by starship & Psychozee
victoria & isabelle

Je me trouvais dans ce petit village depuis de longs mois maintenant, et pourtant, il y avait encore bien des endroits que je ne connaissais pas. Dans mes rêves, j'aurais aimé que mon mari m'en fasse découvrir quelques uns, d'une manière stupidement romantique, mais au vu du peu d'attention qu'il me portait depuis notre mariage, il valait mieux que je fasse cela seule. J'étais vexée, et certainement un peu frustrée. C'était tout bonnement stupide après tout, je n'avais pas à l'être, personne ne lui avait demandé d'être tendre avec moi, et au même titre que moi, il devait ne pas avoir réellement apprécié qu'on le force à lier sa destinée à la mienne. J'aimerais que notre mariage soit heureux, et qu'il réussisse. Seulement, depuis que nous étions devenus époux, je l'avais à peine vu, et je n'entendais jamais le son de sa voix. Nous partagions simplement le même lit, nous couchant même à des heures très différentes l'une de l'autre. J'étais de moins en moins optimiste sur ce que l'avenir nous réservait.

J'étais donc dans Randalls Park, en train de marcher, seule. Habillée de la manière la plus simple qui soit, je n'étais que très légèrement maquillée, et mes cheveux naturellement bouclés tombaient sur mes épaules recouvertes des manches de ma robe. J'aspirais au calme et à la tranquillité, et n'attendait personne pour le moment. De toute façon, je ne connaissais pas grand monde ici, j'étais encore trop nouvelle. Trop seule, également...

Pour quitter le manoir des Tiddler, seule, Victoria avait dû user de toute sa ruse. Déjà, elle avait proposé à sa cousine Lydia de faire un tour en ville, leur tante avait accepté. Mais dès que Lydia était monté dans sa chambre pour chercher sa capeline, Vicky s’était enfuie en direction des champs.
Sa tante s’était probablement pâmée en apprenant sa fuite et Victoria s’imaginait très bien Sarah - la fille de cette dernière - courir dans tous les sens afin de chercher les sels de sa mère. Cette perspective qui naître un sourire franc sur les lèvres de la jeune fille.
Arrivée assez loin du Manoir - qu’elle ne voyait désormais plus que de loi - à bout de souffle, els cheveux tout emmêlés à la suite de cette course folle. Elle éclata de rire, tout en lissant sa jupe d’une main tremblante, un rire franc et joyeux qui contrastait tant avec l’état mélancolique où elle se trouvait depuis son arrivée forcée à la campagne.
Tout ici était si calme, qu’elle en avait été démoralisée, mais d’avoir échappé au joug familial, d’avoir renoué avec ses frasques aventureuses lui faisaient du bien. Elle respirait enfin. Elle était redevenue elle-même : le petit canard indomptable et joyeux de la famille.
Enlevant les dernières pinces de son chignon, elle passa une main pour démêlés ses lourdes boucles blondes et se mit à sautiller dans les champs. Pour un peu, elle se serait même mise à chanter.
Au bout de quelques minutes, elle retrouva son souffle, et remarque que ses pas l’avait menée au parc. Jetant des regards incrédules autour d’elle - elle ne se souvenait pas de la proximité de ce lieu avec l’habitation des Tiddler - , elle remarqua qu’elle était seule.
Tête en l’air, elle observait le paysage, lorsqu’elle percuta de plein fouet une masse sombre. Surprise, elle battit des mains, mais ce ne fût pas suffisant pour retrouver son équilibre. Elle tomba lourdement en arrière, et se retrouva assise sur le sol.

« - Ouille » , laissa-t-elle échapper.

Victoria ferma les yeux l’espace d’un instant. Il n’y avait qu’à elle que ce genre de choses arrivait. Sa mère avait donc raison de lui donner le surnom de Miss Catastrophe songea-t-elle, piteusement.
Dire qu’elle s’était toujours targuée de ne jamais commettre d’impairs en présence d’un public non-familial; elle pouvait désormais réviser son jugement.
Rouvrant les yeux, elle dévisagea l’obstacle qu’elle venait de percuter. A un moment, elle avait craint qu’il ne s’agisse d’une vieille veuve, venue nourrir des canetons, mais elle s’était lourdement trompée. La jeune femme qui se tenait devant elle n’avait rien d’une vieille dame et veuve de surcroit.
Victoria l’observa attentivement et constata qu’elle devait être à peine plus âgée qu’elle, bien qu’elle devait être d’une taille quelque peu inférieure.
La jeune femme remplaça d’une main tremblante une de ses boucles blondes qui lui cachait la vue, derrière son oreille; tout en soupirant.
Il devait s’agir d’une noble, probablement l’une de ses jeunes langues de vipères, avide de ragots et qui adorait les faire circuler.
Ses parents seraient probablement ravi que leur fille cadette devienne le sujet de conversation préféré de tout le Hertfordshire.
Acceptant avec une mine boudeuse la main qui lui était tendue, elle se redressa tant bien que mal. Heureusement qu’elle n’avait pas revêtu l’un de ses corsets que sa tante adulait, sa poitrine aurait été si comprimé dans la collision qu’elle n’y aurait pas survécu, songea-t-elle rapidement.
Soudain, les paroles que son interlocutrice venaient de prononcer firent leur chemin dans l’esprit de la jeune lady, qui se rebiffa à l’idée qu’on l’appelle madame.
Son visage s’assombrit, et elle gratifia l’autre femme d’une œillade incendiaire; accompagné d'un geste de la main qui stipulait que le reste de sa phrase n'avait aucune importance.

- Miss, corrigea-t-elle. Lady Victoria Cavendish, pour être plus précis, précisa-t-elle hautaine.

Généralement, elle n’était pas très tournée vers les titres de noblesse, mais qu’on la prenne pour une « madame » l’avait refroidie.

- A qui ai-je l’honneur ? Daigna-t-elle demander, cédant à la curiosité.