Reputation Famille: O'Loughlins Age du personnage: 24 ans Relations :
Sujet: Overwhelming sight # Liam Ven 18 Fév - 0:42
Il était tard dans la nuit. Trois, peut-être quatre heures. L'obscurité était complète. Quelques personnes traînaient encore dehors, rentrant comme Liam après de longues heures de travail ou s'échappant, pour d'autres, d'un bal trop ennuyeux pour se livrer à des activités plus plaisantes en bonne compagnie, mais elles se faisaient plus rares au fil des rues. La soirée avait été longue, pour Liam. Particulièrement longue.
Encore déstabilisé, Liam faisait le trajet du retour vers sa maison sans vraiment s'en rendre compte, par automatisme. Ses pensées étaient ailleurs. Et, la gorge nouée, il revivait encore et encore l'unique seconde qui lui avait été accordée pour revoir son visage. Il n'en revenait toujours pas vraiment. Après sept mois, pendant lesquels il avait souvent baissé les bras, se disant qu'elle avait peut-être quitté la ville, ou même qu'elle n'y avait peut-être jamais été en fin de compte, voilà qu'il avait eu la preuve formelle de sa présence à Bath. Il l'avait vue, de ses propres yeux. Il l'aurait reconnue entre mille. Sa poitrine se serrait. Elle lui manquait terriblement. Combien de fois avait-il voulu revenir en arrière, des mois en arrière, et ne jamais prononcer les mots qu'il avait dit le soir de leur dispute ? Combien de fois s'en était-il voulu à mort ? Il avait été tellement idiot, tellement incapable ! Tellement mesquin avec elle ! Sa colère du moment ne justifiait en rien le comportement qu'il avait eu. Et le manque de communication entre eux non plus. Il s'était comporté en imbécile. Pendant des années, Emy avait supporté un lourd fardeau dans le plus absolu des silences. Elle avait tout enduré, seule, pour ne pas attirer d'ennuis aux O'Loughlin, pour ne pas les inquiéter, pour ne pas les perdre. Et Liam n'avait pas même été capable d'accepter de lui laisser du temps pour s'ouvrir à lui, pour s'ouvrir tout court. Il n'avait tout simplement pas été à la hauteur. Peu importait qu'il en veuille à la Terre entière, et qu'une immense rancoeur le ronge. La seule qui importait réellement, c'était Emy. Et il l'avait poussée à fuir. Il n'était qu'un sombre idiot, il n'y avait pas d'autre explication possible.
La revoir ce soir l'avait chamboulé. Cela avait été trop court à son goût. Il aurait voulu pouvoir la contempler plus longtemps, même s'il devait rester à distance... C'était étrange de ne pas pouvoir aller lui parler librement. Cela lui déchirait le coeur. Il avait du se contenter de lui adresser un mot. Dans lequel il ne disait pas le centième de ce qu'il voulait lui dire. Mais c'était important. Emy méritait de savoir pour Frédérick, Liam n'avait pas le droit de se montrer égoïste là-dessus. Par ailleurs, même s'il en était mort d'envie sur le coup, il avait eu raison de ne pas aller la voir directement. Parce que leurs retrouvailles n'auraient pas pu être discrètes, qu'elles se passent dans la joie... ou pas. Et, à présent, Emy faisait partie du haut de cette société. C'était mauvais pour elle d'être vue avec quelqu'un comme lui, Liam en avait parfaitement conscience. Surtout que sa soeur Caiterina, que Liam chérissait tant, avait elle aussi été présente à ce bal. Si jamais elle l'avait vu, elle aurait bien été capable de faire un scandale, et c'était la dernière chose dont chacun avait besoin.
Liam errait toujours à travers les rues sombres. Il ne s'en rendait pas compte, mais il marchait à une lenteur rarement égalée. Ses pensées le tourmentaient beaucoup trop. Il aurait voulu aller la trouver, sur le champ. Et lui dire qu'il était désolé, qu'il la suppliait, même, de pardonner sa bêtise et ses maladresses. Qu'il n'avait pas besoin qu'elle lui parle de tout ce qu'elle avait du endurer si elle n'y était pas prête, qu'il serait là pour elle de toute les façons, qu'il saurait comment s'y prendre. Il devrait certainement lui couper la parole, parce qu'elle pourrait bien s'énerver contre lui. Elle aurait raison, mais Liam ne voudrait plus de conflit. Il commencerait par lui dire qu'il l'aimait. Il ne lui avait dit qu'une seule fois. Pourtant, c'était ce qui revenait le plus souvent dans ses pensées. Mais peut-être qu'elle ne le laisserait pas parler, peut-être qu'elle aurait aussi des choses à lui dire. peut-être même qu'ils parleraient tous les deux en même temps, et que quelqu'un, surprenant la scène de l'extérieur, les prendrait pour des fous. Mais ils se comprendraient, surement. Ou peut-être que de voir Liam devant elle mettrait Emy hors d'elle. Non, avant de dire quoi que ce soit, Liam fondrait sur ses lèvres. Ou non, peut-être qu'il... Ah ! Il devait arrêter d'y penser ! Mais il voulait tant la revoir ! Encore faudrait-il qu'il sache où la trouver... Mais cela ne serait peut-être pas si compliqué... Peut-être Martha en savait d'elle davantage sur les Ferrars ? Peut-être pourrait-elle lui indiquer un endroit, un numéro d'appartement, même ? Liam s'était immobilisé dans la rue. Il secoua la tête de gauche à droite, pour évacuer ces pensées saugrenues. Il fallait qu'il arrête de faire dans l'utopie. Tout n'était pas merveilleux dans le meilleur des mondes. Emy était... Elle était...
Liam reprit sa route, sans plus de vigueur pour autant. Et si jamais Victor avait eu raison en la croyant mariée ? Peut-être pas avec le petit homme avec lequel elle dansait ce soir, mais quelqu'un d'autre ? Après tout... Elle était belle, intelligente, et drôle, avec de la répartie et un charme fou. Et sept mois avaient passé. Et si elle l'avait oublié ? Et si... Non, Liam refusait de se torturer trop longtemps avec ça. Un jour -il ne savait quand- il irait la trouver. Et ce jour-là, il serait fixé. Et si jamais elle lui disait qu'il avait passé sept mois de sa vie à ne penser qu'à elle, lorsque de son côté, elle avançait sans lui, et bien soit. Il aurait mal, très mal. Soyons francs, il ne s'en relèverait pas. Mais si elle avait l'air vraiment, profondément heureuse, si elle n'avait pas besoin de lui... Il la laisserait mener l'existence qu'elle avait choisie. Il pouvait se battre pour elle, il allait se battre pour elle. Mais s'imposer à Emy, c'était hors de question.
Peut-être une heure et demie plus tard, alors que le jour commençait à pointer à l'horizon, Liam atteignit enfin le seuil de sa petite maison. Il entra et ferma la porte derrière lui. C'est en voyant que Joan était déjà levée qu'il réalisa l'heure qu'il devait être, et le temps qu'il avait du mettre à rentrer. Balto, quant à lui, roupillait tranquillement dans un coin de la pièce.
Liam allait faire un sourire de bonjour avant de se diriger vers la chambre pour enfin trouver du repos, mais il s'arrêta net en fixant l'objet que tenait Joan dans les mains. Il avait l'air estomaqué, et la jeune rouquine s'en rendit compte, car elle lui demanda ce qui n'allait pas.
- Où as-tu... de quel droit est-ce que tu... ? Le visage de Liam se décomposait au fil de secondes. Dans les mains de Joan se trouvait la poupée d'Emily. Liam n'avait pas pu faire autrement que de l'emmener avec lui, lorsqu'il avait fallu quitter la ferme. C'était sans doute l'objet qui avait le plus d'importance aux yeux d'Emy.
- Oh, tu veux parler de la poupée ? répondit Joan, sur un ton sincèrement étonnée, alors qu'elle s'arrêta de trier les affaires qu'elle prévoyait de vendre sur le marché dans la matinée pour se concentrer sur l'état de Liam. Mais avant qu'elle puisse ajouter quoique ce soit, Liam fondit sur elle et lui arracha des mains sans la moindre douceur. Il fulminait.
- Tu as touché à mes affaires ?! Et qui t'en a donné le droit, Joan ? J'ai rangé cette poupée pour une raison précise. Jamais je ne te laisserai la vendre, tu m'entends ?! - Mais Liam, pas la peine de te mettre dans tes états pareils ! Ce n'est qu'un bout de chif... - NON ! Tu ne sais rien, d'accord ? Tu... Tu n'as pas la moindre petite idée de ce que ça représente. Tu n'avais pas le droit d'y toucher. Je l'avais rangée pour une raison précise, Joan. Et toi, tu farfouilles dans mes affaires, c'est ça ? Tu ne t'es pas dit que ça pourrait me gêner, que c'était peut-être des choses importantes ? - Mais comment j'aurais pu le savoir... Tu ne vas tout de même pas en faire en drame ? - Et si j'étais rentré quand tu étais déjà partie, hein ?! Tu ne te rends même pas compte de l'importance que "ce bout de chiffon", comme tu dis, peut avoir pour moi ! - Ce... Elle appartient à... Elle est à elle ?
Liam ne répondit pas, baissa son visage vers le sol, les épaules soulevées par la colère. Il serrait doucement la poupée entre ses doigts.
Flashback : Ferme des O'Loughlin, jour de l'arrivée de Lucy O'Brian.
Liam avait donné son bras à Lucy pour la mener vers la chambre dans laquelle elle dormirait. De l'autre main, il tenait la petite malle qui contenait ses affaires. Ils avancèrent ensemble, pas trop vite pour que Lucy ne se cogne nulle part, vers la chambre. Celle d'Emy. La porte en était fermée depuis de nombreux jours... Mais il faudrait la rouvrir. Liam était anxieux. Lorsque son père lui avait parlé de la lettre qu'ils avaient reçu, expliquant l'arrivée prochaine de Lucy, Frédérick lui avait dit qu'il faudrait la laisser dormir dans la chambre d'Emy, seule inoccupée. Cela allait de soi... Mais pas pour Liam, qui l'avait très mal vécu. Laisser quelqu'un d'autre occuper sa chambre, c'était effacer les dernières traces de son passage dans cette maison.
Liam avait ouvert la porte, lentement, une boule au creux du ventre. En face de la porte, le lit d'Emy. Et sur le lit, à côté de l'oreiller, sa poupée. Celle avec laquelle elle se rassurait, celle qu'elle n'avait jamais quittée ou presque depuis son enfance. Liam s'était mordu les lèvres, se faisant violence pour ne rien laisser paraître de son trouble auprès de Lucy, qu'il avait guidée vers la petite table de la pièce pour qu'elle puisse prendre ses repères. Il lui avait gentiment décrit le lieu, à sa demande, ce qui fut plus douloureux encore. Puis, comme elle voulait se faire une toilette avant qu'ils ne passent à table pour se débarbouiller du voyage, Liam s'était dirigé vers la sortie, le coeur lourd. Mais il n'avait pas pu se résoudre à quitter la pièce sans y jeter un dernier regard. Dans un geste spontané, il avait embarqué la poupée avec lui, et l'avait précieusement conservée depuis. Dans l'espoir, peut-être, de la remettre un beau jour à sa propriétaire.
Fin du Flashback.
- Sors de cette maison. La phrase était lapidaire. Il y eut un bref silence, pendant lequel le visage de Joan blêmit. - Que... Comment ? fit-elle d'une toute petite voix. - SORS ! lui cria cette fois Liam en la fusillant du regard. Joan prit peur, et dans la seconde qui suivit, la porte claquait.
Les mains de Liam tremblaient, enserrant toujours la poupée. Un rictus de douleur animait son visage, à nouveau penché vers le sol. Il se laissa glisser contre le mur dans son dos. Balto vint le voir, les oreilles baissées et couinant légèrement. Liam se mordit les lèvres en regardant en face de lui, puis abaissa son regard vers la poupée et eut un sourire triste.
- Je l'ai revue.
Balto posa sa truffe humide sur la main de Liam, qui le regarda enfin, et lui donna une petite caresse sur le haut du crâne. Il se releva lentement, alla ranger soigneusement la poupée à sa place initiale. Puis il se dirigea vers la porte d'entrée, qu'il ouvrit. A côté de celle-ci, Joan était appuyée contre le mur. Liam ne sut pas bien si elle s'attendait à ce qu'il se calme et revienne la chercher, ou si elle n'avait simplement pas eu d'idée d'endroit où aller. Il vit qu'elle retenait quelques larmes. Elle était toujours très émotives.
- Rentre...
Une fois rentrés à l'intérieur, Liam ne s'excusa pas. Joan comprit dans son silence qu'elle avait commis une grave erreur, et elle se promit intérieurement de ne jamais plus être si sotte. Penaude, elle murmura un "Dors bien" à Liam lorsqu'il se dirigea vers la chambre, alors qu'elle s'apprêtait à sortir pour se rendre finalement au marché. Liam ne répondit pas, la tête pleine de souvenirs.