Les soldats de la Milice ont arrêté le dénommé Liam O'Loughlin, domestique accusé d'agression sur la personne de Lady Emily Donovan, de tentative de meurtre de Lord Winston Ferrars, de vol et d'escroquerie, et condamné à la potence.
Liam est enfermé dans l'une des Cellules aménagées spécialement dans les sous-sols de l'Hotêl de Ville de Bath pour lutter contre la rébellion du Peuple et purger l'Angleterre.
En sortira-t-il vivant ?
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Ce sujet est fait pour exprimer les réactions de ton personnage en ce qui concerne son arrestation, et pour mettre en place les procédés qu'il utilisera pour rester en vie. Il est impossible de négocier avec la Milice... Mais la ruse est toujours une alliée. Bon courage...
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Sujet: Re: Arrestation de Liam O'Loughlin Ven 17 Juin - 0:30
Pretty face, empty soul
Seule la lueur d'une lampe à huile sert à éclairer l'endroit. Un escalier aux marches inégales s'enfonce sous terre et débouche sur un long couloir au plafond trop bas, qui lui-même donne sur les Cellules. L'endroit est humide, froid, austère. Plongé dans une obscurité livide alors même que le jour ne s'est pas couché à l'extérieur. On entend le cliquetis de gouttes d'eau, ruisselant sur les murs de briques et s'échouant sur le sol boueux ; on entend les plaintes sourdes des nouveaux prisonniers ; et puis, les frissons de terreur de ceux qui savent déjà leur cause perdue. La lampe projette des ombres affreuses et tremblantes sur les murs. Soudain, un nouvel élément vient perturber l'équilibre qui s'est ainsi installé. Pas pour longtemps néanmoins. Ici, c'est comme une routine, un événement qui revient encore et encore, inlassablement : on amène un nouveau prisonnier. Dans leurs cellules, ceux qui sont déjà derrière les barreaux lèvent faiblement les yeux, attirés par le bruit du corps qu'on traîne sur le sol, par la lumière et les ombres crées par la lampe que tient en main le soldat de la Milice qui ouvre la marche. On ne parle pas, on en a plus la force, plus l'envie. On regarde simplement le nouveau condamné être amené à sa cellule comme on l'a nous-même été avant lui. On souffre de le voir parce que sa condition ne fait que nous rappeler la nôtre. Ici, nous allons tous périr. Ce n'est qu'une question d'heures...
Les yeux à moitié fermés à cause du coup qu'il a reçu au visage, Liam voit le sol défiler sous ses jambes. Il ne marche pourtant pas. Deux hommes le tiennent pas les épaules et le traînent à travers ces couloirs lugubres. Le frottement de ses jambes contre le sol irrégulier le brûle. Sa peau nue s'écorche et saigne. Liam grimace, mais ne peut protester. Il est plongé dans un état second, presque évanoui, et lutte déjà pour ne pas perdre conscience. Dans sa main droite, il lui semble encore pouvoir percevoir le pouls de Lord Ferrars, qui s'était accéléré lorsqu'il avait resserré ses doigts autour de son cou. C'était il y a moins d'une heure. Les yeux de Liam se ferment. Son arcade sourcilière est ouverte et un mince filet de sang s'écoule sur son visage, jusqu'à sa bouche, blessée elle aussi. Ils avaient été plusieurs, pour venir le chercher. Plusieurs pour le séparer du Lord et l'éloigner de la Lady. Plusieurs pour attraper ses mains dans son dos, un pour le frapper au corps, deux au visage. Ils lui avaient énoncé ses crimes et sa sentence. Et ils l'avaient emmené, comme si tout cela était parfaitement naturel. Et, comme il avait protesté sur le chemin, comme il avait réussi à se défaire de l'emprise du soldat qui lui tenait les mains pour en frapper un autre, on lui avait passé les fers, et on l'avait frappé à nouveau.
Liam rouvre les yeux, essaie à tout prix de ne pas sombrer. Il lui semble que c'est important. Il lui faut trouver un moyen de sortir d'ici, de se libérer de cette terrible situation. ❝ Condamné à être pendu jusqu'à ce que mort s'en suive ❞ Dans son esprit résonne encore l'écho de ce qu'il a vécu juste avant, avec Emily et cet étranger. Il revoie les images, entend à nouveau les mots... S'il n'était pas aussi vide, Liam pleurerait. Mais le seul liquide qui baigne son visage est son propre sang. La fatalité s'acharne sur lui. Il a perdu sa ville et ses souvenirs, son père, et la personne qui compte plus que tout le reste. On s'apprêtait désormais à l'exécuter. Méritait-il cette mort ? ❝ Accusé d'agression sur la personne de Lady Emily Donovan, de tentative de meurtre de Lord Winston Ferrars, de vol et d'escroquerie ❞ Peut-être... Il s'était en effet rendu coupable de quelques unes de ces choses-là. ❝ Agression sur la personne de Lady Emily Donovan ❞ Liam revoit le visage d'Emy, son regard empli de haine et de rancoeur. Puis il revoit la colère dans laquelle elle était plongée, au cimetière... Et le regard méfiant et accusateur du majordome qui était venue la chercher.
C'était donc ainsi que sa vie allait se terminer. Aussi simplement que cela. On allait le pendre dans quatre jours. Il allait passer les derniers instants de sa petite vie d'homme pauvre et misérable dans une cellule. Puis, il y aurait une corde, un noeud... Et tout s'envolerait d'un coup. Il n'y aurait jamais de suite. Il ne reverrait jamais les personnes qui lui étaient chères. Il ne reverrait jamais Emy. Oui, si Liam n'avait pas été si vide, il aurait pleuré toutes les larmes de son corps. Mais il n'était plus qu'une ombre parmi les ombres de cet endroit. Il était vide et anéanti, il était à bout de forces. Voilà, ça y est, il avait atteint sa limite. Il n'en pouvait plus.
Le convoi s'arrêta devant une cellule vide. Les clés s'entrechoquèrent pendant qu'un garde ouvrait la porte de l'immense cage. On jeta Liam à l'intérieur, où il échoua lamentablement sur le sol dur et rugueux. Son sang alla bientôt irriguer la boue sur laquelle il était allongé. Il n'y eut plus que le bruit de la lourde porte de la cellule qu'on referme. Puis, dans le silence rétabli, un sanglot sans larmes. Il n'en pouvait plus...
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Quelques heures plus tard, ses lèvres abîmées et rougies par le sang séché s'entre-ouvrent. Liam ouvre fébrilement les yeux. Il est étendu sur le sol de sa prison dans la même position que celle dans laquelle la Milice l'a laissé. Il a mal au crâne, et son ventre se tord sur lui-même. Ses mains tremblent contre le sol. Les murs de briques noires de sa cellule l'oppressent. La seule ouverture est celle des barreaux rapprochés de la porte scellée. La tristesse de sa situation vient le frapper en plein visage. Des mois de souvenirs lui reviennent en mémoire d'un coup, avec force et vivacité. C'est dérangeant et cruel. Il sent qu'il n'arrive plus à respirer. Il a mal, terriblement mal, alors qu'il imagine le visage de son père se tourner vers lui et n'être empreint que d'une immense déception. Ses poings se resserrent sur la crasse du sol où il s'étend, ses ongles s'enfoncent dans la boue. Liam mord ses lèvres avec une vigueur sans pareille. Car peut-être que s'il parvient à mordre suffisamment fort, il arrivera à oublier la douleur qu'il a au coeur... Peut-être.
I'm in Hell
❝ Une chute perpétuelle. Je suis allé de gouffre en gouffre, toujours plus bas, toujours plus profond. Je n'ai jamais été capable de me relever. A aucun moment je n'ai fait ce qu'il fallait. A aucun moment je n'ai su ce que je devais faire. Je suis allé d'échec en échec. Voilà, je touche finalement le fond. Je la vois, la fin de tout. Elle se profile à l'horizon, dans quatre jours, et je ne peux rien y faire. Rien...
J'ai peur. D'un coup, tout va se terminer. Depuis des heures, je tremble à l'idée de mourir. Je vais passer mes derniers jours ici, et les dernières choses que j'aurais faites avant cela... Je ne voulais pas terminer les choses de cette façon. Je ne voulais pas les terminer maintenant. Je ne voulais pas... Je revois ton visage. Il flotte dans les airs, au-dessus du mien, tout près mais trop loin. Je ne te reverrais plus jamais. Tout sera fini avant. Avant que j'ai pu faire ce que je devais, depuis tout ce temps. Avant que je puisse te dire à nouveau que je t'aimais. Avant que je puisse t'embrasser. T'épouser. M'enfuir avec toi, vieillir à tes côtés, mourir pour toi. Je serai poussière avant tout cela. Je serai cendres avant même que tu saches que c'était ce que je souhaitais.
Tu me détestes. Je l'ai vu dans tes yeux. Je le revois encore maintenant. Tu me regardes, et tu me hais. Je t'ai fait mal. Mais sois certaine que si tu souhaitais me faire subir le même sort, tu as atteint ton but. Tu n'es plus face à moi, pourtant ton regard me poursuit, et je ne peux rien faire pour que mon imagination le transforme, le rende plus doux et plus tendre, lui redonne cette étincelle que j'aime tant. Bientôt, je ne pourrais plus rien voir, plus rien sentir, plus rien imaginer ou penser. Je serais mort, et la dernière image que j'aurais de toi sera celle de tes yeux me haïssant. Tu me fais mal. Tu me déchires en deux, tu creuses dans mon âme, tu écrases mon coeur, tu le lapides, le détruis, le broies. Tu me frappes au visage, tu m'arraches la peau, tu me brûles le corps. Tu es ma plus grande douleur. J'ai plus peur de toi que de mourir. D'un simple regard, tu m'as déjà tué mille fois.
Mais je continue de t'aimer. J'accueille cette vision de toi à bras ouverts, car je vais jusqu'à chérir ta haine pour moi. Tu détestes celui qui t'as blessée, abandonnée, éloignée, vidée. Celui qui n'a pas su te rattraper, celui qui n'a jamais su se battre pour toi. J'en ai eu l'ambition. J'en ai eu l'envie... Mais je n'ai pas été capable de saisir ma chance. N'est-ce pas ? Maintenant, elle est passée, et ne reviendra plus. Je vais tomber dans l'oubli, et te laisser seule pour toujours. Hais-moi. Déteste-moi, méprise-moi...
Souffre. Aie mal comme j'ai mal de te perdre. Sois avec moi une dernière fois. Partage une dernière chose avec moi, même s'il faut que ce soit de la peine. Je suis mauvais, n'est-ce pas ? Je n'y arrive pas. A vouloir que tu sois heureuse dès maintenant, avec n'importe qui. A vouloir que ton sourire ne quitte plus jamais tes lèvres. Je l'aime pourtant, ce sourire. Mais je le voudrais pour moi seul. Ça non plus, je ne te l'ai jamais dit. Que tu produisais en moi de tels élans possessifs. Je te veux pour moi seul, et pour toujours. Je t'aime trop pour te partager. Je t'aime trop pour ne pas être égoïste. Je voudrais être capable de souhaiter ton bien et ton bien seul ; mais je ne le suis pas. Je ne veux que ton bien à mes côtés. Je suis affreux. Et dire que j'ai cru, un moment... J'ai sincèrement cru que j'arriverais à rester éloigné de toi pour te laisser vivre une autre vie. Mais tu ne m'as jamais quittée. Ton image, ta voix, ton odeur. Je veux tout ce que tu es. Je veux même les mensonges que tu m'as faits, je veux les choses que tu m'as cachées, je veux tout. Mais je n'aurais rien.
Je ne veux pas mourir maintenant. Pas comme ça. Je ne veux mourir que pour toi. Toujours, je n'ai voulu mourir que pour toi. Je n'ai plus la force de rien. Je ne peux même pas crier. Insulter ces types qui me détiennent, ne serait-ce que pour me défouler. Je ne peux pas penser à un moyen de me libérer d'eux. Je ne peux plus qu'accepter mon sort, mais ça non plus, je ne le veux pas. Je suis coincé entre deux eaux. Dans une tempête infernale.
Je vais mourir. Lamentablement, comme ça, d'un coup. Dans ma tête, je hurle, je m'arrache les cordes vocales. Pourtant, dehors, rien. Juste un silence de mort. Je n'arrive pas à m'y faire. A me dire que tout est terminé, que je ne pourrais jamais faire pire, parce que j'ai déjà atteint le fond. Ça y est, c'est trop tard. Mes yeux sur le plafond ne voient plus que toi. Mon coeur éclaté ne ressens plus que toi. Mes mains crispées et tremblantes viennent enserrer mon visage. Frapper mon front, mon ventre. J'ai trop mal, je ne le supporte plus. J'ai l'impression que mon âme saigne. Je n'arrive pas à pleurer, pas à crier, rien. Je souffre de l'intérieur ; mon corps comme une prison dans ma prison.
Je regrette. Tout ce que j'ai pu faire. Je regrette le temps où nous étions ensemble. Enfants, adolescents, adultes. Chaque moment. Je regrette de n'avoir pas essayé de stopper le temps à chaque seconde passée avec toi. D'avoir laissé filer chaque instant avec une telle insouciance. Maintenant je suis ici, seul, et je ne peux plus revenir en arrière. Je ne peux plus aller te voir, et redevenir le garçon que tu as aimé. Revenir à notre premier baiser, à notre première bataille d'eau, à nos premiers sourires, à notre première chamaillerie. A la première fois que ma main a touché la tienne. A la chaleur que tes doigts avaient diffusé dans ma paume. A la douceur de ton sourire, à la sauvagerie de ton regard. Je ne peux plus revenir, et ça me tue. Pleure, putain, pleure... C'est tout ce que je me répète. Mais impossible !
Je tremble devant le visage de mon père. Il me regarde et ne voit en moi que quelque chose de raté. Il pensait trop de bien de moi, il me voyait comme quelqu'un que je ne suis pas. Je ne suis jamais parvenu à combler ses attentes, à satisfaire cette estime qu'il avait de son dernier fils. Quand je passerai de l'autre côté, il ne m'ouvrira pas ses bras. Je le sais, je l'ai déçu. Je n'ai pas été aussi fort qu'il le disait, aussi courageux et bon qu'il le pensait. Il est mort en laissant derrière lui un bon à rien, un minable fatigué de tout. Pourtant il m'a toujours soutenu, toujours poussé vers l'avant. Mais une fois encore, j'ai échoué. Je n'ai jamais été capable d'être suffisamment bon pour mériter son amour, qu'il m'a toujours donné malgré tout. Je l'ai laissé tomber. Je l'ai laissé tomber...
...
Je me déteste. Je n'ai plus la force de rien, et je reste là, impuissant, à ne même pas pouvoir pleurer sur mes défauts. Je me déteste. Je ne peux pas bouger si ce n'est pour respirer ou me frapper. C'est tout ce qu'il me reste. J'abandonne tout. Je me laisse aller à la peur. Je ne me raccroche plus à rien. Je tue mes derniers espoirs de revoir le jour avant celui où l'on doit m'achever. Je me déteste. Je me laisse sombrer dans cet enfer que je me crée tout seul. Je ne veux pas me contenter de cette souffrance déjà atroce. J'ai trop échoué pour ne mériter qu'une simple fin. Non, ce qu'il me faut, c'est un Enfer. Un Enfer où tu ne m'as jamais aimé. Un Enfer où mon père et ceux qui comptent me tournent le dos. Un Enfer où je ne meurs pas tout de suite, au bout de la corde. Un Enfer où ma mort est lente, où j'en ressens chaque seconde d'une façon diaboliquement décuplée. Je me déteste. Je me déteste tant que ta haine pour moi n'est plus rien à côté de celle que j'éprouve moi-même...
J'ai peur, Emy. J'ai peur de ce qui va m'arriver ensuite. J'ai peur de ne plus te revoir. J'ai peur d'être seul ! Je me frappe encore une fois, de plus en plus fort. J'ai tellement mal sans toi... Pour toi... J'ai peur de t'aimer à ce point. Je vais mourir, mais ce n'est pas ça qui m'importe, tu comprends ? Je me voile la face en me disant que c'est pour cela que je tremble. Je me fous de crever demain. La seule chose qui me tue, c'est que ce ne soit pas de ta main. La seule chose qui me tue, ce sont tes yeux et ta haine. Je t'aime, Emy... Mourir sans que tu le saches, voilà ce qui me fait réellement peur. ❞
*****
❝ Mes mains sont liées dans mon dos. La corde épaisse et rugueuse me rentre dans la peau et y creuse des marques rouge vif. J'ai soif, tellement soif... Ma tête me tourne, et mon ventre vide se tord de terreur. On m'emmène. Ils me tiennent par les épaules. L'un des gardes est contraint d'enfoncer ses doigts dans ma chair pour me maintenir debout : mes jambes me lâchent. Après avoir monté l'escalier, on sort du bâtiment. La lumière m'aveugle ; c'est le matin. Voilà, je vais mourir.
Sur la petite place derrière l'Hôtel de ville a été dressé une estrade... La potence. Lentement, ils me font monter les trois marches qui me séparent du noeud qui mettra fin à mes jours. Mes yeux s'habituent doucement à la lumière vive du soleil, que je n'ai plus vu depuis quatre jours. Ils fixent le noeud, la corde ; ils demeurent secs. Mon coeur se serre dans un tressaillement douloureux. On m'arrête face à la corde. Je vois une petite foule devant l'estrade, prête à être le témoin de mon exécution. Mon regard ne s'arrête sur aucun visage. Il brasse l'air sans aucun but. Je vais mourir, je n'ai plus que ça en tête. On me passe la corde autour du cou. Une voix forte s'élève, me fait frissonner : on me répète une dernière fois mes chefs d'accusation. Je vais mourir... Je vais mourir... Ce n'est qu'une question de secondes. Quelle sera ma dernière pensée ? Je n'arrive plus à mettre de l'ordre dans mes idées. Un tas de choses me viennent en même temps, mais une certitude, une crainte atroce domine les autres. Je vais mourir !
Mes yeux fous de panique fixent la foule qui me fixe en retour dans un silence de mort. Et, d'un coup, tout s'arrête. Le sol se dérobe sous mes pieds, la corde se resserre violemment autour de ma gorge. Dans ma dernière seconde, je me sens tomber dans le vide. Électrisé par la peur, mon regard se rattache désespérément aux visages de la foule.
Tu es au premier rang, juste en face. Ton regard est noir de haine. Ma dernière constatation, ce sera donc ta présence. Ton sourire... devant mon corps pendant dans le vide.
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Un grand choc. Le noir. J'ouvre les yeux, inspire comme si c'était la première fois. Je vois mes mains, les regarde un moment, hébété. Je suis vivant. Mon regard est alors attiré par les autres personnes autour de moi. Je suis debout au milieu d'une petite foule de gens. Certains visages me sont familiers ; j'ai déjà croisé ces personnes dans Bath. D'autres me sont inconnus. Je ne sais pas où je suis, ni ce que je suis venu y faire. Je lève les yeux au ciel et la lumière trop vive du soleil m'aveugle. C'est le matin. Je lève une main pour protéger mon visage avec son ombre. Entre mes doigts écartés, j'aperçois au centre de la place la forme sombre de la structure de bois. La corde pend dans les airs, dans l'attente de l'arrivée du condamné. Mon ventre se serre de panique, comme un réflexe.
Soudain, la porte de l'Hôtel de Ville s'ouvre. Deux gardes accompagnent le futur mort. On ne voit pas bien de qui il s'agit, il est dissimulé à mes yeux par le corps de l'un des soldats de la Milice. Ils le trainent jusqu'à l'estrade, lui font monter les trois marches... Sa silhouette fine est désormais placée devant la corde, mais je ne parviens pas à distinguer de qui il s'agit, car le soleil m'aveugle à nouveau. Je comprends qu'on lui passe la corde autour du cou. La voix s'élève à nouveau pour lui rappeler ses chefs d'accusation, mais je ne comprends rien ; ce qui est prononcé est indistinct.
Et tout s'éclaire. Ou plutôt, tout s'assombrit. Je vois d'un coup la personne qui est au bout de la corde, à la seconde même où la trappe s'ouvre ses pieds. Je hurle comme jamais.
C'était toi. ❞
Liam se réveille en sursaut dans sa cellule. Il hurle comme il hurlait dans son cauchemar. Ses mains viennent enserrer son visage déformé par l'horreur. Il a un haut le coeur et son ventre se contracte alors qu'il se retourne pour faire face au sol. Mais rien ne sort de sa bouche crispée ; il a l'estomac vide depuis de nombreuses heures.
Le front de Liam vient heurter le sol. Ses doigts sont serrés dans ses cheveux. Il essaie de calmer sa respiration trop bruyante. Dans la cellule d'à côté, il entend qu'un homme grogne, sans doute mécontent d'avoir été réveillé par ses cris. Quelle heure est-il ? Ici, il n'y a plus aucune notion du temps qui s'écoule. Combien de temps reste-il avant l'exécution ? Liam entend le bruit de pas qui résonne dans l'allée, et son souffle se bloque. On vient le chercher, ça y est. les quatre jours sont passés, n'est-ce pas ?...
Mais c'était simplement la ronde du garde, qui passe devant sa cellule sans s'arrêter et s'éloigne peu à peu, suivi par les ombres immenses que projette la lumière de sa lanterne, seule source d'éclairage de l'endroit.
Les muscles de Liam se détendent un peu, mais il reste très crispé dans l'ensemble. Ses yeux se sont faits à la pénombre. Il peut désormais distinguer avec plus de facilité les briques sales et humides des murs de sa prison. Liam se traîne jusqu'à l'un d'eux pour s'y échouer. Il recroqueville ses jambes contre son corps appuyé contre le mur. Ses mains tremblantes se serrent sur ses jambes écorchées. Le sang séché s'y est mêlé à la terre mouillée du sol de sa cellule. Ses yeux scrutent les barreaux. Et c'est le silence...
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Sujet: Re: Arrestation de Liam O'Loughlin Lun 27 Juin - 1:00
Endless Night
Un bruit de pas, le tintement du lourd trousseau de clés qui s'agite à la ceinture, le balancement des ombres sur les murs. Chaque heure, cette routine se répète, fatigante. La ronde des gardes ne s'arrête jamais. Impossible de savoir s'il fait jour ou nuit ; impossible de connaître la date, de savoir combien de temps il reste. Une seule chose change, et va en s'empirant : le mal atroce qu'il a au ventre et qui se creuse au fil des heures. Depuis combien de temps n'a-t-il pas mangé ou bu ? La fatigue pourrait l'emporter, mais la peur le maintient sournoisement éveillé. Dès que sa tête tombe, son corps se crispe dans un sursaut, comme s'il avait entendu le claquement de la porte de sa cellule, ou comme si on l'avait saisi par les bras pour l'emmener à la potence. Cette peur détruit peu à peu son mental. Elle l'assaille de toute part, le transforme, lui fait avoir les plus sombres pensées. Il avait beau être un jeune homme souvent trop naïf et maladroit, il n'avait jamais manqué de courage. Plus maintenant. Il tremblait au moindre bruit qui ne paraissait pas normal entre ces lieux ; frissonnait quand le garde ralentissait trop en passant devant sa cellule. Liam n'était pas prêt à mourir.
Il avait pensé à Lola. Il la laissait derrière lui, sans pouvoir lui apporter l'aide qu'il lui avait promise dès le départ. Il la laissait seule, fragile et perdue, sans le moindre repère. Il s'était mis à espérer qu'Emy ne la laisserait pas tomber. Qu'elle continuerait de prendre soin d'elle comme elle l'avait fait en lui trouvant son logement dans Bath. Il avait espéré que l'enfant que Lola allait mettre au monde serait heureux, et qu'il pourrait grandir tranquille. Que Lola ne le laisserait pas tomber, qu'elle aurait la force de le garder avec elle et de le protéger, même si lui n'était pas là pour lui apporter le soutien dont il lui avait tant parlé. Voilà une promesse que Liam ne serait plus capable de tenir, d'ici quelques heures... Il aurait voulu la serrer une dernière fois dans ses bras. Poser sa paume sur son ventre rond et sentir les mouvements de cet enfant qu'il considérait comme son neveu, ou peut-être sa nièce. Cet enfant qu'il ne connaîtra finalement jamais... Les pensées de Liam étaient également allées vers son frère, qu'il s'était contenté de croiser depuis des mois. Cela avait été la même chose avec Erin et Yann... Fou de tristesse, Liam avait laissé tomber sa propre famille. Peut-être n'avait-il pas voulu leur infliger sa peine en permanence. Mais il avait surtout agi ainsi pour éviter leurs regards. Leurs jugements... Comme il avait tout fait pour éviter celui de Frédérick. Tout lui revenait en pleine figure aujourd'hui, néanmoins. Liam se mordait les doigts de ne pas être resté plus proche de sa famille. Il n'avait même pas pu leur dire au revoir... Et ainsi ses pensées se dirigèrent vers Iris, Candice, et toutes ces personnes qui étaient devenues des amis sincères au fil du temps. Il eut aussi une pensée pour Joan, très brève et amère : Est-ce qu'on se reverra, de l'autre côté ?
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Cinq rondes s'étaient écoulées sans que Liam ne bouge d'un pouce. Il lui avait même semblé, un instant, que ses yeux étaient restés grands ouverts pendant tout ce temps pour fixer continuellement les mêmes barreaux de sa cellule. Mais d'un coup, les choses changèrent. Le garde fut rejoint par un, ou peut-être deux autres. Ils s'arrêtaient face à chaque cellule et on pouvait entendre des bruits de vaisselle glissant et cognant sur le sol de la prison géante. Liam ne bougeait toujours pas, mais ses lèvres s'entre-ouvrirent. Il pouvait sentir l'odeur de nourriture venant des cellules voisines. Cela n'avait rien d'alléchant ; pourtant, après ces moments interminables d'obscurité et de vide, cette odeur mit l'eau à la bouche de Liam. Son ventre se tordit de douleur, plus creux que jamais. On s'arrêta devant la cellule qui faisait face à la sienne. Pendant qu'un garde ouvrait la porte avec précaution et sans quitter le détenu des yeux, le deuxième -et finalement, ils n'étaient que deux- rentrait à l'intérieur pour déposer un bol qu'il avait rempli d'une mixture gluante à même le sol. Ensuite, ils sortaient et refermaient la cellule à clé.
Ce fut finalement au tour de Liam. Le garde déposa le bol parterre, ils sortirent, puis s'éloignèrent sans un mot. Le regard de Liam plongea sur le bol. Il tendit la main vers lui en grimaçant. Il était évident qu'il ne pourrait jamais l'attraper sans bouger, mais il était si fatigué qu'il aurait voulu que le bol se déplace à lui comme par magie. Au bout de quelques minutes, sa faim dépassant sa fatigue, il se déplaça comme il le pu, puisant dans ses dernières forces, pour rejoindre le bol. Il le prit entre ses mains tremblantes, le porta à ses lèvres. L'odeur qui se dégageait de la mixture était forte et nauséabonde. Il grimaça, trempa ses lèvres dedans et avala une gorgée. L'effet en fut immédiat. Laissant tomber le bol à terre, Liam fut pris d'un violent haut le coeur qui le fit recracher ce qu'il venait d'avaler. Son ventre ne cessait de se contracter dans des tremblements convulsifs, et il s'écroula par terre. Il était si mal en point qu'il ne pouvait pas supporter d'avaler la moindre chose. Il faut dire que Liam n'était déjà pas en grande forme lorsqu'il était arrivé ici...
Dans la pénombre, une voix grave s'éleva mystérieusement, en provenance de la cellule d'en face. On distinguait les mains de l'homme qui parlait, mais pas son visage, trop éloigné dans l'ombre. Ses mains lui donnaient une quarantaine d'années.
- Faut te forcer à manger, gamin. On reverra passer le guignol une bonne quinzaine de fois avant qu'ils nous donnent autre chose. Et ça a beau être immonde quand c'est tiède, je te raconte pas ce que c'est quand c'est gelé.
Liam ne répondit pas. Ses tremblements avaient cessé. Allongé sur le flanc, il fixait dorénavant les mains de l'inconnu qui s'adressait à lui. - Allez gamin... J'sais bien que c'est bête de manger vu ce qui nous attend... Mais il y a rien de pire que la faim quand on attend de mourir.
Un frisson parcouru l'échine de Liam, qui ne répondait toujours pas. Pendant un moment, la voix chaude du détenu se tut elle aussi. Lorsqu'elle reprit, elle parut plus basse encore, et plus discrète.
- Ils savent comment y faire pour détruire quelqu'un, hein ?... Regarde-moi ça... T'as quoi, gamin ? Vingt ans ?... C'est pas un âge, ça... C'est pas un âge pour ce qu'ils vont t'faire...
- Vingt-quatre... Murmura Liam dans une voix faiblarde et asséchée par la soif.
- AH ! Tu parles, j'préfère ça ! Allez gamin... Faut que tu te reprennes. On t'a tous entendu crier tout à l'heure... Les laisse pas t'abattre aussi vite. Mange.
Liam fronça les sourcils et porta une main à son visage pour se le frotter. Rien que de penser à manger cette chose visqueuse lui redonnait envie de vomir. Mais l'inconnu avait raison sur un point : la faim était une chose horrible à supporter. Liam n'en pouvait déjà plus, et qui sait combien d'heures il lui restait exactement à passer ici, le ventre vide et douloureux ? Il s'empara du bol, et fixa le reste de la mixture qui, par chance, ne s'était pas complètement renversée tout à l'heure. Entre deux quintes de toux survenues à cause du dégoût, Liam engloutit la nourriture, et envoya valser le bol à un mètre de lui dans un éclat de vieil vaisselle bon marché. Il enserrait maintenant son ventre de ses deux mains, faisant tout pour ne pas être malade à nouveau et tenter d'oublier le goût affreux de ce qu'il venait d'avaler. Il entendit un petit rire venir de la cellule d'en face, et fronça les sourcils. - Ça m'a fait pareil, la première fois, t'en fais pas, on s'y fait !
Comment cet homme pouvait-il rire de cette situation ? Ils étaient enfermés, traités comme des rats, et allaient bientôt crever... Qu'est-ce qu'il y avait de si amusant à tout cela ? Avait-il perdu la tête ? Sa fin proche l'avait-elle rendu fou ?
- Me regarde pas comme ça, gamin. Sa voix s'était assombrie, autoritaire. Tu regretterais d'avoir méprisé la dernière personne avec qui tu vas pouvoir discuter avant d'être pendu.
Cette dernière phrase jeta un froid sur l'ambiance déjà morbide du lieu, et Liam frissonna. Une minute s'écoula dans le silence le plus complet. Ce fut à nouveau l'inconnu qui le rompit.
- Ils t'ont donné combien de jours ?
- Quatre. Silence. Et toi ?
- Neuf. Je suis pas loin de la fin... Je crois.
- Qu'est-ce que... Pourquoi ils t'ont pris ?
Le visage de l'inconnu sortit alors de l'ombre et Liam gardera toujours en mémoire le cynisme et la tristesse qu'il vit dans le sourire du détenu.
- Parce que tu crois qu'ils ont forcément besoin d'une raison ?
Ces mots résonnèrent dans l'esprit de Liam, le faisant réfléchir pendant des heures entières. Aucun des hommes ne reprit la conversation pendant ce long moment.
***********
- Mon petit frère était dans ta cellule, avant.
Liam rouvrit les yeux, ranimé par la voix de son voisin d'en face. L'homme s'était déplacé dans sa cellule, et était maintenant adossé contre les barreaux de la porte, si bien qu'il tournait le dos à Liam. Son visage était tourné sur le côté, lui offrant la vue d'un profil marqué par les coups. Il avait certainement du, lui aussi, lutter lors de son arrestation.
- Il avait vingt-neuf ans. Ils l'ont pris pour vol. C'est quand j'ai essayé de mettre sa femme et ses deux fils à l'abri que les soldats me sont tombés dessus. Le visage de l'homme replongea dans l'obscurité. Sa voix s'assombrit. Ils ont même pris les gosses...
Le regard de Liam s'écarquilla et sa gorge se serra pendant qu'il imaginait la scène. Assis face aux barreaux de sa cellule, il avait posé ses mains sur eux et ses doigts les enserraient à présent dans un mouvement de détresse et de rage. Les femmes et les enfants... Même les femmes et les enfants ?! Cela lui échappait et le révulsait en même temps. Pourquoi prenaient-ils des innocents ? Qu'ils l'enferment, lui, il pouvait le comprendre... Mais pourquoi... Il ne s'était pas aperçu que le détenu s'était retourné pour lui faire face. Il scrutait l'horreur sur son visage dans un silence observateur.
- C'est dégueulasse, n'est-ce pas ? Le regard de Liam plongea dans celui de son interlocuteur, et il acquiesça vaguement d'un signe de tête. Tu as entendu parler de Grangetown ?
Les yeux de Liam eurent un éclair d'intelligence. Bien sûr qu'il en avait entendu parler. Des dizaines de rumeurs, fondées ou non, circulaient sur cette ville et bien d'autres depuis des semaines. Même Liam, dans son éternelle petite bulle de souffrance, avait compris que quelque chose de noir se tramait dans le pays. Grangetown était devenu le berceau d'un mouvement que toute personne défavorisée avait perçu un moment ou l'autre... Et chaque domestique ou ouvrier avait entendu une version de l'histoire de cette femme que l'on avait pendue avec d'autres condamnés alors qu'elle était enceinte. Pour le simple vol d'une miche de pain.
- Ils veulent éviter que ça se propage, alors ils prennent les devants dans les grandes villes... Tu vois ?
- Ils font le ménage. Lapidaire, cette phrase sortit de la bouche de Liam comme une lourde évidence, qu'il s'était néanmoins efforcé de se cacher depuis un moment pour se protéger de l'horreur de la situation.
- C'est pour ça qu'ils n'ont pas besoin d'une bonne raison pour nous enfermer : notre pauvreté leur suffit. Tant qu'on a faim et qu'on peut se rebeller un jour ou l'autre, on est une menace...
- Mais ils ne peuvent pas pendre tout le pays ! C'est de la folie !
- On peut faire n'importe quoi, quand on a peur.
- Peur ? L'homme eut un sourire malin, qui poussa Liam à s'interroger sur ce qu'il avait exactement en tête.
- On est des milliers, eux quelques centaines... Imagine ce qu'on pourrait faire, si on se soulevait tous en même temps. Les grandes mains de l'homme enserrèrent les barreaux de sa cellule, son visage fou se plaça entre deux barreaux et il regarda Liam droit dans les yeux. Il n'y a rien qui fasse plus peur aux riches que le peuple, gamin. La silhouette de l'homme s'évanouit ensuite dans l'ombre de sa cellule, et ils cessèrent de parler.
Liam resta longuement à réfléchir sur ce que lui avait dit l'homme dont il ne connaissait pas le nom. Penser que les soldats enfermaient n'importe qui, pourvu qu'il constitue une "menace", l'écoeurait. De toutes les injustices du monde, c'était sans doute la plus grande que Liam ait pu constater. Mais quand s'arrêterait le massacre, et comment ? Enfermés, il étaient impuissants. Ils étaient tous fatigués et affamés, par dessus le marché. Chacun de ses amis ou collègues luttaient bien souvent depuis des semaines pour garder un emploi. Les nuits étaient souvent trop courtes, le salaire trop petit, la nourriture absente... Liam laissa échouer sa tête contre le mur à son côté. Tout cela était un cauchemar... Un cauchemar éveillé. Une nuit sans fin. Depuis des mois, cela durait. Les peines et les souffrances s'accumulaient et s'entassaient les unes sur les autres, sans jamais laisser une minute de répit. Et ce n'était pas que pour Liam. Dans l'épidémie, nombreux étaient ceux qui avaient perdu un être cher et qui avait du tout abandonner derrière eux, souvenirs et richesses déjà trop minces. Certains ne s'en étaient jamais remis, étaient morts de chagrin et de fatigue. D'autres, comme Liam, vivaient encore mais dépérissaient de l'intérieur. Et aujourd'hui, le cauchemar qui semblait déjà bien rempli, ne faisait en fait que commencer.
Au fil des heures, Liam sentait une rage nouvelle l'envahir, et combler peu à peu le vide pourtant si grand qu'il avait ressenti en se retrouvant enfermé ici. A chaque nouvelle ronde du garde devant sa cellule, il fixait son passage avec toujours plus de mépris. Et il imaginait : combien d'innocents avaient-ils déjà condamnés ? Des assassins, voilà tout ce qu'ils étaient. Evidemment, ils faisaient ça pour protéger une part de la population des émeutes. Mais que faisaient-ils de l'autre part ? Que faisaient-ils des femmes, des enfants ? Que faisaient-ils de ceux qui n'avaient jamais voulu de mal à personne, qui étaient restés honnêtes en toute circonstance, même en crevant de faim ? S'ils avaient réagi auparavant, s'ils avaient choisi d'aider les plus pauvres plutôt que de les abandonner, rien de tout cela ne serait arrivé. Ils n'étaient pas fichus d'assumer leurs erreurs autrement que dans le sang. Voilà qui énervait Liam au plus haut point... Voilà qui lui faisait éprouver un profond dégoût pour la Bourgeoisie de ce monde. Il avait pourtant toujours eu du respect pour eux, envers et contre tout. En vérité, il avait toujours eu du respect pour tout le monde. Mais, ces dernières années, il n'était allé que de désillusion en désillusion. Il n'y avait rien de respectable dans les actes de ces personnes-là. Et Liam en avait assez d'être le naïf, qui voulait y croire coûte que coûte. Cela suffisait. Il ne voulait pas croire que tout le monde était mauvais, mais il savait désormais qu'il n'y avait pas que du bon chez un être humain.
On a tous une part d'ombre. Idéaliser quelqu'un ne sert à rien ; il faut plutôt reconnaître ses défauts, et les accepter comme ils sont. Cette dernière pensée était toute destinée à Emy. Liam l'avait toujours placée sur un fantastique piédestal, où elle n'était baignée que de la perfection la plus absolue. Ainsi, elle ne lui avait jamais menti, elle n'avait fait que ce qui était bon ; et ainsi de suite. Lorsqu'il avait appris qu'elle avait du se prostituer, il ne lui avait rien reproché ; il ne s'en était voulu qu'à lui-même. Il ne l'avait pas trouvée salie, il s'était trouvé lâche. Il s'était mis à accuser la terre entière, à sa seule exception. Il l'avait toujours tant idéalisée que, dès le départ, il avait lui-même condamné ses minces chances de finir un jour à ses côtés : comment lui, qui prenait sur lui chaque tort, aurait-il pu se retrouver avec elle, que tout faisait briller ? Liam le comprenait mieux à présent. Tous les sentiments contradictoires qu'il avait éprouvé ces derniers mois s'éclaircissaient enfin. Il avait cru, à l'époque où ils étaient encore plus ou moins paisiblement à Meryton, être parvenu à se défaire des limites qui l'éloignaient d'elle. C'était complètement faux. Ces limites n'avaient, au contraire, jamais été plus présentes que dans les dernières semaines de leur relation. L'idée de vouloir lui-même faire son bonheur avait progressivement grandi en lui alors qu'inconsciemment, il ne s'imaginait même pas à la hauteur. Et, au final, il l'avait poussée à retrouver sa famille... sachant pourtant pertinemment que ce n'était une solution à rien.
Le garde passa une nouvelle fois devant la cellule, de son pas lourd et toujours égal. A sa ceinture, le battement des clés était toujours le même. Liam le regarda passer devant ses barreaux, son visage se tournant en même temps que son regard derrière la ronde du soldat. Le détenu de la cellule d'en face avait raison : il ne fallait pas qu'il se laisse abattre aussi vite. Il n'était pas encore mort. Au contraire, il était là, pleinement conscient de ce qui se tramait dans ce pays, dans son coeur et dans son esprit. Il n'était pas encore mort... Et pour cette raison, il devait s'accrocher aux quelques heures qui lui restaient. S'étant emparé d'un tesson de vaisselle brisée, il le faisait tourner machinalement entre ses doigts, pendant que son regard contemplait un point invisible de sa cellule. Il ne le savait pas, mais depuis la cellule d'en face, l'inconnu l'observait en silence et, peu à peu, un mince sourire étirait ses lèvres.
Tous ces gens qui avaient trimé toute leur vie pour à peine s'en sortir, et en l'échange de quoi ? Contre quel remerciement ? Se faire condamner à mort... Liam pensait à son père, qui avait toujours fait preuve d'une droiture exemplaire, d'un courage à toute épreuve. Il avait perdu sa femme, éduqué seul ses deux fils, avait parcouru le pays... Et il était toujours resté loyal à ceux qui l'employaient. Des centaines de personnes comme Frédérick, comme Yann, Danny, Erin, Iris, Candice... Des centaines de milliers de personnes se battaient chaque jour pour survivre, pendant que d'autres vivaient luxueusement sans le moindre effort ou mérite, à part celui d'être né au bon endroit. Et c'était ces derniers qu'on protégeait, en prime ? Alors que tout leur était déjà offert ? Juste parce qu'ils avaient peur qu'on leur reprenne ce pour quoi il n'avaient jamais versé une goutte de sueur ? Ils ne fallait pas qu'ils s'étonnent de voir le peuple devenir violent. Parce qu'il y avait de quoi ! Après avoir vu ses proches souffrir pour rien, mourir pour rien... Il y avait de quoi perdre son sang froid. Après avoir passé des mois, des années entières dans la misère, sans personne pour tenter de changer les choses, mais des dizaines pour au contraire vous écraser un peu plus... Oh oui, il y avait de quoi avoir envie de se venger. Liam pouvait parfaitement comprendre ces gens qui avaient brûlé les plus riches maisons, dans d'autres villes. Il comprenait leur haine et leur rage. Mais par dessus tout, ce n'était pas l'envie de vengeance qui illuminait à présent le regard de Liam. C'était plutôt celle de justice. Ramener tout le monde sur un pied d'égalité. Utopique ? Sans doute. Et Liam avait cessé d'être naïf. Pourtant, il ne souhaitait pas être l'un de ceux qui restaient bras croisés et qui baissaient le regard pendant que des innocents se faisaient tuer, alors qu'ils étaient déjà sans défense. Non, il ne voulait plus être un lâche, qui se contentait de subir les actions sans jamais les mener. Il fallait agir. Il fallait que quelqu'un commence... Que l'espoir renaisse.
Ses doigts s'immobilisèrent sur le tesson du bol qu'il faisait tourner depuis tout à l'heure. Dans la cellule d'en face, l'homme l'observait toujours, plongé dans un silence devenu presque religieux. Liam leva le morceau de vaisselle face à son regard, et se mit à en observer le tranchant et la pointe. Un reflet de lumière glissa sur la petite lame, signe qu'un garde approchait avec une lanterne. Le regard de Liam se détourna pour atterrir droit dans celui du détenu d'en face, qui ne l'avait pas lâché des yeux. Il vit dans ses pupilles sombres une intelligence déterminée, un éclat nouveau. Comme une lueur d'espoir qui vint couronner d'approbation l'idée qui se formait lentement dans l'esprit de Liam. Le garde, accompagné d'un autre, s'arrêta devant la cellule de l'inconnu, puis l'ouvrit.
- C'est ton heure. Liam et le détenu ne se lâchaient pas des yeux alors que ce dernier se levait, empoigné par les gardes qui allaient le mener à la potence. Liam put alors remarquer le sourire sur les lèvres de l'inconnu. Un sourire serein, comme soulagé. Les gardes le sortirent de sa cellule, et dans un ultime regard, Liam vit les lèvres de l'homme lui murmurer ses dernières paroles.
- Fais leur peur, gamin...
Le sourire de l'inconnu passa sur les lèvres de Liam. Sa main se resserra sur le bout pointu de vaisselle. Il n'y aurait plus de morts pour rien.
Reputation Famille: O'Loughlins Age du personnage: 24 ans Relations :
Sujet: Re: Arrestation de Liam O'Loughlin Mer 31 Aoû - 17:12
Dawn of Rebellion
Le temps leur glissait entre les doigts. Ils étaient condamnés, tous, autant qu'ils étaient. Leurs espoirs étaient anéantis, leurs coeurs écrasés, leurs rêves broyés et leurs vies en lambeaux. Ils ne leur restait plus rien à perdre que le souffle qui faisait encore se soulever fébrilement leurs poitrines. Mais aussi démunis et misérables qu'ils étaient tous, ils n'étaient pas encore morts. Pas tout à fait. Privés de tout espoir, ils demeuraient pourtant, forts de leur rage et de leur rancoeur, prisonniers de l'obscurité, dans l'attente de leur délivrance. La seule chose dont ils avaient besoin, en réalité, c'était d'y croire. D'avoir foi en cette possibilité extraordinaire : tout ne s'arrêtait pas là. S'ils le désiraient vraiment, ensemble, ils pouvaient retourner les choses à leur avantage. Ils pouvaient se battre, se soulever et s'étendre, comme une masse chaotique et sublime, sur les chaines qui enserrent leurs âmes. S'ils y croyaient, du plus profond de leurs corps et de leurs esprits meurtris, leur délivrance devenait possible. Tout devenait possible, même si rien n'était facile pour autant. Il leur fallait un élément déclencheur. Il fallait que quelqu'un fasse le premier pas. Seulement, chacun était trop fatigué, trop effrayé pour le faire. Chacun ne s'estimait pas à la hauteur. Personne ne croyait suffisamment en lui même pour se jeter à l'eau. Là résidait leur seul réel problème. Ils avaient été trop rabaissés pour se rendre compte qu'ils avaient la solution juste au creux de leurs mains. Leurs paumes façonnées par le travail, par l'acharnement de toute une vie ; leurs paumes étaient leurs meilleures armes. Il suffisait juste d'ouvrir les yeux.
Lentement, les paupières de Liam se soulevèrent, et ses prunelles bleues suivirent immédiatement le dessin des lignes de ses mains, qu'il tenait à hauteur de son visage. Dans la pénombre, il distinguait les minces fissures que le temps et le labeur avaient marquées dans sa chair. Au creux de ses paumes, il y avait encore quelques traces du sang qui s'était écoulé de ses blessures. Du sang sur ses mains. Ce n'était pas la première fois. Il avait déjà été blessé auparavant. Il avait lui-même infligé quelques coups. Il se souvenait également, avec une clarté déconcertante, de l'impression qu'il avait eu lorsque c'était le sang de Vaughn dont il avait dû se laver les mains. Mais jamais encore il n'avait eu à voir glisser entre ses doigts le sang d'une personne morte. Morte car il viendrait de la tuer. Son souffle était calme et ses yeux perçants, alors qu'il insinuait progressivement cette idée dans son esprit. La prochaine fois qu'il regarderait ses mains, lorsqu'il serait à l'extérieur, libre... Il y verrait le sang d'un homme mort. Peut-être même celui de plusieurs hommes, selon la façon dont les choses allaient se dérouler.
Liam n'a jamais cru que la violence pouvait résoudre quoique ce soit. Jusqu'au jour où ce fut le cas ; et ce jour était exactement aujourd'hui. Pour se délivrer, lui et tous les autres, il y aurait un prix à payer. Leur délivrance ne serait pas gratuite. Elle était possible, mais pas aisée. Il devrait prendre la vie des gardes de la Milice, tout comme ces derniers avaient pris la vie de centaines de personnes avant cela. Ils ne le laisserait pas s'évader aussi facilement. Il faudrait les abattre pour pouvoir s'enfuir, être libre... Et renaître. Une délivrance, une nouvelle vie, en l'échange d'un fardeau sur la conscience. Dans quelques heures à peine, il allait voler une ou plusieurs vies humaines. Et il faudrait ensuite être capable de vivre avec ce sentiment chaque jour. Pour que ces vies, aussi coupables soient-elles, n'aient pas été prises pour rien, il fallait qu'il soit capable de garder la tête haute, et de se battre pour la cause qu'il choisissait de rejoindre aujourd'hui, et ce à tout jamais. Ne pas regretter. N'avoir aucun remord. Pouvoir regarder son reflet à nouveau, sans y voir les traits d'un assassin. Y voir simplement les traits d'un homme délivré. Ceux d'un rebelle. Aujourd'hui, Liam O'Loughlin allait tuer. Aujourd'hui, il choisissait son camp. Celui de la résistance. Au dehors, même si les prisonniers ne pouvaient rien en savoir, la nuit s'évanouissait peu à peu, pour bientôt laisser place aux premières lueurs de l'aube. L'aube de la rébellion.
Au même instant, Liam vit la lumière projetée depuis la lampe du garde chargé de faire la ronde se rapprocher lentement de sa cellule, dans les mêmes éternels soubresauts. C'était la treizième fois qu'il passait depuis qu'ils avaient emmené l'inconnu de la cellule d'en face. Si ses calculs étaient bons, il y aurait donc deux autres rondes avant qu'on leur apporte le fameux bol de mixture infâme. C'était la seule occasion dont il disposerait. S'il ratait l'opportunité, la prochaine fois qu'un garde ouvrirait sa cellule, ce serait pour l'amener à la potence. Liam était ici depuis approximativement quatre-vingt-douze heures. Presque quatre jours complets. C'était exactement ce qu'on lui avait donné avant d'être pendu. Et cela s'était révélé être le timing idéal. Quatre jours... C'était pile ce qu'il lui avait fallu pour passer du désespoir et de la souffrance au néant et à la peur, puis à la rage et à la foi. Quatre jours pour passer du paysan condamné au rebelle révolté. Quatre jours pour changer un homme.
Mais, alors que le garde s'approchait peu à peu de sa cellule, Liam comprit qu'il s'était trompé. S'était-il assoupi sans s'en rendre compte ? Avait-il été si absorbé par ses réflexions qu'il avait loupé des tours de garde ? Car, cellule après cellule, la ronde s'interrompait, le temps de la distribution du seul bol de nourriture de la journée, puis reprenait jusqu'à la cellule suivante. Peut-être qu'ils avaient tout simplement deux heures d'avance, mais cela ne ressemblait pas aux habitudes bien réglées de la Milice. Liam tendit l'oreille, et les bruits de pas de deux personnes -et non pas une seule- lui confirmèrent qu'ils faisaient bien la distribution de nourriture. Il sentit son rythme cardiaque s'emballer. A la place de deux heures, il ne lui restait plus que quelques minutes avant que sa seule opportunité de se libérer se présente. Il ne devait la rater pour rien au monde. Mais se retrouver pris de court de la sorte fit monter la panique en lui. Et s'il échouait ? Que se passerait-il ? Et s'il n'avait pas suffisamment de forces pour maîtriser deux gardes d'un coup ? Les doutes le tenaillaient aux tripes. Il ferma les yeux et serra les poings, si fort que ses mains tremblèrent et ses articulations blanchirent. Il fit son possible pour ne pas rendre le peu de choses qu'il avait avalé depuis son arrivée ici, et tenta de maîtriser sa respiration. Les paupières ainsi closes, il se retrouvait plongé dans une obscurité parfaite. Étrangement, cela lui parut apaisant. Il pouvait se calmer tranquillement, sans être paniqué par la vue des terribles ombres des gardes qui se rapprochaient de plus en plus de ses barreaux. Seul le bruit de leurs déplacements indiquait à Liam combien de temps il lui restait, et c'était suffisant. Il fit le vide dans sa tête. Il ne pensa plus à Emy. Il ne pensa plus à son frère, à son père, à ses cousins. Plus non plus à ses amis. Il ne pensa plus à la faim, à la fatigue, à la douleur. Il ne pensa plus qu'à une seule chose, alors que la voix du détenu d'en face lui résonnait dans le crâne : il était capable de se sortir de là. Et il allait "leur faire peur".
Le premier garde fit tourner la clé de la cellule de Liam dans la serrure. Liam le comprit au son caractéristique que le métal produisit. Il gardait les yeux fermés. Ses mains étaient détendues, sa respiration tranquille. On aurait pu croire qu'il dormait. Le garde poussa la porte de barreaux et resta devant, sans retirer les clés de la serrure. Le deuxième garde, celui qui tenait le bol de nourriture, s'avança dans la cellule d'un pas lourd. Il fit rouler un peu le gravier sale sous ses semelles. D'après les frottements qui émanèrent de sa tenue en cuir, Liam l'imagina se pencher en avant pour déposer le bol de nourriture au sol. La vaisselle crissa légèrement sur la pierre, juste à une trentaine de centimètres de la main droite de Liam.
Il ouvre les yeux. Ses prunelles, d'un éclat bleu vif et serein, se rivent à celles du garde, encore accroupi face à lui. Alors que le garde n'a pas fini le geste de retirer sa main du bol, Liam plonge son bras droit vers celui-ci. Il l'attrape brusquement, en se moquant de renverser son contenu tout autour, et d'un geste sec, tout en commençant à prendre appui sur ses deux jambes, il explose le bol sur le crâne du garde. Le garde tombe lourdement à terre, assommé mais pas mort. Sa chute soulève un peu de poussière dans la cellule, mais cela n'empêche pas Liam de finir de se relever, pour faire face au deuxième garde, qui se jète déjà sur lui. Liam part à la renverse, mais il parvient à s'agripper au deuxième garde pour l'entraîner dans sa chute. Lorsque son dos heurte violemment le sol, Liam grimace et étouffe une plainte dans un grognement. Il fusille littéralement le deuxième garde du regard, et en poussant un cri bestial et emprunt de rage, il parvient à le retourner pour prendre le dessus sur lui. A califourchon sur le type, il sert son poing, et lui assène un premier coup. La lèvre du garde éclate et se met à saigner. Il tend les mains vers le cou de Liam pour essayer de l'étrangler, mais Liam le frappe à nouveau. Une rage incomparable guide chacun de ses gestes. Dans son esprit, c'est le vide absolu. C'est mieux ainsi. Il ne faut pas qu'il pense, pour tuer ces hommes. Il faut qu'il agisse. Lorsqu'il plonge son regard dans le sien, il ne doit pas ressentir de pitié, par avoir le moindre doute. Il frappe une nouvelle fois, puis ses doigts glissent sur le cou du garde sonné par les coups qu'il a reçus. Ses mains se resserrent. Ses yeux ne vacillent pas. Il regarde en face l'homme qu'il est en train de tuer. Il ne détournera pas le regard, jamais. Contrairement à la Milice, Liam a choisi d'oser faire face à ses victimes. Pour lui, c'est la moindre des choses. Il n'est pas un lâche, comme eux. Il a le courage d'offrir son visage à ceux qu'il tue. Qu'ils le reconnaissent, qu'ils le haïssent, qu'ils le craignent. Les yeux du garde sont toujours ouverts, mais ses muscles cessent peu à peu de se débattre. Son regard s'éteint ; il est mort.
Alors, Liam se dégage de lui et se retourne, sans avoir une seconde pour trembler. Il n'a pas peur. Sous ses yeux, le premier garde reprend connaissance. Il se frotte la tempe là où Liam l'a frappé avec le bol. Liam n'attend pas pour se jeter à sa gorge. Mais cet homme est d'une taille plus imposante que son défunt collègue. Il parvient à prendre le dessus sur Liam, et la situation s'inverse rapidement. Liam se retrouve écrasé sous le corps du garde, qui commence à ruer son visage et son corps de coups puissants. Liam crache du sang sous l'impact d'un coup au ventre. Il tente de protéger son visage d'un autre coup. Il y arrive, mais l'énergie du garde ne semble pas faiblir. Liam tourne la tête contre le sol. Il voit les éclats de vaisselle mêlés à la poussière. La bouillie répandue tout autour d'eux. Il se sent écrasé, comprimé, comme cette mixture immonde. Mais il ne doit pas renoncer. Il joue de ses jambes pour essayer de se dégager, mais le type est beaucoup trop lourd sur lui. Alors que le garde tend une main grasse vers le cou de Liam pour l'étrangler, ce dernier tourne d'un coup la tête et mord dans la paume du garde aussi fort qu'il le peut. Il mord et ne desserre pas la mâchoire, même si le goût du sang lui envahit d'un coup la bouche, et que le garde tente de lui retirer sa main en hurlant. Il mord, il mord et il mord encore, comme un chien enragé qui n'aurait pas vu de viande depuis des mois. Le garde finit par tirer sur son bras d'un coup sec, et Liam desserre finalement les dents pour le laisser tomber en arrière. Il a le visage couvert de sang, et crache des gorgées entières de liquide rouge sur le sol. Sa main s'empare d'un bout de vaisselle pointu. Le garde, de son côté, serre sa main déchiquetée dans celle encore valide, dans l'espoir de stopper l'hémorragie. Liam se relève, sa lame improvisée à la main. La pointe fait une douzaine de centimètres. Il se laisse tomber volontairement sur le corps du garde, et abat violemment son poing serré sur la lame en plein dans la poitrine du garde. Le sang gicle de la plaie. Liam appuie encore plus fort sur la pointe, il s'écorche les doigts au passage. Le garde s'étrangle dans le sang qui lui remonte dans la gorge, signe que Liam a touché un organe vital. Sans doute le coeur. Le regard hypnotique de Liam tranche à la perfection sur le rouge sang qu'il a partout sur le visage. Le garde meurt dans un dernier gargouillis de sang.
Liam se laisse tomber en arrière. Appuyé sur ses mains écarlates, il laisse errer son regard du corps inerte devant lui à l'autre, plus au fond de sa petite cellule. Il les a tués. Puis, avant de recommencer à penser, il dévie les yeux vers la porte. Ouverte. Avec les clés dans la serrure. Son coeur tambourine dans sa poitrine. Il est vivant.
Ses jambes ne tremblent pas quand il se redresse pour s'élancer vers la porte. Il bondit presque à l'extérieur, comme si quelqu'un avait put surgir de nulle part pour l'enfermer à nouveau avant qu'il n'ait le temps de sortir de sa prison. Et il prend sa première inspiration de rebelle. Une grande goulée d'air, humide et chargé d'une odeur de sang.
Liam attrape nerveusement le trousseau de clés qui pend à la porte de sa cellule. Il s'empare aussi de la lanterne que le second garde avait déposé à l'entrée avant de se jeter sur lui. Il aura besoin de s'éclairer, à travers les couloirs de cette prison géante. Il n'a que de maigres souvenirs sur le chemin à emprunter pour sortir d'ici. Mais avant cela, il doit passer devant chaque cellule, pour en libérer chaque prisonnier. Avant de partir vers la première cellule qu'il voit, il tend l'oreille. Aucun bruit ne lui indique qu'une troupe de garde se rapproche d'ici, alertée par le grabuge de son évasion. Très bien. Cela lui donne également des indications sur l'organisation des locaux : s'ils n'ont rien entendu, c'est que leur point de ralliement, là où se fait sans doute la relève de la garde, est trop loin pour ça. Peut-être n'est-il même pas à cet étage. Cela laisse le temps à Liam de libérer un bon nombre de personnes avant qu'on ne se rende compte de l'absence des deux gardes.
Une fois sûr de ces constatations, Liam part finalement vers le fond du couloir dans lequel se trouvait sa cellule. Il passe devant plusieurs enfilades de barreaux derrière lesquels il n'y a aucun détenu. Déjà pendus. Puis il s'engouffre dans un autre couloir, le premier qui s'offre à lui, en vérifiant avant d'aller plus loin qu'aucune mauvaise surprise ne l'y attend. Mais le couloir est désert. A l'exception, bien entendu, des deux petites mains d'enfant que Liam voit s'approcher des barreaux devant lui. Il distingue le visage du garçonnet dans la faible lueur de la lanterne. Celui-ci le regarde avec terreur et incompréhension. Liam réalise qu'il ne doit pas être très rassurant à voir, avec son visage et ses mains couverts de sang. Mais il lit aussi sur le visage du garçon qu'il ne comprend pas la présence de Liam devant sa cellule. Il se passe quelques secondes, pendant lesquelles ils se dévisagent en silence tous les deux, sans esquisser un geste. Liam a la mâchoire serrée, alors qu'il repense au choc qu'il avait eu, quelques heures plus tôt, en apprenant que la Milice emprisonnait même les enfants. Il en a la preuve vivante devant lui. Ce garçon doit avoir huit ans. Il est maigre, et ses vêtements trop grands pour lui pendent le long de son corps, accentuant son aspect chétif. On dirait une grande brindille, prête à briser n'importe quand. Finalement, Liam s'approche de sa cellule, et se penche à hauteur de l'enfant. Il lui fait un sourire, minuscule, mais au vu de la situation, c'est le meilleur qu'il puisse lui offrir.
- Je m'appelle Liam. Je vais te sortir de là. Ne crie pas. Et Liam s'approche de la porte, tourne la clé dans la serrure, et libère l'accès au petit. Celui-ci ouvre de grands yeux stupéfaits. Il reste ébahi un moment, choqué de se trouver libre. Puis il bondit d'un coup hors de sa cellule, comme Liam l'a fait un peu plus tôt. Comme si on s'apprêtait à refermer sa cage avant qu'il n'ait eu le temps de s'en libérer pour de bon. Une fois sur le seuil de sa cellule, il relève doucement ses yeux vers Liam, puis d'une toute petite voix, lui indique son prénom. - Jim. Liam a remarqué la petite grimace sur le visage de Jim au moment de se réceptionner après son bond hors de la cellule. Il s'accroupit alors face au garçon. - Tu as mal aux jambes ? - La jambe droite. C'est une vieille blessure. Encore pas tout à fait certain de ce qui se trame, Jim n'ose pas poser les questions qui lui brûlent pourtant les lèvres. - D'accord. Tu peux courir ? - Oui, mais ça fait mal. Liam hoche la tête. Puis, face au regard plein d'interrogations du garçon, il parle d'une voix calme, et suffisamment basse pour ne pas attirer l'attention sur eux. - Ecoute, Jim, on va sortir de cet endroit, d'accord ? On va libérer tout le monde, toi et moi. J'ai les clés. Il faut qu'on fasse vite, mais on ne peut pas faire de bruit. Il faut qu'on libère le plus de personnes possible avant que les gardes n'arrivent, tu comprends ? Le garçon acquiesce, une lueur d'intelligence dans les yeux. Bien. On sera bientôt libres, Jim. Pour ça, j'ai besoin que tu sois très fort. Si des gardes arrivent, il ne faut pas que tu aies peur. Il ne faut pas que tu cries. Il ne faut pas que tu te rendes. Tu comprends ? Tu seras libre si tu fais tout ça. Jim acquiesce encore. Tu as de la famille, ici ? - Non. Ma maman... Des larmes naissent au coin de ses yeux. Peut-être est-il intimidé par Liam, par le sang sur son visage ou par ses mots, car on voit qu'il essaie de les retenir de couler. Liam pose une main réconfortante sur son épaule. - Alors écoute moi bien, c'est très important. Si jamais on tombe sur des gardes, je les retiendrais. Tu ne regarderas pas ce que je leur ferais. Tu te mettras à courir. Tu ne t'arrêteras pas, tu m'entends ? Tu ne te retourneras pas non plus. Même si tu as mal, tu vas courir et tu vas te sortir d'ici. Tu te faufileras à l'extérieur, et même une fois dehors, tu ne t'arrêteras pas. Tu connais le Golden Dragon ? Le garçon hoche la tête. Tu vas courir jusque là-bas. Tu taperas à la porte de derrière, et l'aubergiste viendra t'ouvrir. C'est une femme d'à peu près mon âge. Elle s'appelle Candice. Tu lui expliqueras que Liam t'a libéré de prison, qu'il t'a dit de venir ici. Elle te protègera, elle te cachera et te donnera à manger. C'est la seule personne à qui tu peux faire confiance, Jim. Qui que tu croises en chemin, tu ne peux écouter personne d'autre qu'elle, d'accord ? - Et toi et les autres ? - On arrivera plus tard. Tu ne dois pas nous attendre. Toi, qu'est-ce que tu dois faire ? - Courir sans m'arrêter. - Jusqu'où ? - Au Golden Dragon. Pour voir Candice. - C'est bien, répond Liam en lui passant une main dans les cheveux. Il se redresse et indique au garçon de le suivre. Ils font quelques mètres avant de tomber sur une autre cellule avec un détenu.
Le même schéma se reproduit plusieurs fois de suite. Liam a donné la lanterne à Jim, qui lance à chaque détenu avec sa fraîcheur enfantine "On vient vous libérer !" et leur groupe grossit peu à peu. La petite troupe se déplace de cellule en cellule le plus discrètement possible, mais l'excitation et la souffrance physique -certains sont gravement blessés- poussent quelques personnes à se montrer un peu trop bruyantes. Jim est le plus jeune détenu du groupe. Certains sont plus âgés que Liam, et frôlent parfois la quarantaine. Il y a notamment un grand gaillard au corps couvert de cicatrices plus ou moins anciennes. Lorsque Liam l'a libéré, il a mis sa main sur son épaule, qu'il a serré d'une poigne virile, tout en plongeant son regard dans le sien. Et il a sourit. Sa voix grave s'est élevée dans l'air, imposante : "Enfin quelqu'un qui prend les choses en mains." Il lui a ensuite assuré qu'il pourrait s'occuper des gardes à ses côtés, si jamais ils avaient de la mauvaise compagnie. Liam avait effectivement besoin d'alliés forts physiquement et mentalement.
Leur groupe atteignait maintenant une trentaine de personnes. Ils se déplaçaient du plus vite qu'ils le pouvaient, mais ils n'étaient pas aidés ni par l'état physique de la plupart, ni par l'étroitesse des couloirs dans lesquelles ils s'engouffraient. Des personnes qui ne s'étaient jamais adressé la parole avant aujourd'hui s'entre-aidaient désormais comme si elles se connaissaient de longue date. Et puis, dans leur dos, ils finirent par entendre les voix agités de plusieurs gardes. Il s'approchaient en courant. Devant eux, la voie semblait dégagée. Il suffit d'un regard à celui qui lui avait promis son aide, appelé Dastan, ainsi qu'aux hommes qui semblaient le plus en forme possible : d'un même mouvement, ils s'élancèrent pour remonter le couloir en sens inverse, afin de se placer comme un rempart entre les gardes se rapprochant et la fin du groupe. En passant devant une adolescente à l'air solide, Liam lui confia le trousseau de clé et lui indiqua de continuer leur progression. Elle acquiesça et prit la tête du groupe scindé en deux pour continuer à libérer plus de prisonniers. Jim avait suivi le groupe d'hommes pour faire face à la Milice.
Les gardes débouchèrent dans le couloir, et le bain de sang commença. Dastan se jeta d'office sur le plus grand des gardes, et lui tordit le coup avec une telle dextérité qu'on pourrait le suspecter de ne pas en être à son premier meurtre. Cela expliquerait peut-être une bonne part de ses cicatrices impressionnantes. Chaque rebelle se trouva face à au moins un garde. Liam se battait avec un garde d'environ son âge et sa forme physique. Il se prit un coup au ventre, qui le força à se pencher pour tousser, et il cracha du sang -séquelle de son combat dans sa cellule- avant de se pencher un peu plus pour s'emparer d'une pierre au sol. Il se redressa et l'écrasa contre le crâne de son adversaire, qui tomba au sol, les yeux révulsés. Puis Liam s'arrêta un instant pour observer la situation : les gardes leur étaient inférieurs en nombre, mais leur santé était meilleure, et certains étaient armés de couteaux, alors qu'eux se battaient à mains nues. Mais ils se battaient avec une telle rage que tout n'était pas perdu. Le sang giclait de tous les côtés. Un type d'une trentaine d'années, du nom de Mitchell, se fit crever un oeil, mais cela ne l'empêcha pas d'égorger un garde avec une lame qu'il récupéra directement sur le corps inerte d'un rebelle. Liam tourna son visage vers Jim, pétrifié devant la scène.
- Maintenant, Jim ! Fit-il d'une voix forte et autoritaire. COURS ! Et il abattit son poing sur le visage d'un garde passant devant lui. Dans son dos, il entendit les pas précipités de Jim s'éloigner peu à peu. Soudain, le garde devant lui s'envola dans les airs et alla valser contre le mur d'à côté. Liam vit avec stupéfaction que Dastan l'avait soulevé et propulsé contre les pierres avec une facilité déconcertante. Surement l'adrénaline du combat. Le goût de la liberté. Liam fit d'un coup signe à Dastan de se baisser, ce qui lui permit d'éviter de peu un coup de couteau. Liam jeta la pierre maculée de sang qu'il avait gardé dans la main à la figure du garde qui venait de tenter d'égorger Dastan. Le coup fit mouche, et le garde tomba en arrière, assommé. Le combat dura ainsi pendant de nombreuses minutes. A la fin, c'est-à-dire lorsqu'il ne resta plus aucun garde debout, les rebelles n'étaient plus très nombreux non plus à pouvoir reprendre le chemin. Six, tout au plus. Dastan avait perdu la vie pour sauver un jeune homme de dix-huit ans à peine, qui tremblait, traumatisé par les atrocités qu'il venait de vivre. Liam lui même tentait de prendre sur lui pour ne pas vomir. Quatre victimes s'ajoutaient aux deux gardes qu'il avait tués dans sa cellule.
Après un bref moment d'hébétude, ils reprirent la route en courant pour rattraper leur retard. Liam aida Mitchell à marcher, car avec son oeil en moins, il ne voyait pas bien où il mettait les pieds. En quelques minutes, ils rattrapèrent le groupe, qui s'était agrandi d'une vingtaine de personnes. Lorsqu'on les vit arriver, on fit le silence. Ils étaient couverts de sang, blessés, et trois fois moins nombreux qu'au départ. On s'écarta pour les laisser passer en tête du groupe, et sur le passage de chacun des combattants, on leur offrit une légère tape dans le dos. Un contact, un regard. Un signe de reconnaissance. Comme pour se soutenir tous ensemble à travers cette épreuve. Liam marcha en tête du groupe. Derrière lui, il entendit les pleurs d'une femme. La soeur d'un des combattants qui n'était pas revenu. Il serra le poing. Ce n'était pas le moment de craquer.
Ils continuèrent ainsi à travers l'ensemble des couloirs de la prison. Il y eut un autre affrontement avec des gardes, mais ils étaient bien moins nombreux, cette fois, et il fut rapide de les maîtriser. Il n'y eu pas de perte du côté des rebelles. Cependant, dix minutes plus tard, un combattant succomba. Il se vidait de son sang depuis la première altercation, sans pouvoir rien y faire. Sur le visage de chacun des rebelles, on pouvait lire l'épuisement, la fatigue et la douleur. Pourtant, ils continuaient tous d'avancer, comme possédés par la perspective de bientôt se sortir d'ici. Et puis, il y avait autre chose. Une chose plus profonde et implicite, mais que pourtant chacun d'eux ressentait. Cette impression de ne faire plus qu'un. De ne vivre qu'à travers l'ensemble du groupe, tous réunis derrière un même objectif. Ils se battaient ensemble pour leur liberté et leur vengeance.
Ils arrivèrent enfin devant l'escalier qui leur permettrait de sortir des souterrains de l'Hôtel de Ville. Cet escalier débouchait dans une arrière salle du bâtiment. Elle était vide. Un à un, les rebelles sortirent de cette salle, dont une porte donnait directement sur l'extérieur. Sur une petite cour à l'arrière de l'Hôtel de Ville, au centre de laquelle trônait fièrement la potence. Plusieurs rebelles lui crachèrent dessus, dans un geste empli de haine. On entendit aussi quelques pleurs étouffés. Chacun serrait les poings à la vue de cet objet immonde. Puis le regard de Liam se porta sur des tonneaux de bois, entreposés au fond de la cour, sous un petit porche. Il fit signe à un autre homme de le suivre jusqu'aux tonneaux. Des barils de poudre à canon. L'homme qui avait accompagné Liam eut un petit sourire, et Liam hocha la tête. Ils firent signe à d'autres de les rejoindre, et même l'adolescente à laquelle Liam avait confié les clés vint les aider à transporter les barils. Ce fut elle qui perça un trou dans le premier baril de poudre, à l'aide d'une lame qu'elle attrapa à la ceinture de l'un des combattants. La poudre se répandit ainsi tout autour de la potence de bois. Puis ils entrèrent avec le baril percé à l'intérieur du bâtiment. Cela leur prit cinq bonnes minutes pour inonder littéralement le rez-de-chaussée du Town Hall avec de la poudre à canon. Liam fit sortir tout le monde du bâtiment. Le groupe s'éloigna de la cour avec la potence, suffisamment loin pour être à l'abri, suffisamment près pour tout observer. Liam était en retrait du groupe, sur lequel planait un silence presque religieux. Il tendit le bras en l'air pour leur montrer à tous sa lanterne. Il y eut un murmure d'assentiment. Alors, il se tourna face au bâtiment, et y jeta la lampe, qui éclata dans un tas de poudre, et mit le feu au bâtiment. L'Hôtel de ville devint très vite un véritable brasier.
Le groupe de rebelles, dont chaque visage était éclairé par la lueur des flammes, resta un long moment à regarder le Town Hall partir en fumée. Plusieurs personnes posèrent leurs mains dans le dos de Liam, à la manière dont Dastan lui avait saisi l'épaule à la sortie de sa cellule. Les personnes qui étaient trop éloignées de Liam se contentèrent de se donner la main. Devant eux, leur prison brûlait. Leur ancienne vie, une vie de misère et de soumission, prenait fin. Commençait leur vie de rebelle. Leur vie d'homme et de femme libre.
D'un seul mouvement, ils allèrent au Golden Dragon. L'aube ne leur permit bientôt plus de dissimuler leur présence dans l'obscurité de la nuit. Candice les attendait avec Jim. Elle avait déjà dégagé le plus d'espace possible à la cave, et y avait amené des couvertures. Toutes celles qu'elle possédait. Elle avait chargé Jim de s'occuper des premiers soins. Les rebelles parvinrent à tous tenir dans la cave, bien qu'ils soient nombreux. Chaque personne avait un espace et un confort limité, mais c'était toujours mieux que d'être enfermé sous le Town Hall, et personne ne se plaignit. On attribua à chacun une couverture. Parfois une pour deux, faute de mieux. Candice avait préparé une grande marmite de soupe, et servit autant de bols qu'elle le put. Au bout d'une heure, les rebelles commencèrent à s'endormir, apaisés pour la première fois depuis longtemps.
Liam ne s'endormit pas. Il était à l'entrée de la cave, assis sur une des marches de l'escalier, ses bras appuyés sur ses genoux. Il contempla l'assemblée, et fut traversé d'un profond sentiment d'accomplissement. Il repensa au détenu de la cellule d'en face et eut un mince sourire. Il promettait, en sa mémoire, de ne pas s'arrêter là. En sa mémoire et en celle de tous ceux qui avaient péri injustement pour la Couronne. Puis il baissa son regard sur ses mains, encore rouges de sang. A ce moment-là, Candice s'approcha de lui, et le prit dans ses bras. Elle et lui n'avaient jamais été particulièrement proches ; juste des amis, des connaissances. Mais les événement de ce matin les avaient rapprochés. Ils auraient rapproché n'importe qui. Elle se dégagea de lui, puis le regarda dans les yeux.
- Et maintenant ? fit-elle de sa petite voix fluette. - Maintenant, on creuse. Elle lui sourit, une lueur maligne dans le regard. - Je connais tout juste la personne qu'il faut pour ça.
Le lendemain, Candice présentait Liam à Curtis. Ils se connaissaient de loin, pour être le frère ou l'ami d'Iris. Mais ils se rencontraient cette fois-ci dans un contexte bien différent. Curtis, l'insaisissable, avait échappé aux mains de la Milice grâce à ses facultés à se cacher à peu près n'importe où dans Bath. Voilà ce que Candice voulait dire, en parlant à Liam de la personne idéale pour organiser la rébellion.
Ce fut ainsi que tout commença. Grâce aux encouragements proférés par un inconnu à travers les barreaux d'une cellule. Grâce à la volonté de s'en sortir. Grâce à cette idée folle que, tous ensemble, les rebelles sont invincibles. C'était l'aube de la rébellion. Dehors, une belle journée s'annonçait. Les restes du Town Hall étaient encore fumants.