La tempête sévissait plus que jamais sur Meryton. Tous y avait cru, qu'ils allaient pouvoir y échapper, que cela n'allait durer que deux petits jours, que cela n'allait pas être si terrible. Mais la pluie était plus forte que jamais, les éclairs et le tonnerre grondaient et illuminaient tout ce qu'ils pouvaient et surtout, la tempête était installée sur Meryton depuis plus d'une semaine et elle ne semblait pas vouloir s'en aller. Il y a trois jours, la jeune Grant était partit dans la forêt malgré les interdictions du gouvernement, à cet instant il faisait nuit noir et la demoiselle revenait de chez son tendre ami Henry Fieldway, plus déboussolée que jamais. Après s'être arrêtée quelques instants en sa propre demeure, elle était repartit en courant sous la pluie et le ciel de braise jusque chez les Tiddlers afin d'y trouver Rupert Cassian, le majordome de la demeure qui lui tenait compagnie et pour qui elle jouait du piano de temps à autre. Elle l'avait emmené jusque dans la forêt et ils avaient longuement parlé avant d'être interrompu par la réalité un peu trop vrai à leurs goûts. Les arbres prenaient feu tout autour d'eux, et très vite la fumée devenait leur unique champs de vision. Depuis, Daphnée n'était plus sortie de chez elle et était plongée dans une longue et puissante déprime...

Le regard vide, elle contemplait les dégâts de sa vie. La douce Grant était simplement vêtu d'un peignoir en soie de couleur pourpre qui lui dégageait les épaules et qui lui affinait la taille par une fine ceinture. Cet unique habit lui tombait jusqu'au pied, ne voyant donc pas qu'elle ne portait aucun soulier. Ses délicates mains posées contre la grande vitre du boudoir, Daphnée avait le regard emplit de larmes. Elle avait demandé à ses domestiques qu'on ne la dérange pas depuis son retour de la forêt, et malgré quelques tentatives pour la faire sortir de cette infâme pièce, quiconque n'avait jusqu'à présent réussit. Ses femmes de chambres allaient et venaient lui apportant une assiette de soupe, du thé et parfois même un morceau de chocolat pour l'après-midi. Mais la jeune Lady ne mangeait guère, juste une lichette de pain lorsqu'elle ne tenait plus debout et ne buvait que le thé de l'après-midi. Mais parfois, il lui arrivait de sonner la cloche et les servantes pleine d'espoir accouraient, pour que finalement la demoiselle demande une bouteille du meilleur cru. En ces instants, tous savaient que la nuit allait être longue et que le lendemain matin serait pire.

Il s'était installé un silence pesant dans le boudoir et une atmosphère abject. Le vieux piano situé non loin de la fenêtre avait sur ses touches blanches des tâches de vin rouge non nettoyé, de la porcelaine était encore éparpillée en mille morceaux sur le tapis et il séjournait d'innombrables lettres entamées un peu partout dans la pièce, que ce soit sur les fauteuils qu'au sol. Les femmes de chambres n'étaient autorisées à faire le ménage qu'en absence de l'aristocrate, ainsi elles se dépêchait de le faire lorsque cette dernière était dans son bain. Cependant, il était encore bonne heure pour la demoiselle et cette dernière n'était toujours pas partit se laver. Onze heure sonna à l'horloge lorsque peu de temps après, la porte du boudoir s'ouvrit, annonçant la voix du prêtre Lovehood. Sans détacher son regard de dehors, Daphnée répondit d'un ton monotone :


- Je me meurs mon père.

Pas un regard, pas un mouvement, pas un sourire. Les yeux posé dans le vide, la pluie ne cessait de choir au dehors et les nuages épais et noir obstruaient la lumière, si bien que dans le boudoir de la jeune demoiselle quelques bougies illuminaient ici et là, le lustre principal n'ayant pas été allumé sur la demande de la lady. Cette dernière entendit le père Lovehood déambuler dans la pièce, rallumant d'autres bougies après l'avoir questionnée sur son état de santé. Si seulement... Si seulement elle avait de la fièvre, alors son état aurait peut-être eu des chances de s'améliorer avec plus d'espoir. Habituellement, la présence du père la réjouissait toujours, elle prenait un plaisir vicieux à manipuler les gens selon son bon vouloir, à se trouver plus maligne que les autres et plus puissante aussi. Mais ces derniers temps, Meryton l'avait affaiblit. Une femme de chambre fit peu de temps après son entrée, apportant au nouveau venu de quoi se sécher, ce dernier en profitant pour demander du thé et de quoi manger. Quelques instants après, la domestique avait disparu et ce cher Alexander s'avança afin de se trouver à la gauche de la jeune Grant. Il s'agenouilla et une fois ses paroles terminé, Daphnée détacha son regard de la fenêtre et se tourner avec lenteur vers celui qui se trouvait à ses pieds.

Son teint était plus pâle que jamais, comparable à une âme sans vie, l'on pouvait distinguer sous ses yeux plus foncés qu'à l'ordinaire d'épais cernes noir alourdissant davantage son visage blafard. Ses joues creuses, signe d'une alimentation peu régulière voir inexistante, faisaient ressortir les os de ses pommettes. Seul ses lèvres contrastaient avec le reste, elles étaient d'un rouge sang incroyable, comme si cette dernière les avaient habillées. Ses larges boucles brunes retombaient sur ses épaules nues, et le décolleté provocant de son peignoir laissait paraître ses clavicles, plus osseuses que charnues. Si l'on osait la dévisager un peu plus, l'on pouvait remarquer que ses pupilles, habituellement d'un brun ténébreux, étaient illuminées par une solide couche de larmes, de vide. Daphnée avait baissé son regard sur le futur pasteur et, toujours sans aucun sourire ou signe expressif, elle expliqua :


- Mon père, j'ai péché.


La domestique rentra de nouveau, déposant sur la table basse du boudoir la théière de thé tout droit importé de chine ainsi que deux tasses d'une splendide porcelaine et quelques friandises tels que des petits gâteaux de toutes les couleurs. Sur la pointe des pieds, la femme de chambre repartit comme si elle n'était pas arrivée. Se déplaçant avec grâce et lourdeur, Daphnée parvint jusqu'au sofa rose pâle du petit salon, et servit les deux tasses puis en prit une et la porta à ses lèvres. La boisson était encore trop chaude pour être but, c'est pourquoi la jeune femme la reposa délicatement. Se figeant quelques instants à nouveau, cette dernière reposa son regard dans celui du père Lovehood et poursuit :


- Vous devez déjà savoir ce qu'il c'est passé dans la nuit du 5 mai dernier... A propos de l'incendie, en forêt. Sachez que cet incident n'était pas le seul mon père... Pour ma part, ma vie a changé ce soir là.


Ses paroles étaient pensantes et l'on pouvait sentir au son de sa voix qu'elle n'en avait encore jamais parlé. Son regard ne vacillait pas et sa voix non plus, mais elle parlait lentement, calmement et il fallait presque tendre l'oreille pour entendre ce qu'elle racontait. Son regard était à présent posé sur le tapis mais regardait tout autre chose, il était emmitouflé dans des souvenirs pas si lointain que ça, mais extrêmement difficiles à remuer.


- Je ne pense pas vous avoir déjà parlé de ce cher Henry... Henry Fieldway. Croyez moi j'ai pris connaissance de sa réputation, mais mon père si vous saviez comme tout ceci est faux...


En effet, le Captain Henry Fieldway était connu pour ses innombrables conquêtes d'un soir dans des lieux mal famé. Mai sa réputation ne venait pas uniquement de lui, il n'avait qu'accentué ce que son père avait déjà construit. Cependant, Daphnée ne le connaissait pas ainsi, mais comme étant un homme charmeur certes, mais surtout comme étant un homme attentionné, humble et respectant la bienséance. Enfin, c'est ce qu'elle croyait, car jamais elle ne se serait doutée que cet homme si merveilleux jouait sur deux tableau...


- Peu importe, la question n'est pas là. Je me moque de ce que la foule peut bien colporter, ce qui me tient à cœur est cette nouvelle sensation en moi... Et je crains de savoir ce que cela signifie. Oh mon père, ce fameux 5 mai dernier, je suis allée chez Mr Fieldway afin de lui rendre une monture qu'il m'avait dans le passé prêté..et..et..et nous nous sommes embrassés. J'ai cru que mon cœur me jouait un mauvais tour en battant davantage à son contact, j'ai espéré que cela n'était qu'un mauvais rêve. Alors je me suis enfuie telle une voleuse, j'ai couru sous la pluie encore et encore jusqu'à arriver chez les Tiddlers. Connaissez-vous Rupert Cassian ? Il s'agit de leur majordome, un homme remarquable qui m'a suivit dans ma folie...


Relevant les yeux vers son interlocuteur, sa voix s'était mise à trembler légèrement à présent. Elle n'osait continuer, mais le devait. Elle devait parler et tout avouer, non pas pour la religion, mais poiur elle-même.