Le soir s'installait sur la ville, assombrissant les ruelles, augmentant le risque de dangers. Je marchais, en direction de l'auberge et l'on n'entendait même pas mes pas résonner sur les pavés, en raison de la forte agitation de fin de journée. Les rues se mettent à devenir bruyantes deux fois dans la journée : vers midi et lorsque le soir tombe. C'étaient les deux grands moments pendant lesquels les habitants de Bath sortaient, pour se restaurer, se rendre au marché (le midi), aller boire un pot (le soir). Pendant ces deux laps de temps, voler était plus facile, puisque la densité de la foule augmentait. Et le soir ça l'était d'autant plus, les ombres étant les complices des criminels. Je m'étais dit que manger un morceau ne me ferait aucun mal, et puis j'avais volé assez pour pouvoir dépenser, c'est donc avec la sage et bonne intention d'aller honnêtement me restaurer que j'étais sorti de sous terre.
Seul malgré les quelques supplications de certains de mes plus proches "soldats", j'avançai rapidement, préférant me débarrasser de cette tâche. Si je n'avais pas absolument besoin de manger, je m'en serais bien passé : je trouvais que c'était une perte de temps incroyable et une chose inutile réservée à ceux qui n'ont rien à faire. La preuve : j'avais appris qu'à la cour du Roi et dans la bourgeoisie, les gens ne s'arrêtaient de manger que pour aller dormir (ou presque). Nous, nous avions bien d'autres choses à faire pour penser au plaisir de la bouche ! Tandis que je philosophais sur cet intéressant sujet, j'aperçus au loin une silhouette féminine, immédiatement reconnaissable grâce à longue jupe qui descendait jusqu'aux chevilles. Puisqu'il faisait sombre, je ne reconnus pas aussitôt cette silhouette que je connaissais pourtant autant que les labyrinthes des catacombes... Lorsque que j'accélérai l'allure, cependant, mon coeur s'emballa en reconnaissant celle qui m'était chère. Iris Duke marchait simplement dans la même rue que moi, tout près de là, et, me tournant le dos, elle ne pouvait pas m'avoir vu. Silencieusement, je m'approchais d'elle à pas de loup et attendis le bon moment pour bondir sur ma proie. Elle poussa un cri que j'étouffais de mon mieux en plaquant ma main sur sa belle bouche rose. En tentant de me calmer et de la calmer, je la retournai face à moi. Dans son regard brun, je lisais avec facilité de l'étonnement, lorsqu'elle se rendit compte de qui j'étais. Cela faisait longtemps que je n'avais pas croisé son regard, même si quelques fois je l'avais aperçue et observée, sans qu'elle ne me voit. Ne sachant que faire ni pourquoi je l'avais arrêtée, j'enlevai ma main de sa bouche pour, de mes deux mains, retenir fermement ses poignets.

"Iris", chuchotai-je tout en admirant ses cheveux couleur chocolat...