas. »
« Tolliver, je commence à croire que, dans le fond, vous êtes encore pire que moi. »

A peine avaient-ils passé l'immense porte d'entrée, qu'ils étaient déjà dirigés de pièce en pièce par un domestique peu affable. La maison était dominée par un silence si absolu qu'on l'aurait crue inhabitée. Le domestique pénétra une autre pièce et annonça l'arrivée de deux visiteurs. Hale était déjà entré pour saluer ses proches parents alors que Blythe fut bloqué dans le couloir par le domestique qui ressortait de la pièce en lui passant littéralement au nez. Curieux personnage !
Il put enfin rejoindre son ami, entendit vaguement celui-ci faire les présentations, fit une courbette de circonstance, et put enfin prendre connaissance des visages vaguement connus qui s'offraient à lui. Si ce n'est quelques cheveux blancs chez Mr.Tiddler, et une taille moins fine chez Mrs. Tiddler, ces derniers étaient presque tels qu'il les avait jadis connu. Les reflets du soleil sur une chevelure blonde attira son attention vers l'élégante silhouette qui se tenait à contre jour devant l'une de fenêtres, mais il eut à peine le temps d'y poser les yeux, déjà Mrs. Tiddler faisait preuve d'un engouement très surprenant envers son retour à Meryton.

Enfer et damnation, il ne semblait même pas l’avoir aperçue. Vexée, Victoria serra des poings, enfonçant ses ongles soigneusement manucurés dans sa paume. Quel rustre ! Il avait failli détruire sa réputation à jamais, était la cause de sa présence ici - dans un trou perdu à la campagne - et il ne la remarquait même pas !
Mais que faisait-il ici également ? Peut-être c’était-elle tout simplement méprise, il ne pouvait s’agir de Lord St James, qui devait se trouver en cet instant dans un salon londonien à jouer au twist et gouter à toutes les frivolités de la capitale ! Quel malheureux hasard aurait pu pousser un Lord de cette envergure à venir se terrer à la campagne, brisant ainsi les espoirs de villégiature - qu’elle s’était faits.
Nerveuse, elle observa rapidement la disposition de la pièce, par où pourrait-elle s’enfuir ? Certes, en quittant ce salon, elle enfreindrait les règles de bienséances et sa tante en ferait une crise d’apoplexie ; mais pire, si son père apprenait qu’elle se trouvait dans le même endroit que son tourmenteur londonien, il serait fort capable de dire adieu à ses affaires londoniennes pour provoquer l’infatué personnage en duel - ce que Vicky ne pouvait s’imaginer. Bien que son père était encore vigoureux et agile, il était toutefois trop âgé que pour arriver à ses fins avec le jeune Lord St James. Victoria s’en serait voulu éternellement si un tel drame devait se produire.
La meilleure solution était donc de fuir, bien que cela soit relativement compliqué et impoli; mais avant une petite précision s’imposait.
Elle s’approcha de sa cousine Lydia qui se tenait un peu à l’écart - tout en prenant bien garde de ne pas se faire remarquer -.

« - Lydia, chuchota-t-elle à l’oreille de sa cousine et amie. »
« - Arrête, répondit cette dernière, c’est impoli de discuter quand notre invité parle avec tant d’emphase à notre tante. »
Imperturbable, Victoria reprit :
« - Ce personnage, il s’agit bien de Lord Blythe St James, n’est-ce pas ? »

L’air surpris de sa cousine, lui fit bien comprendre sa pensée, bien mieux que si elle avait prononcé le moindre mot. Victoria se mordit la lèvre inférieure, ennuyée.
Tout le monde connaissait la raison de sa présence en ces lieux, pourquoi son cousin - Hale Tolliver - avait-il donc amener cette raison, en l’occurrence, ici ? Son cousin se comportait de plus en plus étrangement, songea Vicky, ce qui lui déplaisait véritablement.
Lentement, avec toute la discrétion dont elle était capable, elle se glissa vers la porte d’entrée, pour quitter enfin cette pièce et se réfugier dans sa chambre. Elle y était presque arrivée lorsque la voix doucereuse de sa tante se fit entendre.

« - Victoria, ma chère, vous ne saluez pas Lord St James qui nous fait l’honneur de sa visite ? »

Vicky se figea sur place. Sa tante venait de briser ses espoirs les plus infimes. Mais quelle mouche pouvait bien l’avoir piquée ? Elle, généralement si réservée, avait-elle été frappée par la foudre pour rappeler ainsi Victoria à ses obligations - face à la seule personne qu’elle ne voulait pas voir ?
Soupirant, Vicky se plaça face au Lord, tête baissée, elle fit la révérence, et ajouta d’une voix qui se voulait atone :

« - Je suis ravie de Votre honorable visite, Votre Grace. »

HS: Je sais que tu aimes lire et être ignorée alors mon seul objectif était de satisfaire tous tes désirs ♥ XD

« Hale nous avait caché que vous reveniez dans le Hertfordshire. »
« Veuillez pardonner de bon cœur à votre cousin. Il n'aurait pu vous avertir car il était lui même dans l'ignorance. Mon retour à Meryton fut décidé dans des délais si brefs qu'il m'aurait été impossible d'en faire part à mes connaissances ici.
... Mais sachez bien madame, que l'idée d'être à nouveau parmi vous me rempli de joie. »

Mrs. Tiddler, toute occupée à se complaire dans le compliment qui venait de lui être fait, ne vit pas le clin d'œil enjoué que Blythe adressa à son vieil ami. Il était si facile de dire les bonnes choses au bonnes personnes, que ça en devenait presque une habitude. N'allez point penser que le jeune Lord manquait de sincérité, loin de là, mais il était si aisé de contenter une femme en paroles que cela se révélait bien trop tentant pour qu'il ne se prive d'un tel plaisir. Alors que Mrs. Tiddler échangeait quelques paroles avec Hale, et prenait des nouvelles sur la santé de la mère de ce dernier qui s'était blessée à la cheville en descendant la marche du cabriolet, Blythe eut un bref échange avec William Shatterney. Celui-ci, avait son habituel visage pâle mais semblait en bonne santé. Aujourd'hui du moins. Aussi loin que ses souvenirs remontaient, William avait toujours été d'une constitution fragile. C'était d'ailleurs l'une des raisons pour laquelle Blythe n'entretenait pas, avec lui, la même relation privilégiée qu'il partageait avec Hale. William étant vite fatiguée, il était bien souvent contraint de rester cloîtré à l'intérieur alors que les autres s'amusaient au grand air. Néanmoins, William était doté d'un esprit vif, et Blythe avait toujours trouvé plaisir à converser ou jouer aux échecs avec lui. C'était d'ailleurs un adversaire redoutable !
Il était bien plus passionnant que les multiples caprices de sa jeune sœur. Blythe n'adressa d'ailleurs à cette dernière qu'un bref signe de tête. Il l'avait toujours trouvée capricieuse de nature, et interprété son manque d'attention envers son frère malade comme une marque d'égoïsme plutôt déplaisante.

« Victoria, ma chère, vous ne saluez pas Lord St James qui nous fait l’honneur de sa visite ? »

Remarque qui eut le don d'interrompre les salutations. Tout le monde fit silence, et tous les visages convergèrent dans la même direction. Blythe dû se retourner pour suivre le mouvement. Mrs. Tiddler s'adressait à une jolie blonde, aux allures angéliques dans sa robe claire d'une coupe simple, sans aucunes fioritures inutiles. La main dirigée vers la poignée de la porte fut interrompue dans son élan et prestement mise en retrait. Visiblement l'intention de la demoiselle avait été de quitter la pièce à pas de loup, ce qui attisa la curiosité du jeune homme. Tête presque baissée, la miss lui fit une révérence qui aurait pu être parfaite si elle n'avait pas été aussi... rigide, et lui adressa une phrase courtoise, mais sans grande conviction. Il s'apprêtait à lui répondre que le plaisir était réciproque, lorsque la dite "Victoria" reprit enfin un peu plus de hauteur en relevant son visage.
Il côtoyait bien trop de personnes pour graver éternellement les traits de chacun dans sa mémoire, pourtant bien nantie. Mais le ravissant minois qui s'offrait à lui était accompagné d'un souvenir qu'il ne pouvait se permettre d'oublier.

C'était probablement l'unique fois dans sa vie où il avait craint d'être percé de part en part par une ombrelle, comme un cochon sur une broche !!
Il aurait pourtant juré que telles avaient été les intentions de "Lady Cavendish mère" lorsqu'elle l'avait surpris avec sa tendre progéniture en plein délit de... discussion. Devancé par a réputation, le peu de paroles qu'il avait pu se permettre d'émettre pour essayer d'étouffer la menace n'avait fait qu'attiser l'indignation de l'autre parti. Tant de vent pour très peu de chose au final. Il avait souhaiter venir s'expliquer avec les plus honnêtes des intentions quelques jours après l'incident, mais la famille avait quitté Londres. Pour quelques mots échangés dans un salon, il avait trouvé la réaction démesuré. Et bien que l'évènement avait soulevé quelques vagues en plus à son sujet, au bout d'une semaine, les commérages s'étaient tournés vers d'autres chanceux sujets, et lui n'y pensait plus qu'avec un certain amusement.

Inconscient de la gêne dans laquelle il pourrait mettre la jeune Lady, il s'inclina, puis offrit à cette dernière son plus charmant sourire.

« Lady Cavendish!... Il me semble avoir déjà eu la satisfaction de vous être présenté. »

On reprochait souvent à Victoria de vouloir toujours concentrer l’intérêt sur elle. Certes, parfois elle le faisait de bonne grâce : c’était si amusant d’être le centre de l’attention; néanmoins, en cet instant, elle aurait tout fait pour disparaître ou du moins - rester dans l’ombre.
Mais personne ne semblait remarquer sa stature si raide - même Lydia, sa meilleure amie, semblait peu préoccupée par le sort de sa cousine. Victoria, pour sa part, avait la nette impression d’être jetée en pâtée aux requins. Un requin terriblement séduisant, certes, mais un prédateur tout de même.
Nerveuse, elle garda la tête baissée quelques secondes, escomptant que ce laps de temps suffirait à détourner l’intention du Lord, mais la réalité était tout autre.
Lorsqu’elle se décida enfin à lever les yeux, son regard accrocha celui de Lord St James - où se disputait l’amusement à la surprise : il l’avait reconnue. Elle devint blême.
Vicky passa rapidement la langue sur ses lèvres soudainement sèches; mais ne détourna pas les yeux pour autant.
Sa folle envie de fuir l’avait passée, elle était plus téméraire en général et ce n’est pas cette rencontre - inattendue - qui allait lui faire perdre toute contenance, tout de même !
Se morigénant intérieurement, Victoria sentit que son visage reprenait des couleurs et ce constat la remit d’aplomb.
Si sa tante ne s’était pas trouvée dans la pièce, elle aurait probablement provoqué le jeune homme, avec l’une des remarques acerbes dont elle seule avait connaissance; mais une joute verbale aurait sûrement émerveillé sa tante - constata-t-elle, surprise, en découvrant les yeux brillants de sa tante, généralement si ternes.
Serait-ce un complot ? Rapidement, elle jeta un coup d’œil à Hale, qui se tenait à l’écart tout en les observant. De nature suspicieuse - Vicky avait toujours l’impression qu’un plan diabolique se tramait dans son dos- elle craignit le pire.
Quelles paroles sa tante avait-elle déjà prononcées ? Ah oui : « Hale nous avait caché que vous reveniez dans le Hertfordshire. » Ces paroles n’avaient rien d’équivoques, sa tante semblait sincère et en toute franchise, Victoria devait bien admettre que Mrs Tiddler n’avait pas pour habitude de fomenter des complots ou de participer à quelconque joutes romanesques - ne serait-ce de loin.
Victoria avait l’impression que tout se contredisait dans sa tête, elle était incapable de la moindre logique : son cerveau se refusait à la moindre interprétation plausible de la situation, ce qui lui mettait les nerfs à vif.
Et la réponse de Lord St. Blythe finit de la sidérer.
Quel gredin ! Comment osait-il - publiquement qui plus est - faire allusion à leur première rencontre ?
Furieuse, Victoria lui lança un regard noir. Bien sûr, elle était en grande partie responsable. Dès qu’elle avait appris qu’il se trouvait également au théâtre, ce fameux soir, elle avait tout fait pour le rencontrer ce si célèbre Lord - en sachant pertinemment que cela risquerait de lui causer bien des soucis -, ce qui d’ailleurs c’était déroulé. Mais jamais, Ô grand jamais, elle n’aurait osé faire allusion à cette funeste soirée !
Respirant lentement, plaquant son plus joli sourire sur ses lèvres, elle répondit en toute innocence :

« - Je ne puis vous approuvez. Je ne me souviens absolument pas d’une rencontre préalable avec vous. Je me dois de vous détromper. »

Mais que lui essaye seulement de la médire, et elle se ferait un immense plaisir de lui enfoncer son ombrelle dans les yeux. De pareilles pensées étaient indignes d’une jeune fille bien élevée, mais s’ils avaient été seuls, il aurait déjà été frappé par la foudre.
Pinçant des lèvres, désormais, elle le regarda hautaine.

Suite au regard meurtrier qu'il reçu, peu après avoir mis en avant qu'ils s'étaient déjà rencontrer, Blythe eut vite comprit qu'il avait commis là un impair. En lieu et place de l'air contrit qu'il aurait du afficher pour avoir risqué de mettre la jeune femme dans l'embarras, il afficha une moue amusée. En véritable agent provocateur, rien ne pouvait plus lui faire plaisir que de semer le trouble. Mais c'était sans compter le tempérament de la jeune Lady Cavendish qui ne se laissa point démonter par ce rappel d'un souvenir... pas si lointain que cela.

« Je ne puis vous approuvez. Je ne me souviens absolument pas d’une rencontre préalable avec vous. Je me dois de vous détromper. »

Une ébauche de sourire se dessina à la commissure de ses lèvres face à l'expression dédaigneuse de son interlocutrice, mais il conserva une attitude courtoise. Bien conscient du regard de Mrs. Tiddler qui virevoltait de l'un à l'autre, il joua la carte de l'innocence.
Il en savait assez peu sur la demoiselle, mais aussi distinguée qu'elle fut, il était prêt à parier son Yorkshire natal qu'elle ne devait pas être aussi lisse que l'image de petite oie blanche qu'elle reflétait.

« J'aurais pourtant juré que c'était vous. Ma mémoire serait-elle donc si défaillante ?!!... Il est vrai que les demoiselles se ressemblent toutes à Londres avec leur jolies robes de taffetas, leurs coiffures modernes, et leurs exquises manières. »

D'un autre côté, les jeunes "Lady" s'aventurant seules, sans chaperon, dans un salon et conversant avec un homme qu'elle ne connaissait ni d'Ève ni d'Adam était un fait plutôt rare, et offrait un prétexte suffisant pour se remémorer cet instant. Il conserva cependant cet argument pour sa propre personne.

« Difficile d'apprécier les qualités d'une demoiselle en particulier dans de telles conditions. »

Mrs. Tiddler approuva d'un petit signe de tête sans remarquer l'impertinence qui se dissimulait avec adresse sous ce masque de candeur.

« Vous ne pouviez dire quelque chose de plus juste my Lord. J'ai d'ailleurs souvent vanté les avantages qu'une jeune femme gagnerait à mettre en valeur sa finesse d'esp... William, faites donc attention, vous allez vous brûler !! »

La dame n'eut guère le loisir de terminer sa phrase, son neveu venait de renverser le plateau à thé qui était disposé sur une table près du divan sur lequel s'était installé Lydia. Il n'y avait pas de mal, si ce n'est pour la théière qui s'était brisée,mais Mrs. Tiddler semblait couver son neveu comme un fragile oisillon. Le petit incident suffit à disperser un peu plus la famille. Si bien que Blythe se retrouva un peu plus en retrait au côté d'une Victoria qui n'avait guère desserré les lèvres. Il observa franchement cette dernière sans sourciller durant une bonne dizaine de secondes. Haussa un sourcil narquois, et les mains croisées dans le dos, il porta son attention vers la fenêtre qui donnait vue sur les collines avoisinant le domaine de Worthington. Loin des oreilles indiscrètes, et du regard de sa tante, il ne doutait pas un seul instant qu'il ne tarderait pas à entendre la langue de la jeune Lady se délier un peu plus qu'elle n'en avait eu l'occasion jusqu'à présent.

Spoiler:

Quelle impertinence ! Victoria sentait la colère bouillonner en elle, elle se mordit la lèvre si fort, qu’une minuscule perle de sang en sortit. D’autant plus furieuse de s’être blessée pour ce personnage, elle ne pipa mot face à ses remarques impétueuses. Ce n’était pourtant pas l’envie qui lui manquait de le souffleter ! Mais sa tante en aurait été malade, elle le savait et même si elle ne portait pas cette dernière dans son cœur, elle était invitée dans sa maisonnée et ne pouvait se permettre un tel outrage.
Au comble de l’embarras, elle constata qu’il semblait tout à fait dans son élément. Il semblait même terriblement apprécier le fait qu’elle soit si confuse par la situation.
Cet homme était un monstre, elle comprenait mieux désormais pourquoi il fascinait tant les veuves tout en s’attirant les foudres des vieilles matrones.
La première catégorie rêvait de découvrir l’intimité du Diable, tandis que la seconde craignait pour leurs gentils petits oisillons qu’elles devaient protéger à tout prix.
Secouant la tête, elle se détourna, et posa son regard sur un objet quelconque du salon. L’objet en question était un tableau qui représentait la propriété qui entourait le Manoir de Worthington et Vicky se surprit à s’imaginer gambadant sur les plaines, montant à cru son cheval. Le tableau la faisait s’évader et surtout oublier l’impétueux personnage qui dardait toujours sur elle son regard inquisiteur.
Ce fut la voix de sa tante qui la tira de sa rêverie :

- « Vous ne pouviez dire quelque chose de plus juste my Lord. J'ai d'ailleurs souvent vanté les avantages qu'une jeune femme gagnerait à mettre en valeur sa finesse d'esp... William, faites donc attention, vous allez vous brûler !! »

Surprise, elle sursauta en entendant le brouhaha qui suivit cet ordre. Son cousin venait de renverser le plateau sur lequel reposait le nécessaire pour prendre le thé. Exaspérée, Victoria haussa les épaules et leva les yeux au ciel : son cousin était décidément un bon à rien. Il n’était qu’un être pathétique.
Vicky recula de quelque pas et se retrouva près de Sa Seigneurie.
Victoria resta coite cependant lorsque ce dernier l’observa, puis elle le suivit du regard lorsqu’il s’éloigna vers la fenêtre et observa le paysage.
C’était l’occasion rêvée pour mettre les points sur les i. Elle s’approcha, tout en sentant le regard désapprobateur de Hale dans son dos.
Arrivée aux côtés de Blythe, elle lui écrasa sans vergogne le pied et vociféra rapidement, suffisamment bas pour n’être entendue que par lui :

- «  Comment avez-vous osez faire allusion à notre rencontre fortuite devant ma famille ? Vous êtes terriblement mal élevé ! »

Son comportement était puéril, mais elle ne pouvait s’en empêcher, elle devait lui faire mal - physiquement -, de toute manière elle ne risquait rien. Si sa tante était trop occupée que pour remarquer le geste qu’elle venait de faire, elle réagirait néanmoins - très probablement - si le Lord prenait le risque de lever la main sur elle.
Elle leva la tête vers lui et soutint son regard; ne se contenant qu’à grande peine.